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Corruption, gouvernance et blanchiment d'argent dans la ligne de mire des experts européens : Les recommandations adressées au Maroc par le Conseil de l'Europe
Au vu des constats du diagnostic du cadre anti-corruption, les recommandations suivantes sont adressées au Maroc par les experts du Conseil de l'Europe, il convient: Vue d'ensemble de la situation actuelle de la corruption i. (i) d'entreprendre une évaluation périodique des risques de corruption, au moins avant toute adoption ou révision des documents stratégiques (stratégie de lutte contre la corruption et le Plan d'action), (ii) d'adopter une approche plus intégrée de lutte contre la corruption en vue de l'appliquer à l'ensemble du secteur public, y compris les collectivités locales et les établissements publics; ii. veiller à l'adoption dans les meilleurs délais, la mise en œuvre et au suivi adéquat et efficace du cadre stratégique de lutte contre la corruption au Maroc; iii. de mettre en œuvre la disposition de l'article 36 de la Constitution en adoptant la loi organisant l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption; Garanties fondamentales et prévention de la corruption Prévention de la corruption des juges iv. de mettre en œuvre les actions nécessaires à la réalisation des six objectifs de la Charte de la Réforme du Système Judiciaire afin de consolider l'indépendance du pouvoir judiciaire en général et des magistrats en particulier, d'accroître l'efficacité et l'efficience de la justice et de développer les capacités institutionnelles du système judiciaire; v. i) de poursuivre la création près des Cours d'appel des chambres spécialisées dans la lutte contre les infractions de corruption et celles connexes, ii) de revoir et de préciser leurs compétences afin de poursuivre toutes les infractions de corruption et celles connexes commises par les parlementaires, les magistrats et les hauts fonctionnaires, iii) de continuer la formation spécialisée des magistrats affectés à ces sections; vi. i) de suivre et de mettre en place le plus vite possible les objectifs de la Charte concernant l'indépendance du CSPJ; ii) de prévoir dans la future législation des compétences étendues du CSPJ en matière de recrutement, de nomination, de promotion, d'affectation, de mutation et de discipline des magistrats en dehors de toute interférence du pouvoir exécutif ou législatif ; vii. que le CSPJ publie les comptes rendus de ses réunions ainsi que toutes ses décisions; viii. que le CSPJ contribue au recrutement par concours des attachés de justice ainsi que pour toute autre vacance de magistrat selon des critères préétablis, incluant, le cas échéant, une vérification plus détaillée du candidat et se fondant sur ses qualifications; ix. conférer au CSPJ de nouvelles compétences en matière d'établissement de normes de déontologie pour les magistrats, en particulier à travers l'adoption d'un code d'éthique et de bonne conduite (dans l'exercice des fonctions ainsi qu'en dehors de celles-ci) en conformité avec les normes et les pratiques internationales; x. que la notion de conflit d'intérêts en tant que tel et ses typologies soient définies, que des règles claires sur la gestion des conflits d'intérêts, sur des mécanismes de prévention et résolution de tels conflits, y compris des sanctions pour les cas de non respect, soient adoptées aux fins de la prévention de la corruption; xi. d'interdire les cadeaux (autres que protocolaires) et de formuler des règles claires concernant la conduite des magistrats lorsque les cadeaux leur sont proposés sans lien avec la fonction; xii. que des règles claires soient introduites afin de prévenir des conflits d'intérêts pour les situations dans lesquelles des magistrats rejoignent le secteur privé (pantouflage) ; xiii. en suivant les dispositions de la Constitution, de revoir et préciser les dispositions légales sur la déclaration de patrimoine des magistrats et de clairement définir l'autorité responsable du suivi; xiv. de mettre en œuvre le plus vite possible les mesures prévues dans la Charte: (i) de consolider l'autorité du CSPJ dans les procédures disciplinaires à l'encontre des magistrats en rattachant l'inspection générale des services judicaires au CSPJ et s'assurant que l'inspecteur général et les autres inspecteurs soient nommés par le CSPJ; (ii) de définir ce qui constitue une faute disciplinaire; (iii) de mettre en place des garanties supplémentaires aux étapes de