La socialiste Michelle Bachelet a été investie mardi pour un second mandat à la tête du Chili, s'engageant à rendre son pays, l'un des plus riches d'Amérique du Sud, «différent et beaucoup plus juste». «Le Chili a un seul grand adversaire qui s'appelle l'inégalité», a lancé Mme Bachelet depuis le balcon du Palais «Commençons maintenant, le temps est court, mais nous allons l'utiliser au maximum» a promis la première femme élue à la tête d'un pays sud-américain. Mme Bachelet fait face à de nombreux défis pour son retour à la Moneda, qu'elle avait quitté en 2010 avec un taux de popularité record. Mais elle a affirmé croire possible «un Chili différend et beaucoup plus juste». Dans la matinée, la nouvelle présidente a prêté serment lors d'une courte cérémonie d'investiture tenue au Congrès à Valparaiso, à quelque 120 km de la capitale chilienne avant de regagner la capitale. De nombreux chefs d'État latino-américains et du vice-président des États-Unis Joe Biden ont assisté à l'investiture, mais le président vénézuélien Nicolas Maduro a annulé son voyage à la dernière minute. Symbole fort dans un pays encore marqué par la dictature, c'est la sénatrice socialiste Isabel Allende, fille de l'ex-président Salvador Allende renversé par le coup d'Etat du 11 septembre 1973, et première femme à présider le Sénat chilien, qui a remis l'écharpe présidentielle bleu, blanc et rouge à Michelle Bachelet, 62 ans, dont le propre père a été torturé et tué aux premiers jours de la dictature Pinochet. «C'est un grand honneur de relever le défi d'être la première femme présidente du Sénat dans l'histoire du Chili et de remettre l'écharpe présidentielle», a déclaré la sénatrice, visiblement très émue, affirmant que cette «image historique» ferait «le tour du monde». Mme Bachelet succède au conservateur Sebastian Piñera, qui quitte le pouvoir avec un bilan contrasté, mais ne cache pas son ambition de succéder à Michelle Bachelet dans quatre ans. Avant de quitter le palais présidentiel, M. Pinera a assuré «partir la tête haute», affirmant que son gouvernement remettait à Michelle Bachelet «un Chili qui est devenu un pays meilleur que celui que nous avions il y a quatre ans». Elue le 15 décembre dernier avec plus de 62% des suffrages, 20 points devant sa rivale de droite Evelyn Matthei, la nouvelle présidente a promis de mener «enfin» à bien «de profondes transformations» pour réduire les importantes inégalités sociales qui divisent le Chili». Des objectifs ambitieux Rompant avec le style figé de la classe politique traditionnelle, cette médecin de formation, ancien ministre et ex-directrice de l'ONU-Femmes, mère de trois enfants et grand-mère, s'est notamment fortement engagée en faveur de l'amélioration des droits des femmes dans un pays ultra-conservateur, où l'avortement, même thérapeutique, est interdit et où le divorce n'a été légalisé qu'en 2004. Pour ce nouveau mandat, la socialiste s'est fixé des objectifs ambitieux, promettant dans les 100 premiers jours de son gouvernement 50 mesures choc, dont une vaste réforme de l'enseignement et de la fiscalité avec une augmentation importante de l'impôt sur les sociétés pour financer une refonte du système éducatif. Mme Bachelet a également promis l'adoption d'une nouvelle constitution «née de la démocratie» pour remplacer celle qui porte la signature du dictateur Augusto Pinochet (1973-1990). Désireuse de se mettre au travail car «nous avons un programme à remplir», la nouvelle présidente a convoqué son premier conseil des ministres mercredi à 7H45. Son cabinet comprend 23 ministres dont neuf femmes. Elle hérite d'un pays un peu essoufflé par le ralentissement de l'économie mondiale, un recul des investissements et la baisse des prix du cuivre, dont il est le premier producteur au monde. L'économie chilienne reste toutefois globalement solide, avec une croissance entre 3,75% et 4,75% prévue pour 2014. Mais c'est dans le domaine de l'éducation, alors que des dizaines de milliers d'étudiants n'ont pas accès à un enseignement gratuit et de qualité, que les attentes sont les plus fortes. «Je suis fille de l'éducation publique» a revendiqué Mme Bachelet dans son discours. Les nouveaux leaders de l'influent mouvement étudiant, fort du soutien des centaines de milliers de jeunes descendus dans la rue lors des manifestations massives de 2011, ont cependant déjà exprimé leur méfiance vis-à-vis de Michelle Bachelet et avaient appelé à ne pas voter lors des élections. Avant même d'entrer en fonctions, la vice-ministre de l'Education, Claudia Peirano, a démissionné et le ministre de l'Education désigné Nicolas Eyzaguirre est déjà fortement critiqué.