La coalition mise en place par l'Arabie saoudite pour endiguer la progression des miliciens chiites Houthis au Yémen a annoncé, mardi 21 avril, la fin de sa campagne aérienne et le début d'une nouvelle phase. Aux bombardements aériens de l'opération "Tempête décisive" va succéder une nouvelle campagne, "Rétablir l'espoir", qui sera centrée sur la sécurité et le contre-terrorisme et sur la recherche d'une solution politique pour le Yémen. La Coalition de pays arabes menée par l'Arabie saoudite achève son opération militaire au Yémen après avoir atteint ses objectifs, a annoncé le commandement des force alliées à la télévision saoudienne. Une déclaration également diffusée à ce sujet mentionne notamment "le retrait de la menace contre l'Arabie saoudite et les pays voisins notamment posée par les armes lourdes". L'Iran, accusé par la coalition et ses alliés d'armer les rebelles yéménites, a salué cette annonce. Marzieh Afkham, la porte-parole de la diplomatie iranienne, a estimé que « la mise en place d'un cessez-le-feu et l'arrêt des tueries contre une population innocente et sans défense est un pas en avant ». Une source diplomatique occidentale réclamant l'anonymat a estimé que les objectifs de la campagne aérienne avaient été atteints mais "pas l'objectif politique". "Les Houthis sont toujours là où ils étaient avant", a-t-elle dit. Anwar Eshki, président du Centre for Strategic and Legal Studies, à Jeddah, s'attend pour sa part à un retour bientôt au Yémen du président Hadi. "Je crois que l'Iran a changé d'avis", il ne va plus s'ingérer dans les affaires du Yémen, a affirmé ce général à la retraite fin connaisseur du dossier yéménite. "Les Houthis iront dialoguer avec le gouvernement", assure-t-il. Les bombardements menés par la coalition s'étaient, toutefois, poursuivis le mardi 21 avril. Deux raids aériens ont tué au moins 40 personnes et fait des dizaines de blessés, selon une source médicale. L'une des frappes a atteint un pont de la province d'Ibb, dans le centre du pays, au moment où des véhicules transportant des miliciens l'empruntaient, ont rapporté des habitants, faisant une vingtaine de morts. L'autre raid a visé un bâtiment des services de sécurité dans la ville de Haradh, près de la frontière entre le Yémen et l'Arabie saoudite. Treize civils et sept soldats y ont été tués. Les armes lourdes et missiles balistiques yéménites détruits Selon le secrétaire général de la province de Dhaleh, dans le sud du Yémen, Ahmed Mouthanna, les raids ainsi que les combats entre rebelles et forces favorables au président Hadi ont fait 23 morts. Dans la province de Chabwa , située également, dans le sud du pays, les raids aériens et les affrontements ont tué 29 combattants des deux camps, selon des sources tribales. A Aden, des combats entre pro-Hadi et rebelles ont fait 21 morts dont 13 civils, selon des sources médicales et militaires. Dans la capitale Sanaa, les explosions spectaculaires provoquées lundi par deux raids de la coalition contre un dépôt de missiles contrôlé par les rebelles ont fait 38 morts parmi les civils, selon un nouveau bilan établi mardi auprès de quatre hôpitaux qui font en outre état de 532 blessés. Selon le commandement de la Coalition, celle-ci devait entamer, hier, une nouvelle opération au Yémen baptisée « Renaissance de l'espoir », destinée à rétablir le dialogue politique et à combattre le terrorisme. Le porte-parole de l'armée saoudienne, le général de brigade Ahmed Asseri, a néanmoins indiqué que "la coalition continuerait d'empêcher les miliciens Houthis de se déplacer ou d'entreprendre des opérations à l'intérieur du Yémen". Riyad a aussi annoncé avoir mobilisé sa Garde nationale, pour renforcer sa frontière. Il s'agit d'une armée parallèle, considérée comme la garde prétorienne de la dynastie des Al-Saoud. Forte de 75 000 hommes d'active et de 25 000 fournis par les tribus, la Garde nationale joue un rôle aussi bien dans la sécurité intérieure que dans la défense conventionnelle. Elle est composée principalement de forces terrestres. De son côté, Washington a rapproché un porte-avions du Yémen et surveille un convoi de navires iraniens soupçonnés de se diriger vers le Yémen. Le ministère saoudien de la Défense a annoncé, peu auparavant, que les frappes aériennes effectuées dans le cadre de l'opération « Tempête décisive » avaient permis de détruire les armes balistiques qui se trouvaient entre les mains des rebelles Houthis et de l'ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh. "Les frappes aériennes effectuées par nos faucons courageux et leurs frères des pays membres de la coalition ont écarté toutes les menaces à la sécurité du Royaume et des pays voisins, en détruisant les armes lourdes et balistiques qui se trouvaient entre les mains des Houthis et des forces contrôlées par Ali Abdallah Saleh", est-il indiqué dans le communiqué diffusé par les médias saoudiens. L'ancien président Saleh prêt à retourner sa veste "L'opération 'Rétablir l'espoir' commence avec les objectifs suivants: continuer à protéger les civils, à combattre le terrorisme, à faciliter l'évacuation des ressortissants étrangers et intensifier l'aide humanitaire et l'assistance médicale au peuple yéménite." Le général Asseri a souligné que cette nouvelle phase associait des actions politique, diplomatique et militaire. La Coalition arabe, dirigée par l'Arabie saoudite, a lancé, le 26 mars dernier, une opération militaire baptisée « Tempête décisive » pour contrer l'avancée des rebelles Houthis, liés à l'Iran, et alliés à des militaires restés fidèles à l'ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh. Les rebelles se sont emparés de larges parties du territoire yéménite, dont la capitale Sanaa, et ont forcé le président en fonction Abd Rabbo Mansour Hadi à fuir le pays pour trouver refuge à Riyad. Partis de leur bastion dans le nord du Yémen, ces rebelles n'auraient jamais pu avancer autant dans le pays -au centre, à l'ouest et au sud- sans le soutien d'unités militaires restées fidèles à Ali Abdallah Saleh (au pouvoir de 1978 à 2012), rappellent des experts. Ce dernier n'a jamais accepté sa mise à l'écart à l'occasion de manifestations en 2012. et c'est notamment grâce à son ancienne Garde républicaine que les Houthis ont progressé aussi rapidement. Mais l'allié de circonstance commence à prendre ses distances. Son parti, le Congrès populaire général (CPG), a annoncé dans un communiqué accueillir « positivement » la résolution 2216 adoptée le 14 avril dernier par le Conseil de sécurité des Nations unies. Or, ce texte impose un embargo sur les armes contre les rebelles houthistes et il les somme de se retirer de toutes les zones qu'ils ont conquises ces derniers mois. Pour le moment, l'alliance tient toujours, mais il suffirait que l'ancien président Saleh se voie attribuer un rôle important dans le Yémen de demain pour qu'il oublie à la fois ses racines houthistes et ses alliés d'aujourd'hui.