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CNDH : enseignement public inefficace et producteur de malaise
Publié dans L'opinion le 07 - 10 - 2014

C'est sur une problématique majeure et un thème central que se focalise aujourd'hui le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) pour apporter son point de vue, ses propositions et sa contribution comme pour les autres grands sujets nationaux, et ce conformément à ses missions et prérogatives. Et c'est, cette fois-ci, pour contribuer à l'« examen de conscience objectif, auquel le chef de l'Etat invite tous les Marocains et Marocaines », que le CNDH vient enrichir le débat public avec un document intitulé « Pour un droit égal et équitable à l'éducation et à la formation«
Le CNDH veut que sa contribution soit en conformité avec les dispositions de la Constitution et avec les engagements nationaux et internationaux du Maroc. En effet, pour une institution nationale de défense et de promotion des droits de l'Homme comme le CNDH, la refondation de l'école marocaine et la progression sur la voie de la protection et le respect des droits humains, sont les deux faces d'un même projet de société. Un projet qui fait de la réforme du système éducatif le levier majeur pour transformer la société en vue de la rendre plus juste, plus solidaire et plus développée. L'éducation constitue, en ce sens, l'un des leviers clés de l'appropriation de la culture et du référentiel des droits de l'Homme, dans la mesure où elle permet d'habiliter les citoyennes et les citoyens à prendre en charge leur devenir et à consacrer l'exercice de leurs droits et obligations en connaissance des termes du contrat social qui les lie à l'Etat, aux institutions et aux communautés d'appartenance.
Sans l'accès à la connaissance de leurs droits et obligations, le citoyen et la citoyenne ne peuvent participer pleinement à la construction démocratique et au développement humain durable dans une société fondée sur l'équité et le respect des droits humains fondamentaux : sociaux, économiques, politiques et culturels. Cette unité consubstantielle du droit à l'éducation et de la cause des droits de l'Homme, est exposée de façon explicite dans le deuxième paragraphe de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. En effet, celui-ci renforce l'orientation quantitative du premier paragraphe (droit d'accès pour tous à l'éducation) en mettant l'accent sur le sens qualitatif de l'entreprise éducative qui « doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux... ».Selon le CNDH, le système marocain d'éducation et de formation a fait l'objet de multiples évaluations et diagnostics tout autant exhaustifs et pertinents. Ils font qu'aujourd'hui les acteurs du secteur éducatif et l'ensemble des Marocains sont unanimes à considérer que le devenir de jeunes générations et de la société en général dépend de la capacité du pays à introduire des changements profonds et structurels dans son système d'éducation et de formation.
La nature et l'étendue de ces changements ont fait l'objet d'un large consensus dans le cadre de la Charte Nationale d'Education et de Formation (1999) ; document qui constitue, encore aujourd'hui, un cadre de référence stratégique de refonte et de modernisation du système d'éducation et de formation. Toutefois, à ce jour, les efforts consentis ne semblent pas avoir produit les effets escomptés malgré les investissements colossaux opérés par l'Etat, notamment dans le cadre de la mise en place du Plan d'Urgence 2009-2012. Dans ce sens, le discours royal du 20 août 2013 a constitué une interpellation forte des acteurs concernés et de l'ensemble de la société pour une prise de conscience, une mobilisation et un effort inédit en vue d'une réforme et une modernisation du système éducatif national, qui soient à la hauteur des défis socioéconomiques, scientifiques et culturels auxquels est confronté le pays.
Des chantiers structurants et prioritaires à renforcer
Plusieurs chantiers structurants et prioritaires demandent à être renforcés, voire initiés pour illustrer cette détermination nécessaire à une mise en oeuvre intégrale de l'accès à une éducation de qualité pour tous et au renforcement de la promotion de la culture des droits de l'Homme dans le système d'éducation. Certains de ces chantiers concernent les domaines d'intérêt et de préoccupation du CNDH, car s'inscrivant clairement dans sa mission de promotion et de protection des droits fondamentaux de la personne.
