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Scandale financier en Turquie Soupçonnées d'avoir instrumentalisé la vaste enquête anticorruption : Purge sans précédent dans les rangs de la police et de la justice
Le gouvernement turc a continué mercredi à faire le ménage au sein de la police et de la justice, soupçonnées d'avoir instrumentalisé la vaste enquête anticorruption qui le menace, en renvoyant les préfets de police de plusieurs grandes villes du pays. Au lendemain d'une purge sans précédent dans les rangs des forces de l'ordre, le ministre de l'Intérieur Efkan Ala a signé mercredi un nouveau décret congédiant cette fois 16 hauts responsables policiers, dont le chef adjoint de la sûreté nationale et ceux de métropoles clé comme Ankara, Izmir (ouest), Antalya (sud) ou Diyarbakir (sud-est). Selon le décompte de la presse turque, cette nouvelle purge porte à plus de 700 le nombre de gradés ou simples officiers démis de leurs fonctions depuis la mi-décembre, dont 350 dans la seule journée de mardi dans la seule capitale du pays. Dans le même temps, l'un des principaux procureurs d'Istanbul en charge de l'enquête, Zekeriya Öz, a été dessaisi et placé en disponibilité, ont rapporté les médias. Ce magistrat avait été mis en cause pendant le week-end dans les colonnes de la presse gouvernementale, qui l'a accusé d'avoir passé des vacances en famille à Dubaï aux frais d'un magnat de l'immobilier inculpé dans l'enquête qu'il pilotait. Toutes les victimes du grand nettoyage opéré sur ordre du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan sont soupçonnées d'appartenir à la très influente confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, qu'il accuse d'être à l'origine du scandale qui secoue le pays. En tournée en Asie toute la semaine, M. Erdogan reproche à l'organisation de M. Gülen, qui vit en Pennsylvanie (Etats-Unis), d'avoir constitué un «Etat dans l'Etat» et monté une «conspiration» pour le faire tomber, à trois mois des élections municipales. La décision en novembre du gouvernement de fermer les écoles privées de soutien scolaire, manne financière de la confrérie, a mis le feu aux poudres entre le Parti de la justice et du développement (AKP) et M. Gülen, pourtant alliés depuis l'accession au pouvoir en 2002 de l'élite islamo-conservateur turque. En plus de la justice et la police, le pouvoir s'est attaqué à toute la fonction publique. Depuis plusieurs jours, de nombreux hauts fonctionnaires des ministère des Finances, de l'Education et des Transports ont également été remerciés, selon les médias turcs. La police «éventrée» Cette contre-offensive musclée a déchaîné les critiques de la presse proche de l'opposition. «La police nationale a été littéralement éventrée», a dénoncé dans Milliyet l'éditorialiste Mehmet Tezkan. «Le gouvernement ne pense qu'à lutter contre un +Etat parallèle+, tout cela va inévitablement se retourner contre lui», a anticipé Ismet Berkan dans Hürriyet. Sourd aux critiques venues de Turquie ou de l'étranger, le gouvernement prépare déjà la prochaine étape de sa reprise en main. Dans son collimateur figure désormais l'une des principales institutions judiciaires du pays, le Haut-conseil des juges et procureurs (HSKY), qui a annoncé mardi l'ouverture d'une enquête sur les «pressions» exercées sur les magistrats en charge du dossier. L'AKP a ainsi déposé dès mardi soir au parlement un projet de loi limitant les pouvoirs de cette institution, a-t-on appris mercredi de source parlementaire. Le principal rival politique du Premier ministre, le chef du Parti républicain du peuple (CHP) Kemal Kiliçdaroglu, a dénoncé ses attaques contre les magistrats. «Est-ce qu'un jour vous comparaîtrez devant ces juges ? Oui, vous serez devant eux lorsque la politique propre aura triomphé dans ce pays», a-t-il lancé. Six mois après les manifestations populaires qui ont fait vaciller le régime, ce scandale menace l'avenir personnel de M. Erdogan, qui envisage sérieusement de se présenter à la présidentielle d'août 2014. Son impact économique inquiète également les milieux d'affaires turcs et les marchés financiers. «Si ce scandale de corruption se poursuit, il peut fragiliser le gouvernement et affaiblir sa capacité à prendre des mesures adaptées pour maintenir la stabilité économique», a mis en garde mardi l'agence de notation Fitch's.