L'événement, cette année, dans le cadre de la commémoration de la Journée Internationale de la Femme, est l'évaluation du suivi de la Déclaration de Beijing, à travers la présentation, au cours de ce mois, à New York, par les pays signataires, des rapports qui rendent-compte des progrès ou régressions enregistrés à différents niveaux. Pour mieux éclairer nos lectrices et lecteurs à ce sujet, L'Opinion a entretenu Mme Leila Rhiwi, pour traiter dan le détail du thème du 8 mars et de la Plate forme Beijing +20. L'Opinion : Quel est le message à diffuser par l'ONU Femmes, cette année, pour la commémoration de la Journée internationale de la femme ? Mme Leila Rhiwi : Le thème de la Journée internationale de la Femme cette année met l'accent sur la Déclaration de Beijing et son Programme d'action, une feuille de route historique signée par 189 gouvernements, il y a 20 ans, qui définit des objectifs stratégiques et recommande des actions relatives à 12 domaines majeurs de préoccupation, en vue de renforcer l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes. Aussi, l'ONU Femmes lance un appel à la communauté internationale dans le cadre de sa campagne Beijing+20 : « Autonomisation des femmes – Autonomisation de l'humanité : Imaginez ! », incitant les pays à « franchir le pas » en faveur de l'égalité des sexes, et à réaliser des progrès concrets d'ici à 2020. Comme affirmé par notre Directrice Exécutive, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka,« Notre objectif consiste à vivre dans un monde 50-50 avant 2030. », date d'échéance des Objectifs de développement durable L'Opinion : Quel bilan faites-vous de l'égalité de genre, 20 ans après l'adoption de la déclaration de Beijing ? Mme Leila Rhiwi : Des progrès importants ont été réalisés, jusqu'ici, à l'échelle mondiale, en matière d'égalité de genre. Cependant, les avancées restent, encore aujourd'hui, largement limitées et insuffisantes. De nombreuses discriminations juridiques à l'encontre des femmes ont été abrogées, mais de nombreuses inégalités subsistent dans les lois, notamment en matière de droit de la famille. La participation politique des femmes s'est renforcée, mais les femmes ne constituent aujourd'hui encore que 21% des parlementaires à travers le monde. Les femmes ont, de manière plus importante, accédé au marché du travail, mais elles constituent à ce jour par moins de 83% des travailleurs domestiques à travers le monde. En matière de violence, si deux tiers des États ont adopté des lois pour sanctionner la violence domestique, il faut dire qu'une femme sur trois continue encore à subir une forme de violence physique ou sexuelle au cours de sa vie. L'Opinion : Et dans notre contexte marocain ? Mme Leila Rhiwi : Le Royaume du Maroc a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes une question centrale de sa stratégie de promotion et de protection des droits humains, ainsi qu'un levier important dans sa vision pour un développement humain, durable et inclusif. Au cours des dernières années, le Maroc a abrogé de nombreuses discriminations juridiques à l'encontre des femmes, notamment en matière de droit de la famille et de la nationalité. Ce processus a été couronné par l'adoption, en 2011, d'une Constitution qui consacre l'égalité hommes femmes dans tous les droits, ouvrant ainsi des perspectives prometteuses en termes de levée des discriminations subsistantes. Le Maroc se caractérise, également, par son leadership, dans la région, en matière de politiques publiques visant à réduire les inégalités hommes femmes, et notamment le lancement d'un processus de budgétisation sensible au genre pionnier à l'échelle mondiale, ou encore l'élaboration d'une stratégie gouvernementale intégrée en matière de droits des femmes : le Plan Gouvernemental pour l'Égalité. Enfin, le Maroc se démarque par l'existence d'un mouvement des femmes puissant et diversifié, qui a joué un rôle central dans les transformations qu'a connues le Maroc dans le domaine, et qui tient lieu de modèle pour de nombreux pays de la région et d'ailleurs. Tous les éléments sont donc réunis pour que le Maroc joue un rôle décisif dans la confirmation de la place centrale de l'égalité hommes femmes dans l'agenda de développement post-2015, ainsi que, au-delà, dans la mobilisation de la communauté internationale pour l'atteinte des objectifs que nous nous serons collectivement assignés. L'Opinion : La commémoration de cette journée est un peu particulière cette année, date butoir des Objectifs du Millénaire pour le Développement, après 15 années de mise en œuvre, et 20 ans après l'adoption de la plateforme Beijing. Quelles sont les leçons à tirer ? Mme Leila Rhiwi : Les leçons tirées des 20 années de mise en œuvre de la Plateforme d'action de Beijing et des 15 années d'implémentation des Objectifs du Millénaire pour le Développement sont claires. Premièrement, l'agenda de développement post-2015 doit être basé sur une approche fondée sur les droits humains, qui place les femmes comme des ayant droits à part égale de tous les droits humains, universels et indivisibles, qu'ils soient à caractère civil, politique, économique, social, culturel ou environnemental. Ainsi, la Convention sur l'Élimination de toutes les Formes de Discriminations à l'Égard des Femmes, entrée en vigueur en 1979 et ratifiée par le Maroc en 1993, doit être placée au cœur de ce nouvel agenda. Ce n'est qu'à travers l'approche « Droits » que de vrais changements pourront être atteints et que de véritables transformations sociales pourront être opérées. Deuxièmement, les femmes ne peuvent et ne doivent plus, sous aucun prétexte et sous aucune forme, être considérées comme une catégorie sociale. Ainsi, la question des droits humains des femmes doit non seulement être prise en charge à travers un objectif à part entière du nouvel agenda de développement mais elle doit aussi être intégrée, de manière transversale, dans l'ensemble des Objectifs de Développement Durable, qu'ils aient trait à l'éducation, à la santé, à la pauvreté, à la gouvernance, aux inégalités ou à l'environnement. Troisièmement, l'atteinte de l'égalité entre les hommes et les femmes, érigée en priorité absolue de la communauté internationale, ne peut plus être la laissée pour compte du financement en matière d'aide publique au développement. Pour atteindre des objectifs aussi pressants qu'ambitieux, les ressources nécessaires doivent être allouées, les outils adéquats doivent être mobilisés et les mécanismes appropriés de recevabilité doivent être mis en place.