Dans cet esprit, le présent mémorandum se veut une contribution à la mobilisation et à l'engagement pour une école moderne, performante et citoyenne. Ecole qui, en développant l'égalité des chances, permet à chacun de faire valoir ses mérites et ses talents, accroît la mobilité sociale, renforce l'intégration et la cohésion sociales, promeut les valeurs de la démocratie, de la liberté et de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Deux enjeux majeurs interpellent le CNDH et justifient sa volonté de leur consacrer une place prioritaire dans les changements à opérer, car de leur bonne mise en œuvre dépendront la revalorisation et l'adaptation du système éducatif marocain aux exigences des temps présents, ainsi qu'aux aspirations démocratiques à la dignité de larges couches de la société :
- L'accès égal et équitable pour tous à l'éducation tout au long de la vie en tant que droit fondamental consacré par la Constitution. Cela implique la poursuite conséquente de la lutte contre toutes les formes de discriminations, le renforcement de l'inclusion, la responsabilisation des mandataires d'obligations et l'affectation équitable des ressources publiques;
- L'accès égal et équitable à une éducation de qualité favorisant l'épanouissement personnel, l'esprit critique, la participation, le respect de la différence et l'ouverture sur la diversité sexuelle, ethnique, religieuse et linguistique sans exclusion aucune.
Cadre référentiel de la politique d'éducation nationale
Explorant le cadre référentiel de la politique d'éducation nationale, le CNDH précise que le Maroc a défini clairement celui-ci, dont les composantes embrassent l'ensemble des valeurs et constituantes du socle de base autour duquel devront converger toutes les initiatives et mesures de refonte de son système éducatif.
Conformément à l'article 31 de la Constitution, l'Etat, les établissements publics, ainsi que les collectivités territoriales doivent mobiliser tous les moyens pour « faciliter l'égal accès des citoyennes et citoyens aux conditions » leur permettant de jouir de leurs droits « à une éducation moderne, accessible et de qualité », ainsi qu'à la « formation professionnelle et à l'éducation physique et artistique ». Par ailleurs, l'article 32 met l'accent sur l'enseignement fondamental considéré comme «un droit de l'enfant et une obligation de la famille et de l'Etat ».
- Fruit d'un large consensus national, la Charte d'éducation et de formation avait pose, en 1999, la philosophie et les orientations susceptibles de mettre en oeuvre le principe de l'égal droit de tous à une éducation moderne et de qualité. Elle a fixé (paragraphe 28) le calendrier d'une progression quantitative rapide sur la voie de la généralisation de l'accès aux différents cycles de l'enseignement, avec un objectif, à moyen terme (2011), l'obtention du baccalauréat par 40 % des enfants qui s'inscrivent à la première année du primaire. La Charte souligne, par ailleurs et dans le même paragraphe, que « la réalisation de ces objectifs quantitatifs ne saurait être obtenue au détriment de la qualité des enseignements».
Le CNDH rappelle les engagements internationaux du Maroc constitués de plusieurs déclarations et conventions internationales qui impliquent des engagements relatifs à la généralisation de l'accès à l'enseignement dans ses différents cycles et à la formation professionnelle ; à la qualité de l'offre éducative ; à la mise en oeuvre du principe d'égalité des chances et à un calendrier pour atteindre les objectifs visés.
Inégalités d'accès à l'éducation et retards de l'enseignement préscolaire
En dépit des progrès et des efforts consentis en matière de scolarisation, les inégalités en matière d'accès à une éducation de qualité touchent encore gravement les enfants appartenant au monde rural, notamment les filles, ceux habitant dans les quartiers périphériques urbains et les enfants handicapés. Ces inégalités tendent à hypothéquer lourdement la jouissance par ces groupes des droits qui leurs sont reconnus tout comme leur pleine participation au développement économique et social du pays. Ainsi, l'indicateur de l'égalité genre qui a atteint 91% pour l'enseignement secondaire collégial dans le milieu urbain, n'est encore qu'à 55% pour ce qui est du milieu rural. Par ailleurs, l'école marocaine demeure, dans une large mesure, un espace de reproduction des inégalités sociales et contribue faiblement au renouvellement des élites.
C'est ce qu'illustrent les résultats de l'enquête du Haut-Commissariat au Plan sur «La mobilité sociale intergénérationnelle, 2011», qui montrent, en effet, que l'ascension sociale est plus le fait des urbains que des ruraux (respectivement 51% et 14,1%) et des hommes que des femmes (respectivement 43,7% et 17,9%). Cette ascension sociale que favorisent le niveau éducatif et le type de diplôme, passe ainsi de 26,5% parmi les non diplômés à 84,3% parmi les diplômés des grandes écoles et instituts.
