L'ONU a envoyé vendredi quatre hélicoptères pour évacuer son personnel de sa base d'Akobo, dans l'est du Soudan du Sud, où trois Casques bleus indiens ont été tués dans une attaque, dernières violences en date dans un pays «au bord du précipice» selon Barack Obama. Le président américain s'est fait l'écho des inquiétudes croissantes pour la jeune nation sud-soudanaise, qui a proclamé son indépendance en juillet 2011 après des décennies de guerres civiles contre Khartoum et qui semble prête à sombrer dans un autre conflit à grande échelle. «Les récents combats menacent de faire plonger à nouveau le Soudan du Sud dans ses jours les plus noirs du passé», a averti le président des Etats-Unis, qui ont largement soutenu et financé la lutte sud-soudanaise pour l'indépendance. Les affrontements entre factions rivales de l'armée sud-soudanaise, qui ont fait près de 500 morts entre dimanche soir et tard mardi dans la capitale Juba, se sont désormais propagés à l'Etat instable du Jonglei, qui fourmille de groupes armés et où les tensions ethniques sont traditionnellement vives. Une base de l'ONU de cet Etat a été attaquée jeudi à Akobo par des assaillants non identifiés et au moins trois Casques bleus indiens ont été tués. Selon la Mission de l'ONU au Soudan du Sud (Minuss), 51 membres des Nations unies (Casques bleus, policiers et personnel civil) étaient présents lors de l'attaque sur la base, où une trentaine de civils avaient trouvé refuge. Selon la Minuss, des jeunes d'ethnie Nuer, à laquelle appartient Riek Machar, rival politique du président Salva Kiir qui l'accuse d'avoir initié une tentative de coup d'Etat à l'origine des combats à Juba, avaient plus tôt tenter de pénétrer dans la base pour s'attaquer aux réfugiés. Plus de 34.000 personnes ont trouvé asile dans les bases de l'ONU au Soudan du Sud, dont 20.000 à Juba, malgré la fin des combats, et 14.000 à Bor, capitale du Jonglei, tombée jeudi aux mains de rebelles présentés par les autorités comme loyaux à Riek Machar. Environ 200 employés du secteur pétrolier sont également sous protection de l'ONU dans sa base de Bentiu, capitale de l'Etat d'Unité, dont un champ pétrolier exploité par le consortium GNOPC - contrôlé par le géant public chinois CNPC a été attaqué. Au moins cinq employés sud-soudanais travaillant sur ce champ ont été tués. Il n'était pas possible de savoir si l'attaque du champ pétrolier était liée au conflit politico-militaire ni quelles étaient les conséquences sur la production de pétrole, qui assure 98% des ressources du Soudan du Sud. Aux graves dissensions politiques au sein du régime sud-soudanais issu de la rébellion sudiste, s'ajoutent des profonds ressentiments entre ethnies remontant aux années de guerre civile. En 1991, M. Machar avait fait défection avec ses troupes - essentiellement Nuer - de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) fracturant la rébellion sudiste historique dont Salva Kiir était un des responsables, sur des lignes ethniques. Cette même année, ses troupes Nuer avaient massacré à Bor près de 2.000 civils Dinkas, ethnie de M. Kiir. La Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a estimé que le risque de conflit ethnique était «extrêmement élevé» au Soudan du Sud, se disant «profondément inquiète pour la sécurité des civils». Le scénario d'une guerre civile «apparaît désormais terriblement possible», a jeudi estimé l'International Crisis Group (ICG) et Human Rights Watch a accusé les belligérants d'avoir commis des meurtres sur des critères ethniques, à Juba et à Bor. Riek Machar, vice-président du Soudan du Sud jusqu'à son limogeage en juillet par le président Kiir, a appelé jeudi sur Radio France Internationale (RFI) au renversement du chef de l'Etat, accusé de tenter «d'allumer une guerre ethnique» dans le pays. Il a souligné n'accepter de discuter que des conditions du départ du pouvoir du président sud-soudanais, qui s'était dit prêt la veille à négocier avec lui. Les ministres des Affaires étrangères de Djibouti, d'Ethiopie, du Kenya, d'Ouganda et du Soudan sont à Juba pour tenter des démarches de paix dans le cadre de l'Autorité intergouvernementale sur le développement (Igad), organisation sous-régionale ayant oeuvré à la conclusion de l'accord de paix entre la rébellion sudiste et Khartoum ayant mis fin en 2005 à la guerre civile.