Le 18ème Salon international de Tanger des livres et des arts se tient du 7 au 11 mai dans la ville du Détroit au Palais des Institutions italiennes sous le thème des «Afriques». Il est organisé par l'Institut français du Maroc-site de Tanger en partenariat avec l'Association Tanger Région Action Culturelle (ATRAC). Il s'inscrit en tant qu'évènement phare dans la Saison culturelle France-Maroc. En dehors du site principal du Palais des institutions italiennes, il y a d'autres sites où se dérouleront des rencontres avec des auteurs notamment l'IF de Tétouan, Asilah et Larache. Toutes les manifestations sont ouvertes au grand public. Tout compte fait, la thématique de l'Afrique est féconde, inépuisable actualité oblige. Ce fut le même thème avec les «littératures africaines de la diaspora» au SIEL 2013 de Casablanca au stand du CCME et au SIEL 2014 avec l'Afrique de l'Ouest à travers les pays de la CEDEAO comme invités d'honneur. Cela serait dans l'ordre des choses. Sauf qu'il y a aussi l'emprise forte de l'actualité avec ce mouvement en crescendo de renforcement des liens économiques, politiques et culturels du Maroc avec les pays de l'Afrique subsaharienne dont le Mali. Le Salon de Tanger apporte donc son eau au moulin avec la particularité de ne pas se limiter à la dimension littéraire et de travailler dans la proximité avec le partenariat de l'Académie régionale de l'Education à travers le programme de «plaisir de lire» où des enseignants sont formés dans chaque établissement scolaire pour initier des clubs de lecture avec des lots de livres pour la bibliothèque scolaire. En plus des stands d'expositions de livres des éditeurs et des rencontres avec des auteurs, le salon s'ouvre à d'autres expressions artistiques: musique, théâtre, cinéma et arts plastiques. Une manière de dire l'Afrique dans sa diversité, d'où le nom pris au pluriel «les Afriques». «L'Afrique c'est dans l'air du temps. On ne cherche pas à réaliser un événement d'une originalité renversante, il ne faut pas rêver, mais on essaie de rester dans la logique de ce que nous avons décidé comme programme» précise Alexandre Pajon directeur de l'IF de Tanger et en même temps commissaire du Salon. Il ajoute à propos du programme que, d'entrée de jeu, il s'agit de s'atteler à essayer de définir l'aire géographique africaine «en offrant une réflexion sur ce qu'est aujourd'hui l'Afrique, soit une approche philosophique et théorique à l'ouverture de la manifestation avec Ali Benmakhlouf et Achille Mbembe. Dire ce qu'est cette Afrique postcoloniale, comment elle se pense, c'est pour ça qu'on parle d'Afriques au pluriel. Des tables-rondes sur les aspects politiques et économiques sont de nature à permettre de revenir sur la diversité au niveau des solidarités régionales politiques et la place du Maroc dans ces solidarités régionales avec une construction de l'Afrique vue du Maroc beaucoup plus méridienne que latitudinale». Ainsi, l'ouverture du salon le mercredi 7 mai, a été marquée à partir de 15h par des rencontres sous les thèmes «De quelle Afrique parlons-nous ?», «la diversité des Afriques». Toujours selon une même approche mais orientée plus vers la dimension éducative et culturelle, une rencontre avait lieu hier jeudi 8 mai sur un thème brûlant d'actualité : «l'avenir des langues en Afrique». Elle est animée par l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes avec la participation des anthropologues et linguistes spécialistes des langues africaines. Il s'agit d'engager une réflexion, de développer des questionnements sur la situation de l'Afrique confrontée à des défis linguistiques majeurs avec plus de deux mille langues nationales dont six cents sont en danger et deux cents cinquante menacées d'extinction. Un immense travail en perspective pour l'Afrique afin de préserver ce patrimoine d'une époustouflante richesse dans le cadre éducatif et culturel. Débat passionnant en perspective. Parallèlement aux réflexions et débats, il y a des rencontres entre des auteurs et le public dans le cadre des «Voix d'Afrique» avec des écrivains Eugène Ebodé, Alain, Mabanckou, Leonora Miano, Kebir Ammi, Youssef Fadel, Anis Rafii, Driss Ksikes, Buthaïna Azami, Abdellah Baïda, Diana Wylie, Hassan Aourid etc. Un hommage sera rendu samedi au grand écrivain marocain, le regretté Amran El Maleh disparu en 2010. La rencontre sera précédée par la présentation de deux ouvrages «Une enfance juive en Méditerranée» de Leila Sebbar et «Mémoire juive de l'Oriental marocain». Une dimension artistique avec des expositions «Histoires de peaux» donnant à voir des œuvres de plasticiens Farid Belkahia, Hassan Hajjaj, Bernard Rancillac, Mohamed Tabal, Myette Fauchère ainsi que des photographes togolais Degbava et Jacques Do Kokou. Une installation vidéo muli-écrans intitulée «Crossings» de l'artiste multimédia franco-marocaine Leila Alaoui explore d'une manière originale le drame des migrants subsahariens. Très populaires, adressé aux petits et grands sans distinction, les spectacles de conteurs en halqa donneront lieu pour la première fois à des animations dans la rue avec Souleymane Mboj conteur sénégalais pour égrener des contes initiatiques de l'Afrique de l'Ouest, Halima Hamdane et Nezha Chevé. La musique n'est pas en reste avec le Trio Jazz composé de Majid Bekkas, Adama Dramé et François Raulin, le groupe cosmopolite Coton Afrik, l'Ensemble des Archipels dirigé par Joël Suhubiette etc. Le Salon se terminera en musique avec une parade de Gnaoua. L'une des manifestations importantes qui en est à sa sixième édition et qui fait partie intégrante de l'identité du salon est le concours «le plaisir de lire» organisé en collaboration avec l'Académie régional de l'éducation et de la formation de Tanger. L'objectif de ce concours est de «démontrer que la lecture est quelque chose de beau, utile et pas du tout rébarbatif». Les candidats du concours proviennent des 7 délégations de l'enseignement de la région du Nord ainsi que des apprenants des IF de Tanger et de Tétouan. Ce sont près de deux mille élèves provenant d'une centaine d'établissements collèges et lycées qui passent le concours à chaque édition. Pour l'édition 2014, il y a 14 finalistes (7 collégiens et 7 lycéens) qui passeront devant un jury le vendredi 9 mai. Il s'agit de lire devant un public d'auditeurs et de justifier le choix du texte lu. L'objectif de cette manifestation est de «développer les capacités d'expression orale et d'argumentation». La nouveauté pour cette édition c'est une version arabe du concours qui est proposée aux lycéens. Le financement de la manifestation du Salon est aux deux tiers assuré par des partenaires apprend-on. «C'est grâce à l'Association Tanger Région Action Culturelle que nous avons des financements publics, elle est vraiment enracinée dans la ville, les institutions Wilaya, Conseil régional, Agence du Nord, Fondation Tanger Med» confie Alexandre Pajon. Le Salon de Tanger a fait vraiment sa place dans le concert des manifestations culturelles comme un événement incontournable. On peut regretter toutefois que durant 18 éditions des grands poètes de la région du Nord comme Mohamed Maymouni à Tétouan et Mohamed Tabbal à Chefchaouen et Mehdi Akhrif à Asilah ne soient pas invités pour dire leur Afrique à eux.