Lorsque le besoin de partir devient une nécessité et l'idée que l'avenir est ailleurs devient une obsession, tous les moyens sont légitimes pour atteindre son but. Et dans cette volonté acharnée et aveugle tout ce qui est sacré peut être profané y compris les principes et les traditions… Il ne s'agit pas d'une devinette, c'est malheureusement une réalité… devenue quotidienne. De nombreux Marocains et Marocaines sont prêts à tout, y compris un faux mariage ou plutôt un mariage “blanc” pour arriver, enfin, sur l'autre rive, la terre des promesses et du bonheur … l'étranger… Il ne s'agit plus de penser à son jour de mariage, à sa robe blanche, à ses amis, au bonheur commun et à l'union de ce couple qui s'aime et se lie pour la vie …puisque tout sera simulé C'est un mariage fictif ou arrangé. Une comédie où chacun tiendra un rôle dans un but bien précis, un intérêt commun… Mais des fois les rôles peuvent se renverser et la comédie devient un drame. C'est le cas de Omar, ce jeune homme qui a vu sa vie bouleversée du jour au lendemain. L'histoire de ce Tangérois, si absurde soit-elle, est malheureusement réelle… “Tout a commencé, explique Omar, il y a un an, j'avais à l'époque 24 ans, deux ans déjà que j'avais décroché ma licence sans que je puisse trouver un emploi. J'avais perdu tout espoir de trouver une fonction décente. Je n'ai jamais pensé à quitter le pays. Alors j'ai réalisé que l'idée d'envisager un avenir dans son propre pays était une chimère et j'ai commencé à penser sérieusement à émigrer. Je n'avais pas une idée précise du pays où je voulais aller et je n'étais pas obsédé par la France comme nombre de jeunes l'étaient. L'essentiel pour moi était de partir parce que je ne pouvais plus supporter les regards de pitié de mes parents. Je ne pouvais plus continuer d'accepter que mes parents continuent à me prendre en charge alors que c'est moi qui devais normalement le faire après tous les efforts qu'ils ont fournis pour que je poursuive mes études et que j'arrive à décrocher un diplôme. Il n'empêche que l'idée d'émigrer clandestinement dans une barque de la mort ne m'a jamais effleuré l'esprit. Il n'était pas question que je mette ma vie en danger pour partir vers l'inconnu. Je voulais que ma situation soit régulière et que je puisse obtenir tous les droits dont peut bénéficier un étranger. Et l'occasion ne tarda pas à se présenter. J'avais rencontré par hasard une guide touristique, par le biais d'un ami qui avait promis de m'aider dès qu'il a su que je comptais émigrer, mais j'étais loin d'imaginer que c'était cette jeune fille maigre et petite de taille qui allait manger mon présent …” finit-il par lâcher. Négociations autour d'un café En effet, Assia a demandé à l'ami d'Omar d'arranger plusieurs rencontres avec le jeune homme pour mieux le connaître et s'assurer si elle peut lui accorder sa confiance avant de lui faire sa proposition. Après plusieurs entrevues, Assia l'a enfin contacté et lui a directement demandé, autour d'un café, s'il était intéressé par un mariage blanc. “Je ne savais même pas ce que voulait dire ce terme et donc elle a dû m'expliquer que c'était une simulation de mariage pour une durée déterminée sans intention réelle de fonder un foyer mais qui sera considérée aux yeux de la loi comme un véritable mariage, ce qui devrait me permettre d'obtenir facilement et sûrement un titre de séjour et plus tard une nationalité. D'ailleurs, elle ne m'a même pas demandé pour quel pays j'optais. Finalement, elle a exigé la somme de 30.000Dh. Une somme modeste, disait-elle, dont elle ne touchera pas un sou mais qui sera versée uniquement dans le compte bancaire de l'étrangère qui me rendra ce petit service, chose tout à fait normale et légitime m'avait dit Assia qui avait fini par me convaincre car tous ses arguments étaient solides. Ainsi, je me suis démené pour avoir la somme en empruntant de l'argent auprès d'amis, de mes parents et de ma famille et au bout d'un mois j'ai réussi à avoir le montant requis. Et enfin, j'ai épousé une Anglaise et je suis parti pour l'Angleterre grâce à la procédure du regroupement familial. Il n'empêche que ma chère femme a commencé à me harceler une fois arrivé en Angleterre. Elle menaçait de me dénoncer si je ne lui donnais pas plus d'argent. Je ne sais pas quelles mesures peut prendre le pays d'accueil à mon égard dans le cas d'une telle déclaration ni si ce genre de dénonciation ne constitue pas une atteinte à ma femme “fictive”, puisque c'était un arrangement auquel elle avait consenti, c'est pourquoi je suis revenu au Maroc pour savoir si je risquais de perdre mon titre de séjour si je devais divorcer avant la fin de l'année”, se demande Omar. En effet, le cas de Omar fait partie de plusieurs, qui restent malheureusement dans l'ombre. Les propos de Omar laissent croire qu'un véritable réseau constitué de guides, surtout de faux guides touristiques, s'est développé au Maroc. Les trafiquants s'arrangent avec des étrangers de leurs connaissances qui viennent souvent au Maroc, pour contracter un mariage