Le Maroc manque de volonté politique dans la lutte contre la corruption. A ce jour, le Royaume ne dispose pas d'une politique nationale basée sur une stratégie à moyen et long termes pour lutter contre le fléau. Le Conseil de l'Europe organise aujourd'hui une conférence à Rabat pour présenter les résultats et les recommandations du rapport de diagnostic anti-corruption. Ce diagnostic a été mené en coopération avec l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC), des institutions ,des partenaires gouvernementaux, judiciaires, des forces de l'ordre, du secteur privé et de la société civile. Sur la base des questionnaires remplis par les institutions, les experts ont rencontré plus de 70 représentants d'institutions publiques et privées à l'occasion des visites sur site qui ont été organisées du 30 septembre au 4 octobre 2013. L'objectif de ce rapport est de contribuer au renforcement des capacités institutionnelles et de suggérer des réformes du cadre réglementaire de la lutte contre la corruption. Selon le rapport, le Maroc doit adopter au plus vite une approche plus intégrée de prévention et lutte contre la corruption en s'appuyant sur un plan d'action et des mécanismes de suivi effectifs. La législation en vigueur présente plusieurs lacunes. Le droit marocain ne réglemente pas exclusivement la responsabilité des personnes morales en cas de corruption ou de blanchiment lié à la corruption. A ceci s'ajoute l'absence d'une législation relative à la prévention du conflit d'intérêts. Il faut aussi relever le manque de coopération et de coordination des autorités chargées de la détection, des enquêtes et des poursuites des infractions de corruption. Selon le rapport, les questions liées à la prévention de la corruption au Maroc ne sont pas suffisamment abordées concernant les juges, les procureurs, les forces de l'ordre ou les fonctionnaires publics. S'agissant des magistrats comme pour les forces de l'ordre ou l'administration publique, il faut ériger des règles d'interdiction des cadeaux (autres que protocolaires) et formuler des règles claires concernant cette interdiction lorsqu'ils sont proposés. D'où l'intérêt de mettre en œuvre au plus vite les mesures disciplinaires prévues dans la Charte de la réforme du système judiciaire et ce en veillant à consolider l'autorité du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) dans les procédures disciplinaires à l'encontre des magistrats. Au sujet des mesures de prévention de la corruption à l'égard des procureurs, le rapport relève le devoir par les procureurs généraux du Roi de rendre compte au moins annuellement de l'activité de leur Cour au CSPJ, l'accessibilité de ces rapports pour les parties intéressées et la prise des mesures adéquates pour réglementer les éventuels conflits d'intérêts spécifiques aux procureurs. Concernant les forces de l'ordre, les policiers, gendarmes et douaniers, ils doivent bénéficier d'avantages qui soient réglementés, valorisés et faisant l'objet d'une publication officielle sachant que ces avantages «ne sont pas soumis à la transparence requise». Par ailleurs, le document relève l'absence de code de conduite ou d'éthique général applicable à l'ensemble de la fonction publique. Un suivi sectoriel et centralisé des violations et éventuelles sanctions sont des mesures importantes de prévention de la corruption dans l'administration publique. Le rapport recommande la mise en place d'une formation en matière de prévention de la corruption lors de l'entrée en fonction des nouvelles recrues. Des mécanismes de protection d'ordre administratif pour les dénonciateurs de bonne foi doivent également être mis en place. S'agissant des partis politiques, les experts estiment qu'un système centralisé d'enregistrement et de suivi des infractions en matière de financement de la vie politique (financement des partis et des élections) doit être mis en place. Enfin, les autorités doivent veiller à limiter au maximum les exceptions à l'application intégrale du décret sur les marchés public et prendre des mesures visant à accroître la transparence. Vides juridiques…. Le rapport relève que la législation marocaine présente différentes incohérences et insuffisances par rapport aux exigences définies dans les standards du Conseil de l'Europe sur la corruption. «Le champ d'application de la législation relative aux actes de corruption ne couvre pas l'ensemble des agents publics étrangers, membres d'assemblées publiques étrangères, fonctionnaires internationaux, membres d'assemblées parlementaires internationales, ainsi qu'aux juges et agents de cours internationales, comme prévu par la Convention pénale sur la corruption (STE 173)», déplorent les auteurs du rapport. Par ailleurs, la corruption active et passive dans le secteur privé n'est pas incriminée en accord avec les normes internationales et notamment ne couvre pas les tiers bénéficiaires, ainsi que les dirigeants des entités privées. Telle qu'établie en l'état actuel, «l'infraction permet des exonérations abusives de responsabilité de l'agent privé par son employeur qu'il convient de remédier», peut-on lire. La législation marocaine ne couvre pas en dehors de tout doute la possibilité de poursuivre les infractions de corruption, de trafic d'influence et celles connexes commises à l'étranger par des non-ressortissants, mais dans lesquels sont impliqués des agents publics marocains, fonctionnaires internationaux, membres d'assemblées parlementaires internationales. Enfin, les violations des règles comptables liées à des faits de corruption ne sont pas érigées en infraction conformément à l'article 14 de la Convention pénale sur la corruption en prévoyant notamment des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives.