Le 27ème Tour du Maroc cycliste s'est distingué par rapport aux éditions précédentes par son implication extra-sportive impliquant l'environnement ambiant, culturel, écologique, géographique, historique voire politique. «RAHALA» A DOS DE BICYCLETTE La «petite reine» a sillonné le Maroc profond, qui est à la recherche du «désenclavement» utilitaire, lié aux infrastructures et de manière générale à l'économique. Pour la culture, l'art, le sport et la création, on doit constater l'existence d'une dynamique défaillante dans nos grandes cités. Et l'enclavement supposé en prend pour son grade, par rapport aux technocrates qui assimilent toute périphérie à de l'archaisme. Nos villes semblent avoir perdu une grande partie de leur personnalité au moment où, dans la majorité des sites traversés, on rencontre des élites «rurales» fières de leur statut et déterminées à s'impliquer dans la modernité. Sans y sacrifier leur identité! De l'ethnologie, à l'archéologie, en passant par l'histoire on se rend compte que le Maroc dit profond a dépassé la vision folkloriste qui l'a longtemps cantonné dans une vision naïve et fataliste. MOHAMED EL GOURCH, LA LEGENDE Partout où le Tour du Maroc Cycliste a fait halte, des animateurs sont venus à la rencontre de la caravane et applaudi les champions marocains. Mohamed El Gourch, le seul à avoir remporté trois fois le Tour du Maroc dans les années 60, a suivi les premières étapes avant de s'éclipser. Il est venu, en famille superviser Abdennaim El Gourch, son fils, auquel il prédit un grand avenir parmi les espoirs. Né dans les Doukkala il y a 86 ans, Mohamed El Gourch a d'abord travaillé dans une boutique de réparation de bicyclettes, aujourd'hui disparue et qui était sise face à la Cité Portugaise à El Jadida. El Gourch émigrera à Casablanca en compagnie de sa famille et s'adonnera à la bicyclette, soutenu par une mère «diéteticienne» avant la lettre dit-il. «L'hygiène est le secret de toute réussite» rappelle El Gourch qui a été, en plus de ses trois titres au Tour du Maroc, onze fois champion du Maroc. El Gourch reste un grand mythe et partout où il est passé, les gens viennent à lui pour glorifier l'époque de»l'âge d'or». Et les gens de se déverser en propos apologétiques, à l'attention des grands champions issus de ces régions délaissées, le Père Jego, les Hissou, Khalid Sekkah, Arazi, El Arabi, Barrada pour ne citer que les plus illustres et particulièrement ceux qui ont gardé des liens avec le terroir et qui y apportent aide, soutien et prestige. Nezha Bidouane n'est pas en reste et elle vient toujours valoriser de sa présence et de sa fine silouhette, la Fête de la Rose. LA CARAVANE DU TOUR SUR LES TRACES DES ANCETRES La caravane du 27ème Tour, partie de Casablanca a traversé Safi, Essaouira, Agadir, Taliouine, Ouarzazate, Tineghir, Errachidia, Midelt, Meknès, Rabat et Casablanca. Bien sûr, le cyclisme était convoité et Me Mohamed Belmahi, président de la Fédération Royale Marocaine de Cyclisme et membre de l'UCI a eu l'idée géniale d'initier les journalistes aux complexités techniques et réglementaires d'un sport à la grande histoire, avant le départ du Tour. Rien ne vaut une promotion basée sur un véritable savoir cycliste. D'ailleurs un «petit pays» comme le Portugal, qui a dominé lors de ce 27è Tour a lancé une politique de formation, depuis une décennie et commence à récolter les fruits de ce travail engagé sur le long terme. Cardoso en est la fine fleur et s'est imposé lors de quatre étapes! Le Maroc est sur la bonne voie, avec ses trois équipes «A», Espoirs et Olympique, qualifiée aux JO de la Jeunesse en Chine. Plusieurs noms ont brillé à l'occasion de ce Tour, Mohsine Lahsaini, qui a raté de peu la maillot jaune, départagé à la photo-finish, contre le Français julien Loubet, coureur professionnel et qui a disputé le dernier Tour de France. Son dauphin Lahsaini ne se fait pas de complexe et se dit très fier d'avoir tenu jusqu'au bout «face à un professionnel». Le cyclisme, on le sait est le meilleur visa pour découvrir un pays dans ce qu'il a d'humain, à travers ses «Forçats de la route». Des écrivains et des poètes comme Antoine Blondin ont chanté la bicyclette et mythifié ses champions entrés dans la légende. Sur le parcours de ce 27è Tour du Maroc, noyés dans la foule des amateurs, assoiffés de spectacle sportif, des écrivains attachés à leurs racines sont venus à la rencontre de la caravane. DES ECRIVAINS A COMPTE D'AUTEUR Un historien comme Moulay El Mehdi Salhi, avec sa vingtaine d'ouvrages tirés à compte d'auteur, Saïd Laqabi, Moha Souag ou le Gnaoui M'Barek Lhaouzi, qui dénonce la marginalisation des Gnaouas du Sud-Est, tous et d'autres encore font la fierté de ces «Mendiants et orgueilleux» comme dirait Albert Cossery. Mendiants du savoir universel, dont ils sont et légataires et pourvoyeurs, faut-il le rappeler? On regrettera l'arrogance ou l'analphabétisme sportif de certains élus, surtout dans les villes qui se préoccupent beaucoup plus de leur image -télévisuelle- que du réel et de la sueur de leurs concitoyens, cyclistes ou pas. Cela s'applique, également, au ministère du Tourisme qui n'a pas compris que la bicyclette mène à tout, pourvu qu'on sache l'accompagner.