Lundi 23 mars, les miliciens chiites houthistes ont continué d'acheminer des troupes vers la grande ville du sud du Yémen, où est retranché le président toujours reconnu par la communauté internationale, Abd Rabbo Mansour Hadi, qui appelle ses troupes à contrer ses adversaires, soutenus par l'Iran. Après leur appel à la mobilisation générale pour prendre le sud du pays, les rebelles Houthis, épaulés par des militaires de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, évincé du pouvoir en 2012, ont dépêché plusieurs milliers d'hommes et des dizaines de blindés près de Taëz, ville du centre du pays. Ils visent également le port d'Aden, où se trouve le président Mansour Hadi. Lundi 23 mars, le ministre yéménite des Affaires étrangères a lancé un appel à l'aide aux pays du Golfe. Même si des milliers d'habitants de Taizz sont sortis dans les rues pour protester contre la progression des houthistes, ceux-ci ont réussi à s'emparer d'une base militaire attenante à l'aéroport, tandis que d'autres patrouillaient dans plusieurs quartiers de la ville, sans parvenir toutefois à s'en emparer complètement. Cette ville est doublement stratégique: Taizz ouvre non seulement la route vers Aden à 160 km plus au sud, mais aussi sur le détroit de Bab al-Mandab, qui sépare l'Afrique de la péninsule arabique par lequel transitent 40% du trafic maritime mondial. La prise de Bab al-Mandab par les miliciens pro-iraniens donnerait une dimension internationale à la crise, l'Arabie saoudite voisine ne pouvant rester inerte, comme l'a déclaré Saoud al-Faysal, son ministre des Affaires étrangères. Lundi, sur la route d'Aden, les miliciens chiites ont dû toutefois reculer face aux tribus à Haijat al-Abd et à al-Maqtara, tandis qu'à l'aube, une tentative d'infiltration houthiste dans Aden était stoppée. L'ancienne capitale du Yémen du Sud se prépare à la guerre. Les forces loyales au président Hadi soutenues par des tribus et des «comités populaires» ont renforcé les défenses autour de la ville. « Nous appelons le Conseil de coopération du Golfe à intervenir militairement pour stopper l'avance des Houthis soutenus par l'Iran », a déclaré le ministre yéménite des Affaires étrangères lundi. Il rappelle que les rebelles gagnent du terrain, occupent des aéroports et des villes, mènent des raids aériens à Aden et arrêtent qui bon leur semble. Cet appel montre l'inquiétude grandissante du gouvernement d'Abd Rabbo Mansour Hadi. Mais une intervention du Bouclier de la péninsule, l'outil militaire du Conseil de coopération du Golfe, nécessiterait l'unanimité des six pays membres. Or aucune réponse n'a été donnée pour l'instant. Le ministre des Affaires étrangères saoudien, Saoud al-Fayçal, a toutefois déclaré que les pays du Golfe prendraient les mesures nécessaires pour protéger la région contre l'agression des milices chiites Houthis, si une solution politique s'avérait introuvable, sans plus de précisions. Saoud al-Fayçal a rappelé la nécessité de réunir rapidement les parties au conflit autour d'une conférence de réconciliation à Riyad, conférence convoquée par le roi d'Arabie saoudite à la demande du président yéménite. Mais les Houthis ont rejeté l'offre de dialogue. Le Conseil de sécurité de l'Onu et la Ligue arabe doivent soutenir la demande du Yémen d'instaurer une zone d'exclusion aérienne dans le pays, a, par ailleurs, déclaré, lundi 23 mars, au Caire, le ministre yéménite des Affaires étrangères, Riyad Yassine. Selon le ministre, la création d'une zone d'exclusion aérienne permettra d'empêcher aux rebelles Houthis de bombarder le pays. La prise de Taëz permettrait aux milices houtis de menacer le détroit hautement stratégique de Bab el-Mandeb. Large d'une trentaine de kilomètres seulement, il sépare le Yémen de Djibouti, la péninsule arabique du continent africain. Ce détroit de Bab Al Mandeb est considéré comme l'une des zones les plus importantes au monde en termes de trafic maritimes. Tout navire souhaitant passer le canal de Suez est obligé de l'emprunter. En s'approchant du sud-ouest du pays, et donc de ce détroit de Bab Al Mandeb, les miliciens Houttis venus du Nord pourrait donc menacer un secteur considéré comme hautement stratégique par un très grand nombre de pays : l'Arabie saoudite, qui en a besoin pour exporter son pétrole ; les États-Unis et la France, qui disposent d'une base militaire à Djibouti ; l'entité sioniste, enfin, dont le port d'Eliat est situé sur la mer Rouge. Pour tous ces pays, voir les miliciens Houtis contrôler l'une des rives de ce détroit serait d'autant plus préoccupant que ces miliciens chiites sont considérés comme des alliés de Téhéran. L'Iran, qui est déjà en mesure de perturber le trafic dans le détroit d'Ormuz, à l'autre extrémité de la péninsule arabique, disposerait ainsi d'un moyen de pression supplémentaire sur la scène internationale.