L'ancien Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta dispose d'une avance confortable et pourrait l'emporter dès le premier tour de l'élection présidentielle de dimanche au Mali, a annoncé mardi le ministre de l'Administration territoriale, le colonel Moussa Sinko Coulibaly. «Après le dépouillement d'un tiers des bulletins de vote, un candidat, Ibrahim Boubacar Keïta, dispose d'une large avance sur les autres candidats», a dit le ministre à la presse. «S'il maintient (cette avance), il n'y aura pas besoin de second tour». L'officier, dont le ministère était chargé d'organiser la consultation, a refusé de donner des chiffres précis aux journalistes mais a indiqué que les résultats portant sur un tiers des bulletins déjà dépouillés reflétaient le vote à travers le pays et avaient été certifiés par la commission électorale. Les adversaires de Boubacar Keïta ont immédiatement rejeté ces résultats partiels et ont appelé à la démission du ministre chargé de l'organisation du scrutin. Ils ont également souhaité l'instauration d'une commission internationale pour procéder au dépouillement dans l'hypothèse de la tenue d'un second tour. Un porte-parole de l'ex-ministre des Finances Soumaila Cissé, qui arriverait en deuxième position selon les estimations, a qualifié de «scandaleuse» l'annonce faite mardi soir. «Nous rejetons simplement les projections qui ont été annoncées par le ministre. Nous appelons le ministre à démissionner et à l'établissement d'une commission internationale pour compter les voix», a dit le porte-parole. Il a également mis en doute le fait que le ministre ait pu fournir une projection en se fondant sur un tiers des bulletins alors que la commission électorale, à laquelle participent des représentants de tous les camps, n'a compté que 12% des voix pour l'instant. Le scrutin a connu une forte participation (53,3% pour le moment, soit bien supérieur au chiffre record de 40%) et n'a pas été entaché, comme le redoutaient certains au vu de la situation sécuritaire, par des incidents majeurs. BONNE TENUE DU SCRUTIN Les observateurs ont, dans leur majorité, salué la bonne tenue de cette consultation voulue avec insistance par la France, l'ancienne puissance coloniale. Toutefois, l'annonce officielle des résultats pourrait tendre les relations entre les partisans d'Ibrahim Boubacar Keïta, surnommé par ses initiales IBK par ses compatriotes, et ses rivaux. Ces derniers ont d'ores et déjà prévenu qu'ils contesteraient les résultats en cas d'absence de second tour. IBK était le favori du scrutin, organisé six mois après l'intervention militaire de la France pour chasser des rebelles islamistes et touaregs du nord du Mali. Un porte-parole de l'autre favori, l'ancien des ministre des Finances Soumaïla Cissé, arrivé en seconde position d'après le ministre de l'Administration territoriale, a vivement critiqué l'annonce des autorités. «C'est scandaleux. Un ministre, lorsqu'il évoque les résultats de l'élection, se doit de fournir les chiffres et les pourcentages de chacun des candidats», s'est insurgé Amadou Koita. Quelques minutes après l'annonce du résultat, des partisans d'Ibrahim Boubacar Keïta ont sillonné des rues de la capitale en hurlant «IBK, IBK!» à bord de voitures qui klaxonnaient. «Il appartient à M. Cissé de faire la preuve de ce qu'il avance en utilisant les canaux légaux existants», a réagi Louis Michel, ancien ministre belge qui préside la mission d'observateurs de l'Union européenne au Mali. «Les imperfections (du scrutin) auront des répercussions aussi bien sur les vainqueurs que sur les perdants». Il a ajouté devant Reuters: «A mon avis et au jour d'aujourd'hui, les problèmes dont on nous a parlés n'auront pas d'impact sur la légitimité du processus (électoral)».