Yasser Arafat ne s'y est pas trompé quand, de son vivant, il avait déclaré un jour que la Scandinavie était la conscience du monde. La Suède, pays de cette Scandinavie, qui a été la première à accueillir, en 1993, le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens, appelé à l'origine les accords d' Oslo, a annoncé tout récemment qu'elle va reconnaître « l'État de Palestine ». La décision du Premier ministre suédois ferait de ce royaume scandinave le précurseur des pays occidentaux, et de l'UE surtout, à reconnaître la Palestine en tant qu'Etat. D'autant plus que cette décision « se passera de l'aval du Parlement suédois ». Dans la foulée, Paris a emboîté le pas à Stockholm en réitérant l'« urgence » de faire progresser la solution des deux Etats (Israël/Palestine) et souligné qu'« il faudrait bien, à un moment, reconnaître l'Etat palestinien ». « Il est urgent de faire progresser la solution des deux Etats, et d'aboutir à l'établissement d'un Etat de Palestine vivant dans la paix et la sécurité aux côtés d'Israël », a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal, invité à réagir à la décision suédoise. « C'est la solution que la communauté internationale soutient. Cela signifiera qu'il faudra bien, à un moment, reconnaître l'État palestinien ». La décision suédoise vient comme la réaction idoine à la démarche de Tel-Aviv de donner le feu vert à un plan de construction de 2.610 nouveaux logements dans le quartier de Givat Hamatos à Al-Qods occupée. Enfin, une réaction qui se démarque des sempiternelles « préoccupations » américaines et « condamnations » européennes. Des réactions qui ne changent pas d'un iota l'expansionnisme colonial sioniste qui continue à gangréner les territoires palestiniens occupés. A l'annonce de la décision suédoise de reconnaître l'Etat de Palestine, les réactions de Washington et de Tel-Aviv étaient d'une synchronisation parfaite. Les USA, qui ont tout le mal du monde à dissimuler leur opposition à un Etat palestinien, même s'ils affichent leur « soutien » au principe d'un « Etat palestinien », avertissent que toute « reconnaissance internationale d'un Etat palestinien » était « prématurée », et doit passer par le biais d'un processus de paix et d'une solution négociée avec Israël. Même son de cloche auprès du ministre israélien des Affaires étrangères, qui a qualifié de hâtive la décision du nouveau gouvernement suédois de reconnaître l'Etat de Palestine. Soulignant qu' « aucune déclaration ou action par une partie externe ne peut se substituer à des négociations directes entre les deux parties» israélienne et palestinienne. Deux déclarations, américaine et israélienne, qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau, et qui renvoient toutes les deux aux négociations directes et au processus de paix. Un processus qui s'éternise depuis plus de 20 années et dont les seules réalisations concrètes sur le terrain sont l'élargissement ininterrompu des colonies israéliennes en territoires palestiniens, à l'appauvrissement des populations palestiniennes et surtout à l'emmurement de ces populations palestiniennes par la construction de la muraille de « séparation », sans que personne ne bouge le moindre petit doigt pour empêcher une injustice ségrégationniste. D'où l'importance de la démarche suédoise qui se démarque des « habituelles » réactions timides en cas de forfaits sionistes. Mais le plus risible, c'est qu'«on» trouve toujours, dans ces réactions, un moyen de condamner ou de faire partager la responsabilité aux Palestiniens. A croire qu'ils n'ont pas le droit d'être des victimes. La dernière réaction de Bruxelles concernant la construction de près de 3000 logements à Al Qods occupé. Certes, dans sa réaction, l'UE reconnaît que c'est une démarche (encore une) préjudiciable qui sape la perspective d'une solution des deux Etats et fait douter de l'engagement d'Israël en faveur d'une solution pacifique et négociée avec les Palestiniens». Toutefois, mû par un réflexe pro-israélien, Bruxelles ne peut s'empêcher d'ajouter que toute solution au conflit ne pourra être trouvée «que si les parties s'abstiennent d'actions unilatérales qui changent la situation sur le terrain». Cela dit, l'UE ne reconnaîtra pas de changements aux frontières d'avant 1967, y compris en ce qui concerne Al Qods. Mais tant que Bruxelles ne reconnaît Israël que dans les frontières d'avant la guerre des six jours, qu'est-ce qui l'empêche de reconnaître la Palestine dans ses territoires d'avant 1967 ? La Suède vient de donner l'exemple à condition qu'elle mette en application sa décision le plus vite possible. Paris devrait, lui, emboîter le pas. Devrons-nous nous attendre à des réactions en chaîne ? Cela ne pourrait qu'être bénéfique pour la stabilité d'une région qui, jusqu'à présent, ne connaît que l'embrasement.