la procédure disciplinaire; (iv) de veiller à ce que le CSJP soit le seul organe responsable de statuer et prendre des décisions en matière de discipline, suspension et révocation en conformité avec les normes établies de conduite; xv. que tous les magistrats bénéficient de mesures de formation et de conseils pertinents sur l'éthique et l'intégrité, notamment en faisant jouer un rôle actif au CSPJ ; Prévention de la corruption des procureurs xvi. de prendre toutes les mesures nécessaires afin de consolider l'indépendance du ministère public en veillant à mettre un terme à l'autorité du Ministre de la justice sur les magistrats du parquet tant sur leur carrière (leur sélection, leur nomination, leur promotion, les changements d'affectation et les procédures disciplinaires à leur encontre), que pour la compétence d'intervenir au cours des procédures judiciaires comme dans les décisions d'engager/classer des poursuites du procureur; xvii. de demander aux Procureurs généraux du Roi de rendre compte au moins annuellement de l'activité de leur cour au CSPJ et que ces rapports soient rendus accessibles ; xviii. de prendre des mesures en vue de réglementer les éventuels conflits d'intérêt spécifiques aux procureurs ; Prévention de la corruption des forces de l'ordre xix. de formaliser, d'adopter et de diffuser un code d'éthique à l'ensemble des forces de l'ordre avec une pédagogie appropriée; xx. de compléter le statut de la fonction de police par des normes déontologiques selon les standards internationaux en la matière ; xxi. comme pour les magistrats d'interdire les cadeaux (autres que protocolaires) et tout autre avantage indu, et de formuler des règles claires concernant cette interdiction lorsqu'ils sont proposés ; xxii. de rappeler à toutes les autorités concernées l'existence de l'article 42 CPP et son application à tout fonctionnaire, sans qu'il ait l'obligation de passer par la voie hiérarchique pour avertir le Procureur du Roi ou le Procureur général du Roi; Administration publique et corruption xxiii. de poursuivre ce chantier de la simplification et de la clarification des procédures, en mettant l'accent sur celles qui sont directement accessibles au grand public et en leur donnant la publicité nécessaire ; xxiv. d'évaluer l'efficacité des mesures mises en œuvre en matière de prévention de la corruption dans la fonction publique. Cette évaluation devrait permettre de mieux cibler les mesures pertinentes à prendre; xxv. de revoir les termes de l'article 18 du Statut général de la fonction publique et d'en extraire la notion de secret professionnel susceptible de poursuites pénales pour la plupart des fonctionnaires ; xxvi. d'adopter, dès que possible, la loi relative au droit d'accès à l'information ; xxvii. d'accorder une publicité suffisante aux consultations publiques, d'en afficher les résultats et de justifier les décisions qui seraient contradictoires à l'avis général exprimé ; xxviii. de renforcer les pouvoirs et les moyens d'investigation de l'Inspection Générale des Finances et d'affecter un plus grand nombre d'inspecteurs aux contrôles sur place ; xxix. que tant la Cour des comptes que les diverses Inspections générales aient la prérogative de dénoncer directement au parquet compétent les faits susceptibles de corruption ; xxx. d'améliorer notablement les procédures d'exécution des jugements prononcés à l'encontre des administrations; xxxi. d'inclure dans les statuts des références explicites à la prévention de la corruption; xxxii. (i) d'élaborer un code d'éthique général pour les agents publics auquel pourront faire référence des codes spécifiques; (ii) d'assurer un suivi sectoriel et centralisé des violations et éventuelles sanctions; xxxiii. de mettre en place une formation initiale en matière notamment d'intégrité, éthique et prévention de la corruption à l'occasion de l'entrée en fonction des nouvelles recrues; xxxiv. de modifier le statut général de la fonction publique et les différents statuts particuliers afin de mettre en œuvre ce code d'éthique, définir dans des .textes spécifiques, lorsqu'il y a lieu, la portée du secret professionnel et ses conditions d'exercice ; xxxv. comme pour les magistrats et les forces de l'ordre, d'interdire les cadeaux (autres que protocolaires) et de formuler des règles claires concernant cette interdiction lorsqu'ils sont proposés; xxxvi. i) de réglementer de façon claire les conflits d'intérêt et de diffuser des bonnes pratiques à ce sujet; ii) de définir des