Clé de voûte de tout édifice éducatif moderne, l'enseignement préscolaire marocain reste marqué par une fragmentation générale due notamment à la multiplicité des intervenants, aux déficits de coordination entre ceux-ci et à l'usage de pratiques pédagogiques contrastées et, donc, non intégrées dans le cadre de paradigmes partagés d'éducation, allant des modes traditionnels d'apprentissage (dans les msids ou kuttab) aux méthodes pédagogiques plus ou moins modernes appliquées dans certains établissements installés dans les grands centres urbains et destinés aux couches moyennes et aisées. Cette hétérogénéité se reflète aussi bien dans les méthodes et contenus pédagogiques de socialisation, que dans le choix de langue de communication et d'éducation. Avec une capacité d'accueil limitée à près de 700.000 enfants (2010-2011), le secteur de l'enseignement préscolaire est loin d'atteindre l'objectif de généralisation défini par la Charte, et ce, en raison de sa concentration dans le milieu urbain et la faible scolarisation des filles dans les kouttab (39% environ) en milieu rural. Ces disparités se trouvent aggravées par l'insuffisance des infrastructures et le modeste niveau de qualification des éducateurs et éducatrices qui oeuvrent dans l'enseignement préscolaire. En l'absence d'une politique susceptible d'inventer un concept moderne d'enseignement préscolaire qui soit adapté aux besoins des enfants et aux spécificités du contexte social marocain, comme cela a été proposé par la Rapport du Conseil Supérieur de l'Enseignement (2008), les premières années de socialisation scolaire des petits enfants (3-5 ans) restent largement déterminées par une sorte de logique malthusienne reproductive des inégalités sociales.
Persistance de l'analphabétisme, faible rétention scolaire et déficits chroniques de l'enseignement supérieur
De nombreux constats ont été confirmés quant à la persistance de l'analphabétisme et du phénomène de déperdition scolaire, avec ce que cela génère comme augmentation du nombre de jeunes analphabètes ou illettrés. On notera ainsi que seulement 46% de la tranche d'âge des inscrits à la première année de l'enseignement primaire, atteignent la dernière année de l'enseignement obligatoire, ce qui reste largement en deçà de l'objectif fixé par la Charte (80%). Et si des efforts importants sont consentis en matière d'accès à la scolarisation, la rétention et la rentabilisation du système et de l'investissement public en matière d'éducation posent encore de sérieux problèmes. Ce constat concerne aussi bien le domaine scolaire que celui de la formation professionnelle au sein des structures dédiées, sans parler de la formation en cours d'emploi qui devrait constituer le moteur réel et incontournable d'une éducation tout au long de la vie. C'est ce qu'illustre la situation des enfants non scolarisés et de ceux qui abandonnent chaque année les bancs de l'école avant de terminer le cycle d'enseignement obligatoire, dont le nombre est estimé à près de 340.000 élèves à la fin de la décennie précédente.
La mise en oeuvre la dernière réforme universitaire à partir de l'année 2003 a apporté de nombreux acquis sur les plans institutionnels, pédagogiques et aussi au niveau de la structuration et la gouvernance de la recherche scientifique. Toutefois, les effets de cette réforme sont encore loin de sortir ce secteur des retards chroniques dont il souffre depuis plusieurs décennies. De tels retards se manifestent en premier lieu dans les effectifs d'étudiants qu'accueillent les divers établissements de l'enseignement supérieur. Ainsi, en 2010, le nombre total des étudiants inscrits dans l'enseignement post-baccalauréat, tous cycles confondus, n'a pas dépassé 447.000. Mais les carences de la démographie estudiantine marocaine apparaissent clairement en comparaison avec les autres pays du Maghreb et du monde arabe, dans le sens où l'enseignement universitaire marocain présente l'un des plus faibles ratios habitants, soit 15 pour mille, alors qu'il est de l'ordre de 34 en Tunisie, de 32 en Algérie ou de 40 Jordanie. Au moment où s'amorce une tendance à l'augmentation des effectifs d'étudiants (à partir de l'année 2010), grâce notamment à la croissance du nombre de bacheliers (22% l'an), les effectifs des enseignants-chercheurs enregistrent, de manière paradoxale, une baisse de 3,6 % entre 2005 et 2009, passant ainsi de 14.416 à 13.909 enseignants, alors que partout dans le monde arabe, la tendance est marquée plutôt par une augmentation accélérée du personnel enseignant.
