Les combats entre milices armées rivales autour de l'aéroport de Tripoli risquent de plonger la Libye dans la guerre civile, face à des autorités dépassées qui ont affirmé mardi dernier envisager de demander l'aide d'une force internationale. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a dit «travailler très dur» pour remédier à la situation «dangereuse» en Libye, un pays qui ne s'est pas remis depuis la révolte qui a renversé en 2011 le dictateur Mouammar Kadhafi avec des groupes formés d'ex-rebelles faisant la loi sur fond d'âpres luttes d'influence à la tête de l'Etat. La dernière flambée de violences en date a éclaté dimanche avec une attaque lancée par des milices islamistes qui ont tiré depuis des dizaines de roquettes sur l'aéroport international contrôlé depuis 2011 par des brigades anti-islamistes. Plusieurs installations et une dizaine d'avions ont été endommagés à l'aéroport, qui a été fermé pour trois jours en raison de la poursuite par intermittence des combats, mais les vols ne pourront reprendre que «dans plusieurs semaines, voire des mois» selon une source aéroportuaire. Les milices islamistes sont considérées comme le bras armé du courant islamiste au sein des autorités, alors que les brigades anti-islamistes qui viennent de la ville de Zenten (sud-ouest de Tripoli) sont considérées comme la force militaire du camp libéral. Mardi, plusieurs routes de la capitale ont été bloquées par des protestataires qui ont brûlé des pneus, à la suite d'appels à la désobéissance civile lancés sur les réseaux sociaux pour dénoncer l'attaque contre l'aéroport. Plusieurs banques et commerces sont restés fermés. Pour des analystes, ces nouvelles violences sont liées aux élections législatives du 25 juin, dont les résultats définitifs seront annoncés le 20 juillet. Mais selon des diplomates, le courant libéral a obtenu une majorité devant les islamistes lors du scrutin, où seuls des «candidats individuels» et pas forcément indépendants ont pu se présenter après l'interdiction des listes politiques. «Il y a une partie qui a perdu les élections et qui tente de gagner en influence autrement», a estimé, en allusion aux islamistes, Othmane Ben Sassi, ancien membre du Conseil national de transition (CNT), bras politique de la rébellion en 2011. «L'assaut sur l'aéroport peut être interprété comme une mesure préventive (des islamistes), qui tentent de s'emparer d'installations importantes dans la capitale", a dit de son côté l'analyste libyen Mohamed Eljarh. "Les islamistes sont déterminés à se maintenir en tant qu'acteur majeur sur la scène politique, après leur défaite aux élections et la menace croissante de l'opération du (général dissident Khalifa) Haftar contre les islamistes dans l'est libyen", a-t-il ajouté. Dans ce contexte chaotique, le gouvernement a déclaré examiner "la possibilité de faire appel à des forces internationales sur le terrain pour rétablir la sécurité et (l') aider à imposer son autorité". Paradoxalement, la mission de l'ONU en Libye (Unsmil), qui assistait les autorités de transition dans la reconstruction des institutions, a annoncé lundi le "retrait temporaire de son personnel de Libye pour des raisons de sécurité". La France a dit avoir "pris note" de l'appel du gouvernement libyen, en précisant qu'il revenait avant tout à l'ONU de l'examiner. Après la fermeture de l'aéroport de Tripoli, celui de Misrata (ouest) a été contraint aussi de suspendre les vols dans la mesure où il est lié à la tour de contrôle de la capitale. Mais mardi soir, les autorités libyennes ont annoncé la reprise des vols à Misrata et à l'aéroport militaire de Miitiga, dans la banlieue-est de la capitale, pour permettre notamment le retour de milliers de Libyens bloqués dans plusieurs aéroports à travers le monde. En effet, depuis dimanche, seuls les aéroports des villes d'Al-Baida et de Tobrouk (est) étaient encore en service. Ailleurs dans le pays, à Benghazi, chef-lieu de l'Est, des combats opposent depuis lundi les forces de sécurité à des groupes islamistes qui contrôlent l'hôpital al-Jala. Bilan: 7 morts et 49 blessés, selon une source hospitalière. La ville est en outre le théâtre de combats quotidiens entre combattants islamistes et forces paramilitaires du général dissident Haftar, qui avait lancé à la mi-mai une offensive contre les groupes islamistes qualifiés de "terroristes". En dépit des violences, la production du pétrole en Libye a repris une courbe ascendante, après la levée début juillet des blocages des ports pétroliers dans l'est du pays, faisant reculer les cours à New York sous la barre des 100 dollars le baril.