règles en vue d'interdire le «pantouflage» (passage abusif d'un agent public vers le secteur privé) ; xxxvii. de demander aux administrations et entités concernées d'établir les listes de personnes assujetties à une déclaration de patrimoine de manière précise, de les tenir à jour et d'informer en temps utile les juridictions financières; xxxviii. d'évaluer l'efficacité du système actuel de déclaration de patrimoine, étudier l'intérêt d'une diminution du nombre de personnes assujetties et d'une augmentation des contrôles par échange d'information avec d'autres administrations; xxxix. i) lors des formations continues rappeler aux agents publics l'existence de cette obligation de dénonciation de l'article 42 du CPP; ii) établir des règles claires pour que l'obligation de signalement de soupçons en toute bonne foi ne soit pas passible de sanctions pour diffamation, tout en respectant le principe de la hiérarchie, ainsi que l'obligation de discrétion des fonctionnaires en vertu de leur statut respectif ; xl. de mettre en place des mécanismes de protection d'ordre administratif pour les dénonciateurs de bonne foi (lanceurs d'alerte) ; Financement des partis politiques et des campagnes électorales xli. de se doter. d'un système centralisé d'enregistrement et de suivi des infractions en matière de financement de la vie politique (financement des partis et des élections) ; xlii. d'élaborer les textes et mesures d'accompagnent prévus et nécessaires à la mise en œuvre d'un contrôle interne par les partis politiques (logiciel comptable, programmes de formations, etc.) ; xliii. de préciser le rôle de l'expert-comptable qui certifie les comptes; xliv. de prévoir la publication des comptes des partis et des rapports détaillés de la Cour des comptes (actuellement, seule une synthèse est publiée) et inciter les partis politiques, dès lors qu'ils doivent disposer, de par la loi, d'une commission chargée du contrôle des finances du parti à communiquer eux-mêmes sur ces questions; xlv. de prendre des mesures adéquates afin d'assurer un suivi effectif des sources de financement non public; xlvi. de mettre en œuvre les opérations de transfert prévues à l'article 31 de la loi sur les partis politiques dans les délais impartis et en publier un bilan ; Prévention de la corruption dans les marchés publics xlvii. de veiller à limiter au maximum les exceptions à l'application intégrale du décret sur les marchés publics, en justifiant celles-ci, de manière objective, pour les établissements publics concernés; xlviii. d'entreprendre des mesures visant à i) assurer l'accès à l'information, y compris pour le grand public, et un degré de transparence adéquat à toutes les étapes du cycle des marchés publics (notamment la publication à l'avance des conditions et des critères pour la participation effective, les informations requises et pertinentes sur les procédures de passation, les appels d'offres, l'attribution des contrats et leur mise en œuvre) ; et ii) minimiser les risques de corruption dans les marchés publics; xlix. de s'assurer que les nouvelles dispositions légales et réglementaires en matière de marchés publics vont bien être diffusées parmi les fonctionnaires chargés de leur mise en œuvre. Le droit pénal, l'application de la loi et la procédure pénale Incriminations et sanctions l. de clarifier le concept, la portée de la notion de «fonctionnaire public» contenue à l'article 224 CP, en l'alignant, si nécessaire, sur les standards internationaux et en amendant, en conséquence les articles incriminant les actes de corruption et connexes; Ii. (i) de lever toute incertitude en précisant par la voie appropriée que les actes de corruption constituent des infractions quelle que soit la nature - matérielle ou non-matérielle - de l'avantage, que tout avantage des actes de corruption est indu et (ii) de s'assurer, comme cela est prévu, que les diverses infractions de corruption dans le secteur public sont définies de manière à inclure la complicité d'intermédiaires ainsi que celle de tiers bénéficiaires; Iii. i) de mettre en place un mécanisme bien défini qui permet, lors des enquêtes de corruption et de trafic d'influence, de mener des enquêtes patrimoniales approfondies afin de détecter les avoirs qui en sont issus et pouvoir les confisquer; ii) de prévoir une formation adéquate dans ce domaine pour les magistrats et autres représentants des organes répressifs et d'investigation; liii. de mettre en place un système d'information permettant