Le Musée Mohammed VI d'Art Moderne et Contemporain, qui sera inauguré dans les prochaines semaines, vient accompagner les mutations que connaît l'art contemporain, a indiqué le directeur de cette institution culturelle, Abdelaziz Idrissi. Ce projet inaugure une nouvelle ère dans l'histoire des musées du pays répondant ainsi aux ambitions des acteurs culturels nationaux, a affirmé M. Idrissi dans une déclaration à la MAP, rappelant que l'ouverture de ce monument intervient un siècle après la création des premiers musées dans le Royaume. Selon M. Idrissi, l'histoire des musées au Maroc est passée par deux étapes, dont la première a été marquée par la réalisation de musées sous le protectorat en vue de mettre en valeur les éléments ethnographiques de l'entité marocaine. La deuxième étape a commencé avec les grandes découvertes archéologiques à Volubilis et dans le nord du Maroc avec notamment la création des musées d'archéologie à Tétouan et Rabat, a-t-il ajouté. Alors que les musées ont revêtu un caractère civilisationnel et identitaire lors de ces deux étapes, le musée Mohammed VI d'Art Moderne et Contemporain compte parmi les musées de nouvelle génération et transcende les interrogations cognitives pour aborder la position du Maroc dans la géographie artistique contemporaine, en tant que pays au carrefour des civilisations européenne, africaine, arabe, islamique et amazighe, a-t-il expliqué, notant que ce musée reflète l'image artistique d'un pays qui a une longue histoire et ouvert sur l'autre. Le musée n'est plus un luxe aujourd'hui mais une exigence sociétale au vu des mutations accélérées que connaît la scène artistique et l'émergence d'artistes qui ont accumulé une grande expérience, a encore dit M. Idrissi, ajoutant que ce nouvel édifice répond aux standards internationaux tout en préservant les spécificités de la culture locale. L'existence au coeur de Rabat d'un édifice, à l'instar des musées dans les grandes capitales du monde, s'inscrit en droite ligne du nouveau statut de la capitale du Royaume, classée en 2012 sur la liste du patrimoine mondiale de l'Unesco, a-t-il estimé. Evoquant la durée de réalisation du projet, M. Idrissi a attribué le retard pris depuis la pose de la première pierre en 2006 aux changements qu'a connus le ministère de la Culture bien que les délais sont acceptables au vu des expériences internationales, rappelant, en guise de comparaison, que la construction d'un musée à Marseille a duré plus de 15 ans. Il a aussi affirmé que la création de la Fondation nationale des musées a donné un coup d'accélérateur à la réalisation du projet de même qu'elle a constitué un saut qualitatif dans ce domaine au Maroc. Les objets qui seront exposés au musée seront soit acquis soit offerts, a expliqué M. Idrissi, mettant l'accent sur le travail de recherche approfondi que doivent mener des équipes spécialisées pour choisir des oeuvres authentiques d'une haute valeur esthétique. Il a fait savoir qu'un comité scientifique sera mis en place en vue de superviser l'opération d'acquisition des oeuvres, ajoutant que des objets d'autres musées peuvent être exposés au sein de cet édifice. M. Idrissi a, d'autre part, souligné la disposition du musée à tirer profit des partenariats noués par la Fondation nationale des musées avec des institutions similaires notamment en France et aux Etats Unis, citant à titre d'exemple l'organisation prochaine par le musée du Louvre en collaboration avec la Fondation de l'exposition «Le Maroc médiéval». L'ambition est de faire du Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain plus qu'un simple espace d'exposition, un véritable centre de la vie artistique au cœur de la capitale, un atelier de conservation des œuvres d'art et un forum de dialogue et d'interaction entre les artistes. «Nous voulons en finir avec la conception traditionnelle de ce genre d'institutions. Le Musée se veut un espace multifonctionnel, doté d'équipements et services intégrés, tels une salle multimodale destinée à accueillir les chercheurs et experts, un laboratoire et une unité d'accueil du grand public, tout cela orchestré selon une nouvelle méthodologie de programmation aux horaires adaptés , a affirmé le directeur. Le Musée est appelé à devenir une interface de dialogue avec l'artiste, à travers un mariage subtile entre l'exposition, fonction classique de tout musée, et la vocation de centre vivant d'art et de création. Dans ce sens, des artistes seront invités à créer des œuvres d'art au sein du musée, ce qui permettra au visiteur de se familiariser avec les différentes étapes et techniques de la création artistique, un concept qui a déjà fait ses preuves dans les plus grands musées internationaux d'art moderne. Il s'agit également de favoriser le développement des arts plastiques et véhiculer de nouvelles approches d'encadrement et d'appréciation de l'œuvre d'art, un objectif essentiel pour cette nouvelle institution. Pour réaliser les objectifs ambitieux de cette nouvelle structure, Abdelaziz Idrissi fait entièrement confiance en son jeune staff marocain, comptant des compétences n'ayant rien à envier à leurs homologues dans les autres musées de ce genre. «Nous n'avons pas de déficit de compétences. Il faut faire confiance aux nombreux cadres marocains qui ont été formés en muséologie à l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine (INSAP), mais aussi aux lauréats des universités et instituts dans les domaines de l'histoire, de la culture et de la gestion, dont la spécialisation répond aux besoins de gestion moderne des services de ce musée», a souligné le directeur. M. Idrissi a insisté en outre sur l'importance de la formation continue pour accompagner les évolutions en cours dans différentes spécialisations et sciences liées à la muséologie, une condition essentielle pour assurer le succès d'une institution de cette envergure. L'ouverture de ce nouveau musée devrait être marquée par une exposition inaugurale reflétant l'évolution de l'art plastique marocain depuis sa naissance au début du 20ème siècle, mettant en relief les différents courants, écoles et styles ayant influencé les artistes marocains. L'exposition, qui durera environ six mois et qui comptera près de 500 œuvres d'art représentant quelque 200 artistes, offrira au grand public le panorama d'un patrimoine artistique aux multiples facettes et influences, selon une approche chronologique garantissant une large représentativité des expériences picturales marocaines. Abdelaziz Idrissi compte à son actif 24 ans d'expérience dans le domaine de la muséologie. Ancien directeur du Musée archéologique de la Kasbah à Tanger et ancien délégué de la Culture dans la ville du Détroit, il a consolidé sa carrière professionnelle par un brillant parcours académique en matière de recherche en archéologie préhistorique. Nizar Lafraoui