Le vote hautement contesté qui se tenait, dimanche 2 novembre, dans les régions contrôlées par des rebelles prorusses dans l'Est de l'Ukraine, aurait conforté sans surprise ces derniers à la tête des territoires séparatistes. Dimanche soir, ils revendiquaient l'élection au titre de « président» de la République autoproclamée de Donetsk deAlexandre Zakhartchenko qui en était jusque-là le« premier ministre». D'après des sondages de sortie des urnes, réalisés par les rebelles eux-mêmes, il aurait obtenu 81,73 % des voix. A Lougansk, autre place forte des séparatistes, un ex-militaire de 50 ans, Igor Plotnitski, très attaché au passé soviétique, a également été élu avec plus de 63 % des suffrages, tout comme sa formation politique majoritaire au « parlement» de Lougansk. Contraire aux accords de pacification Avant même l'annonce des résultats officiels, l'Union européenne, qui avait dénoncé l'organisation de ce scrutin, a fustigé un « nouvel obstacle» à la pacification d'un territoire déchiré depuis des mois. Selon la nouvelle dirigeante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, ces élections étaient «contraires à la lettre et à l'esprit» des accords de pacification conclus en septembre à Minsk entre Kiev et les rebelles, avec le soutien de la communauté internationale et de la Russie. Moscou a, elle, reconnu les résultats du scrutin, annonçant les « respecter» et se félicitant d'un « taux de participation élevé», a déclaré le ministre des affaires étrangères russe. Les habitants de la région de Donetsk se sont en effet déplacés en nombre, dimanche, aux bureaux de vote. «Ceux qui ont été élus ont obtenu un mandat pour résoudre les problèmes pratiques afin de rétablir la vie normale dans les régions» de l'Est de l'Ukraine, a ajouté la diplomatie russe. Election de façade Reste que l'organisation même du scrutin et de la campagne met en doute la crédibilité des résultats. Dimanche, l'Ukraine a dénoncé le déploiement « d'équipements et de troupes » russes dans les régions qui votaient. Aucune organisation internationale n'a envoyé d'observateurs pour ces élections. Et alors que les médias russes publient des commentaires d'«observateurs internationaux» sur le scrutin, Kiev a accusé la Russie de «manipulation» avec la mise en place d'une fausse OSCE, l'«ASCE» (Association pour la sécurité et la coopération en Europe) réunissant des «hommes politiques de droite». Berlin engage Moscou à respecter «l'unité de l'Ukraine» après les élections Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a rappelé lundi les autorités russes à leur promesse de respecter «l'unité de l'Ukraine», au lendemain du scrutin remporté par les rebelles prorusses dans l'est du pays. «Nous jugerons la Russie et le président (Vladimir) Poutine à l'aune de leurs déclarations, selon lesquelles l'unité de l'Ukraine ne sera pas remise en question», a déclaré M. Steinmeier, dans une première réaction aux élections, livrée en deux tweets. Le chef de la diplomatie allemande a estimé que ce «soi-disant scrutin», jugé illégal par l'Union européenne, «portait atteinte à la lettre et à l'esprit des accords de Minsk», conclus le 5 septembre entre Kiev et les rebelles, avec le soutien de la communauté internationale et de Moscou. M. Steinmeier reprend ainsi les termes de Federica Mogherini, la nouvelle patronne de la diplomatie de l'UE. Dimanche soir, elle avait souligné que les accords de Minsk demeuraient «le moyen légal et légitime» de désigner les autorités locales dans l'Est ukrainien contrôlé par les séparatistes prorusses. Moscou, de son côté, a annoncé «respecter» les résultats des élections et estime, à la différence des Occidentaux, que ce vote «constitue un des points importants des accords de Minsk» et permet de «légitimer les autorités» séparatistes. Sans surprise, le scrutin organisé dans ces territoires - soit la moitié de la région de Donetsk et une petite partie de la région de Lougansk - a confirmé dans leurs fonctions les chefs rebelles arrivés pendant l'été à la tête des mouvements séparatistes. L'UE a qualifié cette initiative de «nouvel obstacle» au fragile processus de paix, après un conflit de plus de six mois qui a fait plus de 4.000 morts, et les autorités de Kiev y ont vu «une farce».