L'annonce par le gouvernement néerlandais de son intention d'annuler de manière unilatérale l'accord Maroc-Hollande sur la sécurité sociale demeure, et à bien des égards, incompréhensible à tous les niveaux: politique, humain ou encore celui des droits de l'Homme, dont les Pays-Bas se targuent d'en être les gardiens infatigables. Fouler aux pieds les droits d'enfants et de veuves pour la simple raison qu'ils ont choisi de résider dans leur pays d'origine, pourtant un droit garanti à l'ensemble des humains, et vouloir imposer une décision injustifiée prise unilatéralement relève de l'absurde, d'autant que les relations entre les deux pays connaissent une évolution positive et sont promises à un avenir meilleur sur plusieurs plans. Influencé par le ministre des affaires sociales, Lodwijk Asscher (parti travailliste), fervent défenseur du soi-disant ‘'principe de pays de résidence'', le gouvernement des Pays-Bas a décidé de baisser de 40 % les allocations destinées à des veuves et enfants d'immigrés marocains, ayant retourné au Maroc, sous prétexte que le coût de vie dans le Royaume est inférieur à celui du pays de la Tulipe. De longs mois de négociations entre le Maroc et la Hollande pour trouver un terrain d'entente et partant préserver les droits acquis des 4.000 enfants et près de 900 veuves n'ont abouti à rien, et pour cause, selon l'ambassadeur du Royaume aux Pays-Bas, Abdellouahab Bellouki, la logique de ‘'à prendre ou à laisser'' du gouvernement néerlandais. Le Maroc s'est investi pleinement dans ces négociations et a entouré la question d'une attention particulière selon une approche inclusive et transparente, avait affirmé M. Bellouki dans un entretien au quotidien « De Volkskrant ». Mais vainement. ‘'Dans les négociations diplomatiques, entre deux pays unis par des liens séculaires et amicaux ( ), on doit faire preuve de patience pour atteindre un compromis bénéfique aux deux pays, compte tenu du fait que les droits légitimes de nombreux Marocains étaient en jeu'', a expliqué M. Bellouki, notant que la partie néerlandaise était paradoxalement pressée. Aux yeux de nombreuses ONG locales, Asscher a choisi de nager à contre courant en faisant fi, premièrement, du verdict sans appel de la justice néerlandaise qui a jugé la mesure discriminatoire et contraire aux dispositions de l'accord bilatéral sur la sécurité sociale de 1972 et des conventions européennes relatives aux droits de l'Homme. ‘'Les prestations en espèces d'invalidité, de vieillesse ou de survivants, les allocations au décès et les allocations familiales acquises au titre de la législation de l'une des parties contractantes ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation, du fait que le bénéficiaire ou l'enfant réside sur le territoire de la partie contractante autre que celui où se trouve l'institution débitrice'', stipule l'accord. Plus encore, les appels des ONG locales au gouvernement hollandais pour revenir sur sa décision, injustifiée, n'ont trouvé aucun écho, encore moins ceux de certains membre du parti travailliste auquel appartient Lodwijk Asscher et dont les principes socio-démocrates reposent principalement sur la transparence et la solidarité et non pas sur la discrimination. Des principes abandonnés au profit d'un seul et unique objectif: honorer des engagements du parti vis-à-vis de ses alliés libéraux au gouvernement, qui continuent à mettre en œuvre un programme portant l'emprunt du parti d'extrême-droite (PVV) qui avait imposé sa vision des choses au cabinet précédent (Rutte I) en contrepartie de son soutien. Ce changement de cap du PvdA lui a coûté son aura d'avant les élections 2012, où il avait réussi à rafler 38 sièges au parlement néerlandais et partant prendre part au gouvernement. Aujourd'hui la formation d'Asscher, largement soutenue par les immigrés, n'est créditée que de 11 sièges dans les sondages. Un chiffre qui en dit long sur ‘'la crise de principes'' chez les travaillistes. Et pourtant, pour Asscher également vice-Premier ministre, l'affaire des allocations familiales des Marocains et des Marocaines est devenue, du jour au lendemain, une question de principe après avoir été et pour longtemps une affaire d'argent! Mais pour le Maroc, la question est avant tout une affaire de droits, d'équité et de justice d'autant que la somme en jeu (9 millions euros) est insignifiante, comparée aux opportunités prometteuses de coopération et d'échanges qui s'offrent aux deux pays sur différents plans y compris économique. C'est pour cette raison et d'autres, que le Maroc a exprimé à cet effet sa déception profonde et son rejet total de cette décision aussi bien dans la forme que dans le fond et regretté qu'elle soit prise de façon unilatérale, sans concertation aucune avec les autorités marocaines concernées et sans qu'elle leur soit dument notifiée par les voies appropriées. Le Maroc et les Marocains, comme l'a notifié le gouvernement, perçoivent ‘'cette décision au demeurant rare dans les relations internationales et sans précédent dans nos relations bilatérales, comme un acte inamical'', qui intervient à un moment où les relations bilatérales connaissent une évolution positive et sont marquées par une volonté de les développer aux niveaux politique, économique, culturel et humain. Le Maroc continue à faire preuve de bonne intention et souhaite que La Haye reconsidère sa décision en favorisant les négociations pour la recherche d'une solution qui satisfait les deux parties. Entre-temps, des questions taraudent beaucoup d'acteurs aux Pays-Bas et au Maroc au sujet du soi-disant ‘'principe de pays de résidence'' et de l'étude néerlandaise sur le coût de vie dans le Royaume. Comment le gouvernement néerlandais est parvenu à la conclusion que le coût de vie au Maroc est inférieur de 40 pc par rapport à la Hollande? Comment l'étude a été faite ? Et qui l'a réalisée ? Mais, qu'en est-il des ressortissants qui choisiraient de s'installer dans un pays où le coût de vie est supérieur à celui de la Hollande ? La réponse du ministre Asscher est sans équivoque : pas d'adaptation, le maximum étant celui du royaume batave. Une affirmation qui prouve, si besoin il y a, que l'initiative est taillée sur mesure pour les Marocains et certaines communautés minoritaires résidant aux Pays-Bas. Une année s'achève et une autre va commencer, et comme à chaque fois, 45 ans durant, les Marocains des Pays-Bas nourrissent l'espoir que l'avenir de leurs enfants soit fait de justice, d'égalité et de dignité.