La guerre civile qui déchire le Soudan du Sud va monopoliser jeudi le secrétaire d'Etat John Kerry en visite à Addis Abeba qui accueille de laborieuses tractations de paix pour cette jeune nation, où l'ONU redoute un génocide. Arrivé mercredi soir dans la capitale éthiopienne, le chef de la diplomatie américaine entame sa première véritable tournée africaine qui le conduira également jusqu'au 5 mai en République démocratique du Congo (RDC) et en Angola. Au cours d'entretiens avec des dirigeants de l'Union africaine (UA) et ses homologues éthiopien, kényan et ougandais réunis à Addis Abeba, John Kerry doit se pencher au chevet des plus sanglants conflits du continent: Soudan du Sud, mais aussi République centrafricaine (RCA), Somalie et RDC. Pour le Soudan du Sud - plus jeune Etat du monde né en juillet 2011 sous parrainage des Etats-Unis - M. Kerry va «pousser les deux parties (belligérantes) à honorer l'accord de cessation des hostilités qu'ils ont signé et qu'ils n'ont jamais respecté», a indiqué un diplomate américain voyageant avec son ministre et quelques journalistes. Un cessez-le-feu a en effet été paraphé le 23 janvier à Addis Abeba mais il est resté lettre morte. Les discussions ont repris lundi dans la capitale éthiopienne. «Pas de solution militaire» au Soudan du Sud Les combats, qui ont déjà fait des milliers de morts, opposent depuis la mi-décembre l'armée fidèle au président Salva Kiir aux troupes loyales à son ancien vice-président Riek Machar et se sont accompagnés de massacres et d'exactions contre les civils sur des bases ethniques. A la rivalité entre MM. Kiir et Machar, se greffent de vieux antagonismes entre Dinka et Nuer, les deux principales communautés du pays dont ils sont respectivement issus. «Les deux camps pensent qu'ils peuvent l'emporter militairement», mais «il n'y a pas de solution militaire», a fait valoir le responsable du département d'Etat. Aux ses yeux, le conflit sud-soudanais «n'est pas une bataille entre Dinka et Nuer, c'est une bataille personnelle entre Riek Machar et Salva Kiir». En conséquence Washington «va délivrer des messages durs aux deux parties pour leur signifier qu'elles seront tenues responsables si elles ne prennent pas les mesures nécessaires pour mettre fin aux hostilités». Pour autant, John Kerry ne devrait pas annoncer de sanctions contre les belligérants, a admis le diplomate américain, même si son administration «travaille sur une liste d'individus». Le cadre juridique pour ces sanctions est prêt depuis un décret présidentiel signé par Barack Obama le 3 avril. Les Etats-Unis, pays qui a le plus oeuvré à la naissance du Soudan du Sud par la partition du Soudan, ont multiplié les pressions pour éviter un éclatement du pays. Sans résultat jusqu'ici. Mais le temps presse selon l'ONU qui a averti mercredi que le pays était «au bord de la catastrophe» et qui a clairement évoqué le risque d'un génocide en faisant une référence au drame du Rwanda, il y a tout juste 20 ans. «Le mélange mortel de griefs mutuels, d'appels à la haine et de tueries de représailles (...) semble prêt à entrer en ébullition et (...) ni les dirigeants sud-soudanais ni la communauté internationale ne semblent réaliser à quel point la situation est désormais dangereuse», a déclaré la Haut Commissaire de l'ONU au droits de l'Homme, Navi Pillay, en visite à Juba. Des «appels à la haine» et des tueries «sur des bases ethniques» laissent craindre que «ce conflit dérape dans une violence grave qui échappe à tout contrôle», a renchéri le conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide, Adama Dieng, qui accompagnait Mme Pillay. Il a assuré que les Nations unies prendraient «toutes les mesures possibles» pour «protéger les populations (sud-soudanaises) d'un autre Rwanda», en allusion au génocide qui y fit quelque 800.000 morts en 1994, essentiellement dans la minorité tutsi, et que l'ONU fut incapable d'empêcher.