Les jihadistes d'Al-Qaïda et leurs alliés contrôlaient quasi-totalement jeudi la province syrienne d'Idleb après la prise de la ville d'Ariha, infligeant un nouveau revers au régime dans la guerre qui l'oppose aux rebelles depuis plus de quatre ans. La ville a été prise après une vaste offensive éclair lancée par "l'Armée de la Conquête (Jaich al-Fatah)", une coalition formée du Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, et de groupes rebelles islamistes, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Le régime de Bachar al-Assad ne contrôle plus dans cette province (nord-ouest), proche de la Turquie, que deux villages chiites, quelques postes militaires et l'aéroport militaire d'Aboul Douhour. "Le Front Al-Nosra et ses alliés ont pris le contrôle d'Ariha, la dernière ville dans la province d'Idleb, après une offensive éclair", a déclaré le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. La ville à majorité sunnite est tombée "après le retrait d'importantes forces du régime et des combattants du Hezbollah (libanais). Des dizaines de véhicules de l'armée ont été vus se retirant de la ville", selon l'ONG qui dispose d'un large réseau de militants et de sources médicales à travers le pays. "L'offensive n'a duré que quelques heures", a souligné M. Abdel Rahmane, en jugeant "surprenante la chute de la ville aussi rapidement alors qu'un grand nombre de forces (pro-régime) s'y trouvaient. Nous nous attendions à ce que la bataille soit dure". Plusieurs milliers de soldats étaient positionnés à Ariha, qui comptait 40.000 habitants avant le début de la guerre civile. Selon M. Abdel Rahmane, des militaires iraniens s'y trouvaient également pour épauler l'armée. Série de défaites Dans un tweet sur son compte, "l'Armée de la Conquête" a écrit: "Ariha a été libérée". Cette coalition a remporté ces dernières semaines une série de victoires dans la province en prenant sa capitale provinciale, la ville de Jisr al-Choughour et le camp militaire d'al-Mastouma. Le régime Assad avait déjà subi il y a une semaine une défaite face aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui ont conquis la cité antique de Palmyre, l'OSDH affirmant ensuite que l'EI contrôlait désormais la moitié du pays. Depuis le début en mars 2011 du conflit en Syrie, déclenché par la répression d'une contestation populaire avant d'être complexifié par l'intervention d'Al-Qaïda puis de l'EI, le territoire aux mains du régime s'est réduit comme peau de chagrin. Ce dernier ne contrôlerait plus que 22% du territoire, selon l'OSDH, mais c'est là que vit la majorité de la population. Selon le géographe français Fabrice Balanche, 10 à 15% de la population vit sur les territoires contrôlés par l'EI, 20 à 25% sur ceux aux mains du Front Al-Nosra et ses alliés, 5 à 10% sous l'autorité des kurdes et 50 à 60% dans des régions gérées par le régime. Le nord, l'est et le sud du pays sont aux mains des rebelles et des jihadistes. L'armée est partout sur la défensive, à l'exception de Qalamoun, à la frontière avec le Liban, mais ce sont les combattants du Hezbollah qui sont à l'avant-garde. 470 corps exhumés en Irak En Irak voisin, près de deux mois après avoir repris Tikrit, les autorités ont annoncé avoir exhumé 470 corps dans quatre fosses communes. En juin 2014, au début de l'offensive de l'EI en Irak, des hommes armés appartenant ou liés au groupe ultraradical sunnite avaient enlevé des centaines de jeunes recrues, essentiellement chiites, rassemblées dans le camp militaire de Speicher, à la limite de Tikrit, au nord de Bagdad. Ils avaient ensuite exécuté ces hommes un par un, selon des images de propagande diffusées par l'EI. Ces images, couplées à l'appel de l'ayatollah Ali al-Sistani, plus haute autorité chiite en Irak, avaient grandement contribué à la mobilisation des milices chiites auprès des forces gouvernementales contre l'EI. Selon les estimations, le "massacre de Speicher" aurait fait jusqu'à 1.700 morts, ce qui en fait l'un des actes les plus atroces commis par l'EI, un groupe accusé de crimes contre l'Humanité et responsable d'exactions dans les régions sous son contrôle en Irak et en Syrie. Ailleurs en Irak, les forces gouvernementales soutenues par les milices chiites ont poursuivi leur opération pour tenter d'encercler l'EI à Ramadi, la capitale de la province occidentale d'Al-Anbar conquise le 17 mai par l'EI. Elles avaient repris ces derniers jours le contrôle de certains quartiers aux alentours de Ramadi. Jeudi soir, au moins cinq personnes ont été tuées à Bagdad dans l'explosion de voitures piégées sur les parkings l'Ishtar et du Babylon, deux des plus prestigieux hôtels de la capitale irakienne, a annoncé la police. Les autorités ont indiqué que les forces de sécurité avaient également déminé une autre voiture piégée sur le parking du Babylon.