Il y a peu d'ouvrages d'analyse sur les accointances entre le surréalisme, en tant que mouvement d'avant-garde esthétique et le cinéma. Un tel courant de pensée nourri de mille ardentes nouveautés et qui dans sa ligne d'assaut s'attaquait à tout ce qui sommeillait ne saurait négliger le 7e art, domaine aux innombrables confluences et répercussions. On sait que les deux préférés des surréalistes étaient Eisenstein et Luis Buñuel. L'influence du groupe surréaliste était perceptible à travers les débats d'idées que suscitaient certaines productions cinématographiques. Il y en avait de plus virulents. Les critiques de cinéma d'obédience surréaliste avaient eu, au summum de cette époque d'effervescence intellectuelle, un grand retentissement. Robert Desnos en a formulé de plus sentencieuses. En écrivant qu'il préférait Louis Feuillade à l'Herbier, il avait jeté la pierre dans la mare. Ce qui mérite d'être souligné en passant, c'est que les critiques de cinéma qui se disant issus des survivances du surréalisme épargnaient les cinéastes gauchisants. Etait-ce par sympathie idéologique ou par excès de complaisance ? Une horreur de la répétition Le cinéma surréaliste est très difficile à concevoir puisque, comme ingrédient de base, l'automatisme inspiré de la doctrine psychanalytique freudienne, qui met en exergue le langage de l'inconscient, lui manque. Or, la spontanéité créatrice est un pilier du surréalisme. On peut rédiger des poèmes automatiques, mais une scène cinématographique, ça se travaille sans cesse et elle trouve sa quintessence dans les répétitions. Il est difficile de représenter par le truchement de l'image instantanée le fonctionnement réel de la pensée et des rêves. Or, le concept d'André Breton a horreur de la répétition et de la redondance. Ceci concerne bien évidemment la forme, reste les points de vue et les commentaires que l'on fait après visionnage des films. Si Luis Buñuel avait réussi à séduire les surréalistes, c'était parce qu'un des peintres surréalistes collaborait avec lui. Il s'agissait de Salvador Dali. D'ailleurs, le tandem n'avait pas fait long feu. Une discorde avait éclaté entre les deux Espagnols et avait mis un terme à leur amitié. Pourtant, malgré la carence, certains films sont répertoriés dans ce qu'on appelle le ''cinéma surréaliste''. On peut en citer les plus représentatifs : La Coquille et le Clergyman dont le scénario est l'œuvre d'Antonin Artaud. Le Sang d'un poète de Jean Cocteau , Un chien andalou de Luis Buñuel et Salvador Dalí et puis L'Étoile de mer de Man Ray Cependant, si la production de films dits surréalistes semble dérisoire, la cinéphilie a été fortement secouée par la critique surréaliste. Au sein des revues spécialisées (Les cahiers de cinéma, Positif...) on trouvait des plumes si dévouées à la cause, mais malheureusement, ils n'avaient pas trouvé de Lautréamont du cinoche pour en faire l'apologie dans les règles. La conquête du théâtre par les surréaliste s'était effectuée sans difficulté, mais certaines pièces comme celles qu'Artaud a montées avaient créé une controverse sans précédent, à tel point qu'André Breton, mis en colère par la réaction du public, rédigea dans son manifeste de 1929 une phrase guerrière qui, prononcée aujourd'hui, pourrait s'apparenter à un mot d'ordre insurrectionnel dont les anars feraient grand tintamarre: « L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule ». *