Résumé du film Dans les années 1970, le poète Abdellatif Laâbi est arrêté pour délit d'opinion, torturé et condamné à dix ans de prison. Sa femme, Jocelyne, une enseignante française, se mobilise pour sa libération... Depuis deux semaine déjà, le film d'Abdelkader Lagtaa, "La moitié du ciel", tient l'affiche dans plusieurs salles du Maroc. Il s'agit du sixième long métrage du cinéaste après "Un amour à Casablanca", "La porte close", "Les Casablancais", "Yasmine et les hommes", et "Face à face", films qui se sont frayés une place confortable aussi bien auprès de la critique, souvent favorable aux films de l'auteur, qu'auprès du public, qui affluait dès le premier long métrage. Voir le film dans une salle de quartier, malgré leur rareté aujourd'hui, on ne peut que se réjouir du succès public encore une fois au rendez-vous. Et il n'y a pas à regretter de voir un tel film sur grand écran au milieu d'un public enthousiaste. Il y a certes des raisons à cela. D'abord le sujet qui, en principe, ne doit toucher qu'une frange de la société marocaine, celle de la génération des années de plomb, qui a vécu ou est érigée en témoin oculaire d'une époque heureusement révolue. C'est le sujet central du film écrit en collaboration avec l'un de ces nombreux témoins, ayant acquis depuis une réelle notoriété, en la personne du poète-militant Abdellatif Laabi, celui-là même qui se retrouve ces derniers jours victime d'une agression au motif obscur à son domicile, près de Rabat. Traîne-t-il encore la poisse de ces années plombées à jamais? Se basant sur un roman biographique écrit par Jocelyne Laabi, l'épouse fidèle à la cause, Lagtaa suit à la lettre le déroulement d'événements qui marquent l'Histoire militante du pays, événements connus aujourd'hui de tous. Cependant, ce n'est pas la première fois qu'on porte à l'écran certaines vérités en rapport avec les fameuses années de plomb, notamment par Saad Chraibi (Jawhara), Abdelhai Laraki (Mona Saber), Hassan Benjelloun (La chambre noire), Jilali Ferhati (Mémoire en détention)... en associant même quelques victimes (exemple de Jawad Mdidech pour "La chambre noire"). Or, ce qui est nouveau et singulier chez Lagtaa, c'est de concentrer toute sa fiction sur des événements précis touchant les harcèlements, sévices et tortures infligés à la gauche radicale, par l'image et le son largement inspirés du vécu. Se dégage du film une sincérité absolue expliquée par l'engagement certes de Lagtaa, acquis à la cause depuis de longues dates mais préférant militer à sa manière dans l'ombre, et qui entoure le film d'une affection toute particulière, en justifiant avec conviction les mobiles apparents. C'est ce qui donne au film une force singulière qu'on n'a pas pu trouver hélas dans les films restés le plus souvent entachés de superficialité. Ajoutons à cela le choix des acteurs principaux, notamment Sonia Okacha dans le rôle de Jocelyne, Anas El Baz dans celui de Laabi, et même Marc Samuel dans le rôle d'Abraham Serfaty, tous convaincants et si bien introduits dans leurs personnages respectifs, sobres, justes et imprégnés. Cela à aidé le réalisateur comme a aidé le public à suivre une histoire ancienne certes, mais ramenée à l'actualité grâce à la maîtrise d'un cinéaste peu prolifique certes mais adroit et efficace.