Recherche scientifique balbutiante
Les éléments précités relatifs à l'enseignement universitaire exercent un impact négatif sur la recherche scientifique dont les données sont loin d'être encourageantes. C'est le cas du nombre d'étudiants inscrits en troisième cycle (moins de 40.000 étudiants). Cela fait que la moyenne annuelle des diplômes de doctorat délivrés par les universités marocaines ne dépasse pas 786 entre 1999 et 2009, illustrant ainsi un état de stagnation qui dure depuis des années. Faute d'une recherche scientifique dynamique, les campus universitaires marocains offrent le visage de sites dépourvus des conditions nécessaires susceptibles d'en faire de véritables cités de l'intelligence.
Qualité introuvable de l'enseignement
Depuis qu'on dispose d'un outil national de suivi des apprentissages et des acquis des élèves dans les disciplines de base comme le Programme national d'évaluation des acquis (PNEA), et des enquêtes internationales comme Progress in International Reading Literacy Studies (PIRLS) et Trends in International Mathematics and Science Study (TIMSS), on mesure les carences importantes qui caractérisent les acquis des élèves marocains au primaire comme au secondaire collégial. Aussi, les résultats de TIMSS 2011 montrent-ils à la fois une régression des performances des élèves marocains par rapport à ceux obtenus à TIMSS 2007, et illustrent leur faible rendement général en sciences et en mathématiques par rapport aux moyennes internationales ou en comparaison avec des pays arabes comme la Jordanie ou la Tunisie. C'est également le cas pour les performances des élèves marocains de 4ème année du primaire en lecture et en écriture. L'évaluation PIRLS (2011) montre, en effet, qu'ils éprouvent tous de sérieuses difficultés en matière de lecture et d'écriture et que leurs résultats enregistrent un net recul par rapport à ceux de 2006, avec un score de 310 points, loin derrière des pays de la région. Il en est de même pour ce qui est de la maîtrise des langues dans l'Ecole marocaine comme l'a signalé le «Rapport du cinquantenaire» et ceux du Conseil Supérieur de l'Enseignement (CSE). Ces derniers pointent notamment une série de dysfonctionnements qui créent une réelle « fracture linguistique » entre les élèves de l'école publique et ceux qui fréquentent le système privé ou les établissements étrangers. Cette situation est aggravée par les décalages entre les langues maternelles des élèves (darija et amazigh) et les langues de la lecture et l'écriture (arabe et français) ; décalages que le système éducatif peine à surmonter malgré le volume horaire important qu'il consacre aux principales langues d'apprentissage (arabe et français). Un tel déficit de qualité aura généré une stigmatisation du système public d'enseignement considéré comme inefficace et producteur de malaise et de difficulté d'insertion professionnelle pour un grand nombre de jeunes.
Conception étroite de l'éducation
Les nombreux exemples de déscolarisation et d'abandon scolaire chez une partie importante d'enfants, particulièrement en milieu rural, attestent de l'intérêt tout relatif accordé concrètement à l'école dans la hiérarchie des besoins primordiaux. Cette hiérarchisation traverse l'ensemble des composantes de la gestion du système, sur la base d'une vision accordant une place prépondérante à l'apprentissage des connaissances scolaires sans prise en compte réelle des autres composantes de la socialisation qui constituent le vecteur majeur de la formation du citoyen avec l'éducation préscolaire et parascolaire comme leviers majeurs. Cela se traduit par le faible investissement de l'Etat dans la formation et la juste rétribution des compétences dédiées à l'éducation. De même qu'il se reflète dans le peu d'intérêt accordé aux matières culturelles, artistiques et sportives dans le cursus d'enseignement.
Chantiers de la réforme éducative
Equité et qualité : ces deux principes devraient guider les chantiers de la réforme et de la refonte du système éducatif national.