la production et l'échange de statistiques fiables et pertinentes de la lutte contre la corruption, en matière préventive et répressive; liv. d'étendre le champ d'application de la législation relative aux actes de corruption à l'ensemble des agents publics étrangers, membres d'assemblées publiques étrangères, fonctionnaires internationaux, membres d'assemblées parlementaires internationales, ainsi qu'aux juges et agents de cours internationales; Iv. d'incriminer la corruption active et passive dans le secteur privé en accord avec les normes internationales et notamment d'incriminer les tiers bénéficiaires, ainsi que les dirigeants des entités privées, et que l'infraction ainsi établie ne permette pas les exonérations abusives de responsabilité de l'agent privé par son employeur; lvi. (i) de rendre les dispositions sur le trafic d'influence plus claires et cohérentes, en délimitant les deux volets - actif et passif - et incluant les éléments constitutifs propres à cette infraction (conformément à l'article 12 de la Convention pénale sur la corruption), ii) d'incriminer le trafic d'influence des agents publics étrangers, membres d'assemblées publiques étrangères, agents publics internationaux, membres d'assemblées publiques internationales, juges et agents de cours internationales, iii) de lever toute incertitude en précisant par la voie appropriée que les actes de trafic d'influence constituent des infractions quelle que soit la nature - matérielle ou non-matérielle - de l'avantage indu quelle que soit la nature de la décision et du résultat du trafic d'influence; lvii. (i) d'incriminer la corruption active et passive d'arbitres et de jurés nationaux ou étrangers, en s'assurant et en précisant par la voie appropriée que le libellé des dispositions du Code pénal reflète les divers éléments posés aux articles 2 à 6 du Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption; (ii) de clarifier d'une manière appropriée la portée de la notion «d'arbitre» qui devrait englober les arbitres étrangers; lviii. de lever tout doute quant à la possibilité de poursuivre les infractions de corruption, de trafic d'influence et celles connexes commises à l'étranger par des non-ressortissants, mais dans lesquels sont impliqués des agents publics marocains, fonctionnaires internationaux, membres d'assemblées parlementaires internationales; lix. d'ériger en infraction les violations des règles comptables liées à des faits de corruption conformément à l'article 14 de la Convention pénale sur la corruption en prévoyant des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives; Responsabilité des personnes morales lx. d'introduire des dispositions spécifiques concernant la responsabilité des personnes morales pour des faits de corruption et de trafic d'influence, et ce indépendamment de la responsabilité des personnes physiques; Enquête et procédure pénale lxi. de veiller à ce qu'il existe un corps suffisant de policiers et gendarmes qui se consacrent exclusivement aux enquêtes de corruption et aux infractions qui y sont liées et y accorder les ressources nécessaires; lxii. que les autorités examinent et précisent le champ d'application du secret professionnel tant dans le cadre de la fonction publique que pour les professions libérales, en le délimitant, par exemple, plus explicitement selon les spécificités de chaque profession; lxiii. d'attirer l'attention des magistrats concernés sur l'opportunité de prescrire des écoutes téléphoniques dans les enquêtes pour crimes de corruption; Confiscation et autres privations des instrumentalités et des produits du crime lxiv. prendre toutes les mesures qui s'imposent pour renforcer les capacités de détection des liens entre le blanchiment et la corruption, en s'assurant que les institutions et professions soumises à l'obligation de déclarer des Soupçons reçoivent des directives et des formations facilitant la détection et le signalement de faits de blanchiment et de corruption; lxv. la création d'un office qui serait spécialement chargé de gérer les biens saisis et d'assurer leur garde en vue de leur mise à disposition de l'Etat après confiscation; Etendue et portée des immunités par rapport aux enquêtes, poursuites et jugements des infractions de corruption lxvi. dans le cadre de la réforme judiciaire en cours de revoir les règles en matière de compétence exceptionnelle en tenant compte de la recommandation sur l'élargissement du champ des compétences en matière de crimes financiers des CA.