En l'espace de dix années, le mariage des mineures a presque doublé, passant d'un peu plus de 18000 cas à plus de 35000. Le taux aussi a connu une hausse notoire. Il était en 2004 de 7,7% pour dépasser les 11% en 2013, soit plus d'un mariage sur 10 concerne une mineure. Ces chiffres et d'autres sur le sujet ont été présentés par le ministre de la Justice et sa consoeur du département de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social. Ils ont été présentés (les chiffres et statistiques) lors d'un séminaire sur les bilans et perspectives de dix ans de la mise en application du code de la famille. Pourquoi cette recrudescence des mariage des mineures alors que l'article 19 de la Moudaouana stipule clairement que : « La capacité matrimoniale s'acquiert, pour le garçon et la fille jouissant de leurs facultés mentales, à dix-huit ans grégoriens révolus » ? Mais il y a aussi cet article 16 qui, admettant que le document portant acte de mariage constitue le moyen de preuve dudit mariage, souligne que « lorsque des raisons impérieuses ont empêché l'établissement du document de l'acte de mariage en temps opportun, le tribunal admet, lors d'une action en reconnaissance de mariage, tous les moyens de preuve ainsi que le recours à l'expertise. Et de préciser que l'action en reconnaissance de mariage est recevable pendant une période transitoire ne dépassant pas cinq ans, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi. » Mais, paraît-il, serait-ce de là que viendrait la faille qui a porté au double le nombre des mariages de mineures pendants ces premières dix années du code de la Famille. Une étude réalisée et présentée assez récemment par l'association Initiatives pour la Promotion des Droits des Femmes (IPDF), dans la région Fès-Meknès, dans le cadre de la coordination régionale du réseau Anaruz, fait ressortir l'existence d'une utilisation frauduleuse de l'article 16 du Code de la Famille, dans le sens de favoriser à la fois mariage des mineures et polygamie. (Cf « L'Opinion » du 8 février dernier). L'étude en question a voulu montrer qu'on aurait eu plusieurs fois recours à cet article 16 à dessein d'officialiser des mariages des mineures et des mariages polygames. Autrement dit, et selon l'étude de l'association IPDF, il y a lieu de craindre que certains ont chevauché l'article 16 instauré pour résoudre la problématique des mariages coutumiers et non enregistrés pour « officialiser » des mariages de mineures et d'asseoir une polygamie sans les conditions la réglementant par le nouveau code de la Famille. Une manière de présenter le vrai prêche du faux. Cet état de fait aurait profité d'une des premières initiatives de la mise en application de la Moudaouana, à savoir l'enregistrement des mariages non contractés officiellement. Initiée pour cinq années, l'opération de l'enregistrement de ces mariages coutumiers a été prolongée de cinq autres années. Toutefois, selon des acteurs et actrices associatifs (ves), il y aurait un vide juridique dans certains articles qui aurait favorisé quelques dérapages des procédures vers des situations disons embarrassantes et impromptues. Or, il y a encore plusieurs familles qui n'auraient pas pu encore régulariser leur situation, comme il y a des cas plus complexes qui ont besoin de plus de concertation et de mobilisation. Surtout que cet article 16 reste flou sur certains aspects et n'oblige pas le juge, le cas échéant, pour l'enregistrement du mariage, s'il s'agit d'une jeune fille mineure, de se conformer à la procédure du mariage des mineures. De même pour le cas de la polygamie. Autrement dit, et en guise de conclusion, on risque dans les temps à venir de ne pas s'attendre à une baisse de ces statistiques et chiffres. Encore heureux qu'ils n'augmentent pas, tant qu'il y a utilisation de cet article dans presque 50% des mariages de mineures établis, ce qui dépasse de loin le pourcentage national à travers la procédure de l'article 16.