L'équité suppose la rupture avec une propension facile à adopter un traitement supposé égalitaire face à des situations objectivement inégalitaires. Dans ce cadre, une éducation inclusive devrait constituer le socle partagé entre les acteurs de l'éducation, ce qui permettrait de prendre en compte les situations spécifiques des enfants les plus vulnérables à la discrimination et à l'exclusion que sont les filles rurales, les enfants en situation d'handicap, ceux des quartiers urbains défavorisés, les enfants des rues ou les enfants d'immigrés, etc.
Quant à la qualité, elle implique que l'ensemble des dispositifs de gestion, de contrôle, de responsabilisation, de motivation et d'accompagnement des acteurs éducatifs constitue un axe majeur de renforcement de la qualité du système. Dans ce cadre, un effort particulier devra être consacré à la sensibilisation et la formation des acteurs (personnel éducatif, organisations professionnelles, entreprises, syndicats) à la culture des droits de l'Homme et à ses différentes déclinaisons au niveau de leur contexte d'intervention et de vie. Ce travail de ciblage et de personnalisation de la politique de sensibilisation est à même de favoriser une meilleure prise de conscience et implication de ces acteurs dans l'effort national de revalorisation de la qualité du système d'éducation, en cohérence avec le projet de société moderne et démocratique consacré par la Constitution.
- Le droit à l'accès équitable à une éducation de qualité initiale et continue, pour tout enfant, adolescent ou adulte selon sa situation, ses contraintes, ses prédispositions intellectuelles, culturelles, matérielles et géographiques. Cela suppose l'élaboration d'une offre éducative normalisée ciblant la petite enfance, sa généralisation graduelle à travers son intégration au module de la scolarisation obligatoire (4/5 ans – 15 ans). La généralisation de l'accès à l'éducation des enfants du milieu rural exige une refonte globale de l'offre en vigueur avec notamment la mobilisation et la mise en place de ressources nécessaires, la généralisation du modèle d'une « école communautaire » développée depuis plusieurs années en phase pilote. Et pour garantir le parcours scolaire des filles, notamment dans le milieu rural, les instances chargées d'assurer la gouvernance du système éducatif à ses différents niveaux d'implantation (national, régional, local) devraient impérativement inciter tous les acteurs, par le moyen de mesures réglementaires, à s'impliquer dans des dispositifs institutionnels spécifiques dont la vocation première serait de formuler et de mettre en oeuvre des initiatives destinées à accompagner les filles dans la réussite de leur parcours scolaire, notamment au moment crucial du passage entre le primaire et le collégial. Elles devraient également intégrer des structures ad hoc spécifiquement dédiées à l'intégration des enfants à besoins spécifiques dans l'institution scolaire. De même qu'il faudrait qu'elles inscrivent le chantier de la prévention du décrochage et de la déscolarisation en tête de liste des priorités de leur intervention, en érigeant le suivi et le reporting des données liées à ce problème en variable de base pour l'analyse des performances et de l'efficacité du système, et pour la formulation des politiques et des stratégies éducatives.
- L'institutionnalisation de l'approche droits comme condition de validation, de diffusion et de mise en oeuvre de projets et programmes liés à l'éducation. Le CNDH pourra apporter sa contribution dans ce sens compte tenu de sa mission et de son capital de savoir-faire en la matière. Cette institutionnalisation du référentiel des droits humains concernera particulièrement les contenus, les supports (manuels), les méthodes et les dispositifs de gestion de l'action éducative et de formation initiale et continue.
- La non-discrimination doit être inscrite en tant que principe opérationnel et transversal appliqué à l'ensemble des composantes de l'action, de la gestion et de la programmation de l'éducation. Quel s'agisse de discriminations fondées sur le sexe, l'appartenance géographique, ethnique, culturelle, linguistique et sociale, ainsi que celles dont sont victimes les enfants et jeunes en situation de handicap.
- La participation en pleine conformité avec les objectifs de renforcement de la démocratie, exige la promotion de la participation des parties prenantes et des acteurs concernés (élèves, étudiants, parents, corps pédagogique et administratif...) à la définition, à la gestion et la mise en oeuvre des politiques éducatives.
