Abdallah Saâf, président du Jury long métrage de la compétition officielle de la 15-ème édition du Festival National du Film (FNF) de Tanger (7-15 février) estime qu'"il sera difficile pour le jury de trancher" pour départager les 22 films en lice, mais l'innovation et la créativité des oeuvres devraient être particulièrement prises en compte. Le jury est, certes, appelé à établir un palmarès sur la base d'une grille de critères régissant chaque catégorie de prix (Grand Prix du Festival, Prix spécial du jury, Prix de la première œuvre, Prix du scénario, Prix des 1ers et 2-èmes rôles féminins et masculins, Prix de l'image, Prix du son, Prix du montage et Prix de la musique originale), mais, en général, ce qui devrait compter "c'est le degré d'innovation, de créativité et évidemment la maîtrise" du traitement cinématographique, a-t-il confié dans un entretien à la MAP. Il a noté, en revanche, qu'"il sera difficile de trancher, car souvent ce sont les oeuvres qui nous dictent leurs critères, parfois il y a des œuvres qui s'imposent par elles-mêmes et donc même si on arrive avec des grilles, elles sont irrésistibles". M. Saâf s'est félicité à cette occasion du progrès de la production cinématographique marocaine, ce que permet de mettre en exergue le festival de Tanger qui s'affirme désormais à ses yeux comme "un rendez-vous institutionnel important où l'on retrouve toutes les composantes du secteur, acteurs organisés ou individuels, toutes professions confondues (réalisation, scénario, production, distribution, administration, gestion)". Avec 22 longs métrages en compétition, "nous avons là l'essentiel de la production marocaine", estimée actuellement à 25 films par an, ce qui fait du Maroc le deuxième producteur au niveau africain après l'Egypte d'avant le +Printemps arabe+ avec une production annuelle de 35 films en moyenne (aujourd'hui sa production est descendue au même niveau que celui du Maroc). Sur la qualité des œuvres produites, M. Saâf qui a présidé la commission scientifique chargée de l'élaboration du Livre blanc sur le cinéma marocain, se dit convaincu que "l'on ne peut pas parler de qualité sans parler de quantité". Il fonde son raisonnement sur la présence de "cette dialectique" qui fait que "la quantité finira certainement par donner la qualité". Cette façon de voir les choses, l'ancien ministre et universitaire la tient de l'enseignement. "Un enseignement de qualité sans démocratisation, sans généralisation n'a pas de chance. Il faut que tout le monde soit à l'école et c'est en se faisant qu'on travaille sur la qualité. Je crois que la même chose s'applique au cinéma", soutient-il. Aussi s'est-il dit optimiste quant à l'avenir du cinéma marocain, comme en témoigne "la ferme volonté" des intervenants du secteur d'avancer sur la voie de la concrétisation des recommandations issues du Livre Blanc, avec notamment l'adoption d'une nouvelle loi sur l'industrie cinématographique, "une réglementation adaptée au stade du développement du cinéma marocain". Il a indiqué, à cet égard, que la rencontre interprofessionnelle, tenue dans le cadre de la 15-ème édition du FNF pour examiner les aspects juridiques des recommandations du Livre blanc a été une occasion pour les professionnels de réaffirmer leur appel à la mise en place de nouveaux textes réglementaires, y compris en matière de déontologie. Le Livre Blanc, a-t-il rappelé, a tracé les choix et les grandes orientations pour le secteur, tout en identifiant des problématiques précises, lesquelles ont été "tranchées dans un cadre consensuel". Issu des recommandations du colloque national sur le cinéma, le Livre blanc sur le secteur cinématographique, rappelle-t-on, dresse un état des lieux sur le septième art marocain et comporte des dizaines de recommandations relatives à la production cinématographique et sa valorisation, de même qu'à la formation, la distribution et au rayonnement de la culture cinématographique. Sur les défis à relever au niveau de la production, M. Saâf insiste sur l'importance de "continuer à travailler sur la quantité qui nécessairement produira de la qualité à terme". Au niveau de la distribution, il souligne l'impératif de "s'inscrire aux tendances qui semblent régir le secteur à l'échelle mondiale", mais tout en garantissant "des contrepoids au niveau national". S'il se prononce en faveur des multiplexes, il relève que cela ne doit pas se faire pour autant au détriment des petites salles et salles de quartiers. "Il faut permettre aux infrastructures existantes de résister aux monopoles, aux grands moyens et aux capitaux puissants", plaide M. Saâf qui voit la solution notamment dans la décentralisation, avec notamment la contribution des collectivités locales et "le rôle stratégique" de l'Etat, appelés à œuvrer de concert pour stabiliser le chiffre des salles de cinéma, actuellement en forte dégringolade. Il fait état d'une régression de 200 salles dans les années 60-70 à une trentaine aujourd'hui, dont seules 25 opérationnelles. M. Saâf plaide également pour la protection des métiers du cinéma et le renforcement de leur différenciation, de nature à garantir la qualité des créations. "On peut remarquer à l'occasion des festivals que se tiennent au Maroc jusqu'à quel point se confondent les métiers, avec un réalisateur qui pourrait être à la fois producteur de son film, scénariste et même comédien", constate l'académicien marocain qui attribue cette tendance aussi bien à un manque de ressources qu'à l'absence de différenciation des métiers du cinéma. La dynamisation de la vie sociale du cinéma et l'enracinement de sa culture dans la société à travers, entre autres, la création cinéclubs et la promotion de la culture cinématographique, est un autre défi à relever, conclut le président du jury long métrage de la 15-ème édition du festival national du film de Tanger. Jusqu'au 15 février, pas moins de 43 films, de réalisateurs marocains connus ou moins connus, seront projetés dans le cadre des deux sections de la compétition officielle, dont 22 en lice dans la catégorie long métrage, des projets portés par des cinéastes et des professionnels du 7-ème art national qui voient dans cet événement une occasion pour dévoiler leur production cinématographique de l'année. Dans la section des courts métrages, les 21 films en compétition seront départagés par un jury présidé par le réalisateur marocain Abdou Achouba.