Il y a un proverbe marocain qui, traduit approximativement, stipulerait que « quand les buffles s'amusent les coquelicots en pâtissent ». Un adage qui ressemble beaucoup au bras de fer entre deux des mastodontes du système judiciaire, en l'occurrence le ministre de la Justice et des libertés et chef du parquet, d'une part et l'Association des barreaux du Maroc de l'autre. Cette dernière (L'ABM) refuse un décret de notre garde des sceaux relatif à l'assistance judiciaire. Ramid persiste, l'ABM décide de boycotter la procédure d'assistance judiciaire. Le ministre ne flanche pas et intime aux procureurs généraux du Royaume de demander aux juges à statuer sur les procès sujets à assistance judiciaire. (Venant de la part d'un avocat, la question prête à étonnement). Les coquelicots dans ce duel judiciaire sont bien sûr les citoyens justiciables démunis, pour qui l'assistance judiciaire est indispensable au même degré que le « Ramed » en ce qui concerne leur santé. Car sans assistance judiciaire, point d'avocat (au frais du contribuable) et en conséquent point de procès « équilibré » pour ne pas dire équitable. Sans assistance judiciaire, le citoyen justiciable démunis serait jeté, impuissant, en pâture à la verve «diatribale» des représentants des parquets, sans pouvoir se défendre. Se dirigerait-on alors vers un système judiciaire à deux vitesses ? Une justice pour ceux qui peuvent s'affranchir des honoraires des cabinets d'avocats et une justice pour ceux qui n'en ont pas les moyens et qui risquent aujourd'hui, si le bras de fer se prolonge entre Ramid et l'ABM de ne pouvoir même pas bénéficier d'une assistance judiciaire avec le risque d'en payer lourdement les conséquences ? On a déjà (et on s'y est habitué) un système d'enseignement à deux vitesses. Le publique avec ses déboires pour les Marocains sans moyens et le privé pour ceux qui peuvent offrir à leur progéniture une formation balisée pour leur avenir. On a déjà aussi (et on s'y est habitué par la force des choses) une santé à deux voies. Privée pour les nantis et publique pour les autres. Mais de là à appréhender un système judiciaire bipolaire, avec ce qu'il comporte comme risque discriminatoire, il ya de quoi trembler pour de nombreux Marocains. Déjà, nombreux sont ceux qui croupissent en une détention provisoire qui s'éternise pour non assistance judiciaire et qui risquent d'être encore plus en danger si les procès commencent à se dérouler sans assistance...