- La liberté et l'équité dans l'accès au savoir : il s'agirait pour les pouvoirs publics de s'engager à promouvoir l'accès à la connaissance et au savoir par les plus larges couches de la population, et ce, afin de les doter de ressources scientifiques, intellectuelles et artistiques leur permettant d'exercer pleinement leur rôle de citoyens responsables et actifs. Cela revient à renforcer les dispositifs de diffusion de la connaissance, notamment par un renforcement de l'accès et une meilleure optimisation de la gestion des canaux modernes de communication, dont particulièrement les mass-medias et les nouvelles technologies de l'information et de la communication. L'objectif d'assurer aux jeunes une scolarité jusqu'à l'âge de 15 ans n'aurait de sens que si aucun élève ne termine sa scolarité initiale sans acquérir les connaissances et compétences le « socle commun » indispensable pour le vivre-ensemble, la citoyenneté et la démocratie.
- L'acceptation et la gestion de la diversité sexuelle, géographique, linguistique, ethnique et religieuse : il s'agit d'un travail de fond qui consiste à développer l'ouverture d'esprit, l'apprentissage de la tolérance et la gestion pacifique des différences auprès des apprenants et du personnel éducatif, que ces différences soient doctrinales, idéologiques, d'ordre scientifique ou pédagogique. Cela revient notamment à l'encouragement des moyens d'arbitrage et de concertation dans les choix éducatifs, l'encouragement de la compétition saine et la liberté de choix des supports et méthodes pédagogiques du moment qu'ils respectent les cahiers des charges prescrits et les principes contenus dans la Charte d'Education et de Formation, et, enfin, l'ouverture sur les spécificités de l'espace culturel, linguistique et géographique de l'école.
- La promotion de l'esprit critique et de la liberté de pensée en tant que principaux piliers des apprentissages : en conformité avec les valeurs fondamentales des droits humains, il s'agit de promouvoir dans les espaces d'éducation l'apprentissage du débat, de la confrontation des idées, en dehors de toute violence physique, institutionnelle ou symbolique. Ce qui revient à combattre toute forme de terrorisme intellectuel ou idéologie totalitaire d'où qu'ils viennent, ainsi que toute forme de limitation de l'expression et du questionnement chez les apprenants.
- La gestion, gouvernance et contrôle des biens publics : il s'agit dans ce cadre de promouvoir le suivi et le contrôle de la bonne gestion des moyens et des ressources mis à la disposition de l'éducation, dans le sens de l'efficience et de l'optimisation. Cela concerne la lutte contre toutes les formes de corruption, d'atteinte aux droits et à la dignité des enfants et adolescents, d'abus de pouvoir, d'utilisation ou de détournements de biens publics à des fins personnelles ou de manière injustifiée en faveur d'une catégorie sociale, culturelle, géographique ou politique.
- Le partenariat : si le CNDH se propose de rappeler ces fondamentaux, c'est en partant de l'accord de partenariat qui a été signé le 26 décembre 1994 entre les deux ministères des Droits de l'Homme et de l'Education nationale et qui a marqué l'acte de naissance du programme national de l'éducation aux droits de l'Homme. Près de vingt années après, ce projet qui mobilisa les ressources humaines et financières, gagnerait à se doter d'un second souffle, eu égard aux acquis des pays en matière des droits de l'Homme, et à la grande ambition de la Plate-forme citoyenne pour la promotion de la culture des droits de l'Homme. Un projet qui a mobilisé tant d'énergies pour voir le jour et doit impérativement trouver un ancrage dans l'environnement éducatif.
Les différents chantiers précités constituent les axes d'un large consensus politique et ne demandent qu'à être réinvestis avec plus d'engagement de la part des principaux acteurs du système éducatif. La responsabilité première reste cependant celle des mandataires d'obligations (Etat, communes, acteurs éducatifs, familles) pour encadrer et fédérer autour d'une initiative forte et déterminée, capable de produire les ruptures nécessaires à un changement qualitatif attendu par la société dans son ensemble. Le CNDH est disposé à mettre l'ensemble de ses ressources pour contribuer à cette mission d'intérêt supérieur, et ce, dans la cadre des partenariats et programmes de promotion de la culture des Droits de l'Homme et de la citoyenneté.


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