Le film raconte l'histoire, inspirée de faits réels, de trois jeunes Marocains en Belgique, sans papiers, qui, pour régulariser leurs situations, vont essayer de contracter des mariages. Au final, il y aura un mariage d'amour, un mariage gris et un mariage blanc. Un sujet d'actualité vers 2006 et plus encore, une période où dans une commune de Bruxelles, ce genre de mariages gris et blancs a atteint 40%, avec tout ce que cela comporte comme divorces, vengeances, dépressions...avant que les autorités ne mettent plus de restrictions. On a fait le point sur ce film réaliste: « Blanc Gris » avec sa réalisatrice, May-Lis Bertin rencontrée à Rabat, qui a à son actif des reportages scientifiques réalisés pour la télévision belge. Parlez-nous de votre première expérience en tant que réalisatrice ? Après avoir réalisé quelques reportages pour la RTBF, la télévision belge, sur les chevaux pour « Cheval Magazine » et scientifiques pour l'émission « Matière grise », qui est rediffusée sur TV5, j'ai commencé à écrire ce scénario, puis l'ai laissé de côté, pensant ne jamais pouvoir le réaliser. Après avoir entendu parler du concept de films low-cost, qui se font avec de très petits budgets, j'ai décidé de terminer mon scénario et réaliser ce long métrage. Ce sont des cas réels observés pendant plusieurs années alors que j'étais bénévole pour Médecins du Monde, en contact avec beaucoup de sans papiers et de quelques filles qui se sont fait avoir. Le film a été visionné et accepté par le centre cinématographique marocain. Les comédiens sont assez jeunes mais ont eu une formation et quelques expériences au cinéma. La musique est du talentueux Hicham Chaihidi, originaire d'Agadir. Le film a été sélectionné aux festivals « Elles tournent » et « Brussels in love » en Belgique. Il sera présenté bientôt à Liège. Que voulez-vous dire par mariage gris et mariage blanc ? Le thème du film émane de cas réels ; il reproduit la situation en Belgique de Marocains sans papiers qui veulent régulariser leurs situations de la manière la plus facile. Il est devenu très difficile pour les illégaux de survivre en Belgique, à cause de l'offre insuffisante de petits boulots, de petits logements. Pour ce qui est du mariage blanc, la personne en situation illégale cherche une femme qui veuille bien faire un faux mariage, moyennant une somme d'argent qui équivaut, de nos jours, à 15 000 euros. Ils font semblant d'habiter ensemble pendant environ deux ans. Après l'obtention de ses papiers, soit une carte de 5 ans, ils se séparent et divorcent. Récemment, à cause des abus, la législation est devenue plus stricte : l'étranger ne peut avoir sa carte 5 ans que si lui et/ou son conjoint travaille, sinon, il obtient une carte de deux ou trois mois provisoire, renouvelable ou prolongée... et qui ne lui permet pas de sortir du territoire belge. Pour ce qui est du mariage gris, l'étranger en situation illégale rencontre une fille et fait semblant d'être amoureux d'elle. La victime est souvent une femme d'un certain âge, seule, fragile et naïve, qui est toute heureuse d'avoir trouvé un jeune et beau Marocain ou Egyptien ou Sénégalais, ...qui s'intéresse à elle. Elle est amoureuse et se marie assez rapidement. Elle a tendance à prendre pour de l'amour, la joie et la reconnaissance de leur « ami » qui a enfin trouvé une solution à sa situation précaire. Seulement, une fois en possession de son titre de séjour, il la quitte. C'est à ce moment qu'elle se rend compte de l'arnaque et son projet de vie s'effondre. Il ne faut pas stigmatiser les sans papiers, il y a de vrais mariages d'amour qui marchent et qui durent longtemps, et il y a des gris et des blancs. Et parfois ce sont les hommes qui se font avoir ... et cela concerne aussi toutes les nationalités. A partir de 2006, la Belgique a pris certaines mesures comme la mise en place de cellules spéciales de dépistage de faux mariages, la sensibilisation à travers des reportages et autres media, mais malgré tout, il y a encore des femmes et des hommes victimes de ce phénomène. J'ai essayé de traiter le thème autrement, sous forme de fiction et je n'ai pas voulu tomber dans le cliché. Je ne vais pas non plus encourager cette pratique ; mon film peut être un outil de sensibilisation. Mais une fois que le mal est fait, dans la plupart des cas, je pense qu'il est plus intéressant d'essayer de rester dans une énergie d'amour, d'essayer de comprendre les raisons profondes des faits et gestes de son « mari », de garder le positif de la connaissance d'une autre culture, de voyages, du temps passé ensemble, plutôt que de tomber dans la haine, la vengeance. Même si ce n'est pas facile, vu l'humiliation, les mensonges et les manipulations. Mais on peut se dire que les choses arrivent parce qu'elles ont un sens. C'est peut-être pour cela que la RTBF n'a pas accepté mon film. Nous attendons une réponse de Médi1TV. Avec ces mesures restrictives, y a-t-il encore des mariages blancs et gris ? De nos jours, ressurgissent d'autres cas. Au lieu de déposer un demande de mariage à la commune, qui a de fortes chances d'être refusée, il y a la possibilité du concubinage que l'autorité ne peut faire que constater au fil des années et qu'elle ne peut interdire, à moins de trouver des facteurs flagrants qui les trahissent (ils ne se connaissent pas vraiment, ne parlent pas la même langue, ont une trop grande différence d'âge, ...). Le fait d'avoir un enfant et de le reconnaître, est une autre issue qui a la cote. Y a-t-il des problématiques à soulever ? J'ai participé comme figurante à de tournages de films français, soutenus par une importante production et réalisé avec une équipe, à mon sens surpeuplée, de 40 à 50 personnes. Je trouve qu'il y a un déséquilibre entre les films qui reçoivent un budget démesuré et beaucoup de projets qui ne voient jamais le jour parce qu'ils n'ont pas les moyens et c'est dommage. Avec une équipe moyenne on peut faire du bon travail. Il faudrait niveler et donner des moyens à des projets non retenus par les boites de production mais qui en valent la peine.