Souhaitée par les Nations unies et par Washington, une « pause humanitaire » pourrait avoir lieu prochainement au Yémen, où l'offensive armée de pays arabes contre les rebelles houthistes a de graves conséquences pour la population. L'Arabie saoudite a annoncé, lundi 4 mai, qu'elle consultait ses partenaires de la coalition pour « cesser temporairement les raids aériens dans [des] zones pour y permettre l'acheminement de l'aide humanitaire », a expliqué dans un communiqué Adel Al-Jubeir, nouveau ministre des affaires étrangères saoudien. Il n'a toutefois donné aucune indication sur la date ou sur les modalités de la mise en place de ces zones. Les Nations unies ont mis en garde contre une « catastrophe humanitaire » au Yémen, où les livraisons de fuel et d'aide humanitaire sont rendues très difficiles par les raids aériens, qui ne cessent pas depuis le début des hostilités, le 26 mars. Aux risques liés à ces raids s'ajoute la lenteur de l'acheminement des vivres, liée au contrôle strict de tous les cargos qui arrivent au Yémen en raison de l'embargo sur les armes auquel le pays est soumis. Samedi, Johannes van der Klaauw, coordinateur humanitaire de l'ONU pour le Yémen, a ainsi déclaré que « les services encore en fonction dans le pays en termes de santé, d'eau et de nourriture sont en train de disparaître parce que le pétrole n'y entre plus ». Selon les hôpitaux locaux, la guerre a déjà fait plus de 1 200 morts et 5 000 blessés dans le pays. L'ONU évalue à 300 000 le nombre de personnes qui ont été déplacées à cause du conflit et considère qu'il affecte un tiers de la population (7,5 millions de personnes). Ces conséquences pour les civils attisent les critiques à l'égard de l'Arabie saoudite, à la tête de la coalition antirebelle. Riyad se défend en expliquant ses réticences par sa crainte de voir les houthistes tenter d'« exploiter les pauses dans les bombardements dans ces zones pour empêcher l'acheminement de l'aide » a précisé M. Al-Jubeir. Il a prévenu que la coalition riposterait par des « raids à tout mouvement suspect » de cette nature. L'offensive terrestre en question Riyad nie toute offensive terrestre, alors que des responsables locaux ont affirmé avoir vu pour la première fois, dimanche, des militaires de la coalition dans les rues d'Aden, port du sud-ouest du Yémen, dont l'aéroport est aux mains des houthistes. « Je peux assurer qu'il n'y a eu aucun débarquement dimanche à Aden », a insisté le porte-parole de la Coalition, le général de brigade Ahmed Al-Assiri, et ce même si la chaîne de télévision panarabe Al-Jazeera a diffusé dans l'après-midi des images d'un groupe de soldats, casqués et armés, marchant dans le quartier de Khor Maksar, près de l'aéroport. Un vidéaste de l'Agence France-Presse a lui aussi fait état de la présence de ces militaires, visiblement mécontents d'être filmés. Plus de cinq semaines de raids aériens ont, certes, privé les rebelles houthis, soutenus par l'Iran, d'installations militaires, d'importants stocks d'armes et de voies d'accès pour poursuivre leur avancée au sud, mais les frappes n'ont pas fondamentalement changé la donne sur le terrain, estiment des experts. De nombreux analystes se demandent si la Coalition, dirigée par Ryad, sera capable de rétablir l'autorité légitime du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a fui vers l'Arabie saoudite, sans intervention terrestre. L'une des «contradictions» de la stratégie saoudienne est d'avoir déclenché une campagne aérienne «sans composante terrestre», souligne l'expert Neil Partrick. Selon des spécialistes, l'arrivée discrète dimanche à Aden de dizaines de soldats de la coalition arabe semble répondre au besoin de mieux organiser les rangs des combattants pro-Hadi, jusqu'ici incapables de bouter les rebelles hors de la grande ville du Sud. Les comités de «résistance populaire», réunissant des miliciens fidèles au président Hadi et d'autres groupes hostiles aux Houthis, manquent en effet singulièrement d'expérience et de leadership, souligne un expert militaire à Aden. «Le soutien aérien de la Coalition ne suffit pas lorsque l'on manque d'organisation sur le terrain», estime ce spécialiste qui souhaite garder l'anonymat. La résilience des Houthis En face, les Houthis se sont aguerris depuis qu'ils sont partis de leur fief de Saada, dans le Nord, pour entrer dans la capitale Sanaa en septembre 2014 avant de chasser du pouvoir M. Hadi en janvier et d'avancer vers le sud en mars. «C'est une organisation idéologique qui s'est forgée en armée dans un environnement de guerre», relève l'expert yéménite Majed al-Mithhadi, pour expliquer la résilience des Houthis. Ces derniers profitent également de leur alliance avec des éléments de l'armée restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh. Des spécialistes soulignent aussi la nécessité pour la Coalition de ne pas laisser Al-Qaïda profiter du conflit pour accroître son implantation, en particulier dans le Sud-Est. Le réseau djihadiste sunnite a déjà conquis en avril la ville de Moukalla, capitale de la province du Hadramaout. Mais des centaines d'habitants ont manifesté dimanche soir contre Al-Qaïda pour réagir à une menace de mort contre un imam critique des djihadistes, selon des témoins. «Sudiste, réveille-toi pour dire non à Al-Qaïda et non aux Houthis», ont scandé des manifestants, exprimant à la fois leur rejet du réseau extrémiste sunnite, bien implanté au Yémen, et des rebelles chiites. Ils ont également crié des slogans hostiles à l'homme qui est considéré comme l'émir d'Al-Qaïda à Moukalla, Khaled Batarfi, libéré de la prison avec quelque 300 autres détenus lors de la prise de Moukalla.