arrangé avec un Marocain ou une Marocaine pour une durée déterminée contre une somme qui peut atteintre 30.000 et parfois 60.000DH. Un montant qui sera partagé entre le guide et l'étranger. Mais qu'en est-il de la seule agence matrimoniale de mariage au Maroc ? Serait-elle dévouée, elle aussi, à cette nouvelle vocation du mariage ? Agence matrimoniale du mariage “blanc” ? Pour répondre à cette question nous avons frappé à la porte de Union 3000 : la seule agence matrimoniale qui existe au Maroc pour savoir s'il y avait une possibilité de contracter un mariage blanc avec un étranger à travers l'agence. Auparavant, nous avions mis au point le scénario suivant : une jeune élève préparant son baccalauréat, qui n'a pas de chance dans les études et n'arrive toujours pas à avoir son bac après trois échecs successifs et qui n'a qu'une idée en tête : “partir en France” et, pourquoi pas, contracter un mariage blanc avec un étranger pour une durée déterminée, le temps d'acquérir un titre de séjour avec bien sûr le consentement des parents qui ont cédé devant la menace de la fille de se suicider ou de fuir s'ils n'exaucent pas son vœu. Malgré le petit scénario et tous les moyens que nous avons utilisés pour convaincre le personnel de répondre à notre question, la jeune fille est restée très méfiante. Ainsi, elle a refusé de nous donner toute information dans ce sens. Tout ce qu'elle nous a dit c'est que l'agence avait aussi un volet international, ce qui fait que le client avait le choix d'opter pour des étrangers ou étrangères surtout dans des pays comme la France et la Suisse pour 15.000Dh. La démarche dure une année pendant laquelle l'agence s'engage à présenter au client un ensemble de “candidats” et “durant la rencontre vous proposez à l'étranger où à l'étrangère de contracter un mariage blanc contre la somme que vous voulez pour obtenir un titre de séjour”, déclare la personne chargée de l'accueil. Une déclaration qui nous a laissés dans le doute puisque nous n'avons pu savoir si l'agence favorise aussi ce genre de mariage . Deux réseaux démantelés en France Mais si ce genre de “commerce illégal” est à ses débuts dans notre pays, il semble que ce n'est pas le cas en France où l'arnaque se négocie à des prix faramineux! Profitant ainsi de la situation des étrangers résidant à titre illégal en France et dont la seule issue et le chemin le plus court pour régulariser leur situation et obtenir un titre de séjour, reste le mariage “blanc”, pour tirer un grand profit. C'est le cas des deux réseaux qui ont été démantelés en France au mois de décembre 2003. Opérant dans les quartiers Nord-Est de Paris, les deux réseaux étaient dirigés par deux hommes et une femme. Tous Français d'origine tunisienne. Ce trio écroué pour “faux en documents administratifs, obtention indue de documents administratifs et aide au séjour irrégulier en bande organisée”, aurait conclu quelque 80 mariages “blancs” qui ont permis à l'un des époux d'obtenir illégalement un titre de séjour en France. Le mécanisme de l'arnaque était plus ou moins simple. Les trafiquants proposaient à des jeunes hommes récemment arrivés en France mais ne disposant pas de titre de séjour, de contracter un mariage avec une jeune Française. Mais pour ce “service”, les jeunes étrangers devaient payer la somme astronomique de 13.000 euros. Parallèlement, le réseau s'était constitué un fichier d'une centaine de Françaises prêtes à recevoir la somme de 4000 euros pour épouser un étranger. Le trio avait même prévu de faux témoins professionnels. Plus encore, les trois accusés se chargeaient même des démarches administratives préalables au mariage, ne laissant ainsi rien au hasard. Cette organisation parfaite avait permis à ce petit réseau de connaître un succès très rapide qui a fini par éveiller les soupçons de la police qui a mis la main sur 30.000 euros dans le domicile des trafiquants. Ces derniers sont allés passer des jours noirs en prison à cause des mariages blancs ! Mariage blanc Ce que prévoit la loi française Selon le nouveau projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, le mariage blanc devient un délit passible de 5 ans de prison et de 30 000 euros d'amende. La durée de vie commune nécessaire à la délivrance de la carte de résident au titre du mariage avec un ressortissant français est passée d'un à deux ans. La qualité de parent d'un enfant français ne donnera accès à la carte de résident qu'après deux ans d'exercice de l'autorité parentale et de participation aux frais d'entretien de l'enfant. Le projet de loi prévoit par ailleurs que les officiers d'état civil devront vérifier la situation au regard du droit au séjour des personnes qui veulent se marier en France. En cas de séjour irrégulier, le préfet sera informé de cette situation et le maire pourra saisir le procureur aux fins d'enquête sur les intentions réelles des futurs époux. La célébration du mariage sera sujette à un sursis d'une durée de 75 jours. Au cours de ce délai, le procureur de la République pourra y faire opposition.