Le Yémen s'enfonçait dans la guerre, samedi 28 mars, après trois jours d'une intervention dirigée par l'Arabie saoudite contre des rebelles chiites liés à l'Iran. Pour la quatrième nuit consécutive, des raids aériens de la coalition arabe ont visé, dans la soirée du samedi 28 mars, les rebelles Houthis, qui contrôlent la capitale Sanaa et ont resserré l'étau sur Aden, la deuxième ville du pays. Signe de l'insécurité croissante dans ce pays pauvre de la péninsule arabique, des centaines d'employés étrangers ont été évacués de Sanaa. "Plus de 200 employés de l'ONU, d'ambassades et de sociétés étrangères" se sont envolés samedi de l'aéroport de Sanaa, a déclaré une source humanitaire, sans préciser leur nationalité, ni leur destination. Des dizaines de diplomates, dont des Saoudiens, évacués d'Aden par la marine saoudienne, sont quand à eux arrivés samedi en Arabie saoudite. Il ne reste plus au Yémen que "du personnel nécessaire aux missions humanitaires d'urgence", selon une autre source. Samedi soir, des raids arabes ont frappé une base aérienne à Hodeida (ouest) et deux sites militaires à Saada, fief des Houthis dans le nord, selon des témoins. La veille, les avions de la coalition avaient mené leurs raids les plus intenses depuis le début des frappes, contre des positions rebelles dans et autour de Sanaa, selon des témoins. La coalition militaire arabe a indiqué avoir "détruit la plupart" des missiles aux mains des Houthis et de leurs alliés. Les Émirats arabes unis ont annoncé que leurs avions de combat avaient effectué samedi de nouveaux raids contre des positions des Houthis à Sanaa et à Mareb, à l'est de la capitale yéménite dans le cadre de l'intervension militaire conduite par l'Arabie Saoudite visant les rebelles houthis. Les raids de l'aviation émiratie ont visé des camps militaires des Houthis à Sanaa, "dont un site de missiles, des systèmes de la DCA et des centres militaires d'approvisionnement dans la région de Mareb", a détaillé l'agence de presse Wam. Il s'agit de la deuxième mission annoncée depuis le début jeudi de l'opération militaire, conduite par l'Arabie saoudite au Yémen. L'intervention militaire a été lancée jeudi pour venir en aide au président Abd Rabbo Mansour Hadi face aux avancées des rebelles houthis. L'Arabie saoudite, qui a une longue frontière avec le Yémen, a mobilisé 150.000 militaires et 100 avions de combat, tandis que les Emirats arabes unis ont engagé 30 avions de combat, Koweït 15 appareils et le Qatar 10, selon les médias locaux. Bahreïn participe avec 12 avions. Les forces de la coalition arabe ont pris pour cible une base où les miliciens houthis avaient déployé des missiles pointés en direction d'Aden et des pays voisins, a déclaré samedi un responsable yéménite. Il a dit en outre à Reuters que les autorités yéménites avaient reçu des informations selon lesquelles des experts iraniens avaient acheminé des pièces détachées pour des missiles entreposés dans cette base au sud de Sanaa. L'armée yéménite disposait de 300 missiles Scud environ, dont la majeure partie se trouveraient aujourd'hui entre les mains des Houthis et des unités militaires qui leur sont fidèles, a-t-on déclaré de source diplomatique dans le Golfe. Les bombardements, a-t-on ajouté, ont jusqu'ici permis d'en détruire 21. "Nous pensons avoir anéanti la majeure partie de leur missiles", a en revanche assuré samedi le général Ahmed Asseri, porte-parole de la coalition arabe, lors d'une conférence de presse à Ryad. Aden sombre dans le chaos Un convoi houthis de véhicules blindés, de chars et de camions a été la cible de raids aériens entre Chakra et Aden, samedi avant l'aube, ont rapporté des habitants. Plusieurs véhicules ont été touchés et le convoi a été stoppé, mais des renforts sont arrivés et les miliciens Houthis ont repris leur route en direction d'Aden, ajoutent-ils. D'intenses combats opposent par ailleurs des miliciens tribaux et des militaires ralliés aux Houthis qui occupent une base de Zindjibar, chef lieu de la province d'Abyan, toujours selon des habitants. Le site aurait été bombardé à deux reprises. D'autres affrontements sont signalés à Al Houtha, chef lieu de la province de Lahdj, au nord d'Aden, où on fait état de pénuries