Le Conseil de sécurité de l'ONU a fait montre de fermeté en imposant, mardi 14 avril, un embargo sur les armes contre les rebelles chiites au Yémen, mais le scepticisme demeure quant aux effets de cette première résolution depuis le début de la campagne aérienne saoudienne. Le pays est soumis depuis vingt jours à des raids visant les rebelles houthis et leurs alliés, des militaires restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh. Les centaines de pertes civiles ont de nouveau été dénoncées par des responsables des Nations unies. Les raids aériens et les combats ont fait 52 morts mardi, majoritairement des Houthis, dans le sud, selon diverses sources. Signe de la déliquescence de l'État, des hommes armés de tribus sunnites du sud se sont emparés, dans le Golfe d'Aden, de l'unique terminal gazier du Yémen, celui de Belhaf, qui assure 30% des revenus publics. La résolution de l'ONU somme les miliciens chiites de se retirer des zones qu'ils ont conquises depuis qu'ils ont lancé pendant l'été 2014 une offensive, à partir de leur fief dans le nord, qui leur a permis de s'emparer de la capitale Sanaa et de vastes régions du pays. Les rebelles ont pris le pouvoir en janvier à Sanaa, poussant à la fuite le président Abd Rabbo Mansour Hadi, avant d'avancer dans le sud où ils ont atteint la ville d'Aden le 26 mars, jour du début d'une opération aérienne arabe conduite par le royaume sunnite saoudien. Quatorze des 15 pays membres du Conseil de sécurité ont voté en faveur de la résolution. La Russie s'est abstenue. Des sanctions sans grands effets La résolution, mise au point par des pays du Golfe et parrainée notamment par la Jordanie, demande à "toutes les parties" au conflit de négocier dans les plus brefs délais une "cessation rapide" des hostilités. Mais elle n'impose pas à la coalition arabe qui combat les Houthis, soutenus par l'Iran, de suspendre les raids aériens. Tout au plus exhorte-t-elle les combattants à préserver la population civile et charge-t-elle le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de "redoubler d'efforts pour faciliter la livraison de l'aide humanitaire". A Ryad un porte-parole de la coalition, le général Ahmed al-Assiri, a estimé que l'embargo était "avant tout une victoire pour le peuple yéménite". Pour l'ambassadeur saoudien à l'ONU Abdallah al-Mouallimi, la résolution fournit "un soutien sans équivoque" à l'offensive militaire de la coalition. Le Conseil de sécurité s'était contenté jusqu'ici de proclamer son soutien au président légitime Hadi, réfugié en Arabie saoudite. Avant le début de la campagne aérienne, il avait imposé des sanctions contre deux commandants houthis et contre l'ex-président Saleh. Le gel de leurs avoirs et l'interdiction de voyage n'ont pas infléchi ces acteurs de la crise yéménite dans leur conquête du pouvoir. Mardi, le Conseil a pris les mêmes sanctions contre le chef des Houthis Abdel Malek al-Houthi et contre le fils de l'ex-président, Ahmed Ali Abdallah Saleh. Les États-Unis lui ont emboîté le pas en annonçant leurs propres sanctions financières contre les deux hommes. Néanmoins des diplomates du Conseil se montrent sceptiques sur ces mesures. Ils rappellent que, selon des experts de l'ONU, le Yémen compte déjà plus de 40 millions d'armes et que les Houthis ne voyagent pas régulièrement, ni ne disposent d'importants comptes bancaires à l'étranger. Un idéologue d'Al Qaïda tué par un drone américain Quant à l'embargo sur les armes, l'Iran qui est soupçonné, malgré ses démentis, d'en fournir aux Houthis est déjà sous le coup d'un embargo. Ce qui n'a pas empêché Washington d'exhorter l'Iran à le respecter. Téhéran, qui condamne la campagne aérienne mené par son rival saoudien, a proposé de son côté un "cessez-le-feu, suivi d'un dialogue incluant toutes les parties et facilité par d'autres", selon le ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif. L'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine a souligné que Moscou aurait préféré que "l'embargo sur les armes soit total", c'est-à-dire concerne les deux camps et pas seulement les Houthis. Il a aussi estimé que la résolution n'insistait pas assez sur l'urgence d'une trêve humanitaire. Par ailleurs, un drone américain a ciblé, lundi 13 avril, des éléments d'Al Qaïda dans la province de Hadramout, tuant le chef idéologue du groupe, Ibrahim al-Roubaich, ainsi que d'autres hommes armés, selon un communiqué publié par AQAP et posté sur certains sites islamiques. Al-Roubaich, un ressortissant saoudien qui avait été libéré du camp de Guantanamo en 2006, s'était réfugié début 2009 au Yémen, et était devenu une figure idéologique et théologique d'AQPA, l'une des organisations affiliées à Al-Qaïda les plus puissantes dans le monde. En février 2009, le Royaume saoudien avait placé al-Roubaich, ainsi qu'au moins 10 autres anciens détenus de Guantanamo, sur sa liste des 85 terroristes les plus recherchés. Al-Roubaich faisait l'objet d'une récompense de cinq millions de dollars de la part de Washington pour sa capture.