d'eau et de pannes d'électricité. Les Houthis ont continué à progresser depuis le lancement de l'opération arabe jeudi. Vendredi, les miliciens chiites et leurs alliés au sein de l'armée ont atteint la côte du golfe d'Aden en s'emparant de Chakra, à 100 km à l'est d'Aden, ce qui leur permet d'ouvrir un nouveau front pour marcher en direction du grand port. La grande ville du sud du pays est sous la coupe de groupes armés après la fuite des forces de sécurité, et les violences y ont fait au moins 75 morts en trois jours, selon un responsable local. Des combats ont fait rage notamment entre des miliciens Houthis et des comités de défense de quartiers. Toute la ville a tremblé à la suite de puissantes explosions survenues dans ce grand dépôt d'armes, situé dans une cave de la montagne Jebel Hadid, non loin du port. Livré depuis vendredi aux pilleurs, ce dépôt a été le théâtre d'affrontements avant les déflagrations, selon des témoins. Le dépôt appartient à l'armée yéménite, mais ses soldats l'avaient déserté, alors qu'Aden sombrait dans l'anarchie après le départ précipité du président Abd Rabbo Mansour Hadi, dans la ligne de mire de rebelles chiites Houthis et de leurs alliés, des militaires fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, qui avançaient vers la ville. «Nous avons retiré jusqu'ici 14 corps carbonisés et il y a, selon nos informations, d'autres cadavres à l'intérieur», a déclaré le directeur du département municipal de la Santé, Al-Kheder Lassouar. «Les Houthis et les gens de Saleh ont fait exploser le dépôt. Ils ne veulent pas que nous mettions la main sur ces armes pour les combattre», a affirmé l'un d'eux. En l'absence de forces de sécurité, des groupes armés, circulant parfois à bord de chars d'assaut, faisaient, samedi, la loi à Aden, plongée dans un chaos total au milieu de tirs et d'explosions. Selon le vice-gouverneur d'Aden, Nayef Al-Bekri, « l'arrivée des Houthis à Aden a provoqué le chaos. Ils veulent prendre le contrôle de la ville par la force». De jeunes volontaires se sont constitués en comités de défense de leurs quartiers pour faire face aux miliciens Houthis. Diplomates et fonctionnaires de l'ONU quittent Sanaa D'autre part, la marine saoudienne a évacué, samedi 28 mars, plusieurs dizaines de diplomates présents au Yémen et les Nations unies ont fait de même avec leur personnel de Sanaa, au terme d'une troisième nuit de raids aériens de la coalition arabe, qui cherche à endiguer la progression des miliciens chiites houthis. A Sanaa, dont les Houthis se sont rendus maîtres en septembre, une centaine de membres du personnel des Nations unies ont été évacués, dit-on de source proche de l'organisation. Deux cent cinquante autres étrangers travaillant pour des ONG ou des compagnies pétrolières internationales ont également quitté le Yémen pour gagner l'Éthiopie ou Djibouti, selon les autorités aéroportuaires. Le roi saoudien Salmane a affirmé que l'opération aérienne "Tempête décisive" impliquant neuf pays arabes se poursuivrait jusqu'au "rétablissement de la sécurité" au Yémen, plongé dans un chaos total. Le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, présent à ses côtés au sommet des chefs d'État arabes en Égypte, a espéré la poursuite de la campagne arabe jusqu'à la "reddition" des Houthis. Les deux dirigeants sont ensuite partis pour Ryad et M. Hadi ne rentrera pas "pour l'instant" à Aden où il s'était réfugié en février, selon son chef de la diplomatie Ryad Yassine. "Les Houthis tentent à tout prix de prendre Aden pour imposer une réalité sur le terrain avant la fin du sommet" arabe, selon M. Yassine. Des responsables diplomatiques du Golfe ont affirmé que la campagne militaire pourrait durer jusqu'à six mois, ajoutant s'attendre à des représailles iraniennes sous forme d'actes de déstabilisation. Selon l'un de ces responsables qui ont requis l'anonymat, citant des estimations, "5.000 Iraniens, membres du Hezbollah libanais et miliciens irakiens pro-Téhéran sont sur le terrain au Yémen". L'Iran n'a jamais confirmé aider les rebelles chiites yéménites, mais a dénoncé la campagne aérienne arabe. Cette dernière devrait fournir un "test" pour la création d'une force arabe permanente à l'étude au sommet arabe.