Après avoir affronté toute la nuit des groupes de manifestants, la police turque est parvenue mercredi matin à reprendre le contrôle de la place Taksim, berceau depuis deux semaines du mouvement antigouvernemental turc dans le centre d'Istanbul. Tayyip Erdogan a accepté de rencontrer dans la journée certains représentants de la contestation, qui rassemble laïques, extrême gauche, libéraux, écologistes, étudiants, et divise le pays. A l'aube, la place, jonchée des débris des barricades écrasées par les bulldozers, était presque totalement déserte et rouverte pour la première fois aux taxis. Des centaines de protestataires campaient toujours dans le parc Gezi jouxtant la place. Inflexible depuis le début des troubles il y a deux semaines, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a accepté de rencontrer dans la journée certains représentants de la contestation, qui rassemble laïques, extrême gauche, libéraux, écologistes, étudiants, et divise le pays. Mais l'un des principaux groupes à l'origine du mouvement, Plateforme Solidarité Taksim, dit ne pas avoir été invité et refuse en outre de dialoguer «tant que la violence se poursuit». Après une première intervention mardi à l'aube qui a permis de dégager une grande partie de la place, la police anti-émeute avait tenté à plusieurs reprises de repousser les derniers milliers de manifestants, avec le soutien de véhicules blindés et de canons à eau. Elle était encore intervenue à la tombée du jour en tirant sans prévenir des cartouches de gaz lacrymogène sur une foule hétérogène d'employés venus après leur travail, de parents avec leurs enfants et de jeunes gens cagoulés, en première ligne des échauffourées depuis le matin. Dans la nuit, pendant que des employés municipaux dégageaient des épaves de véhicules à l'aide de bulldozers, des groupes de manifestants continuaient de défier les policiers dans les rues étroites descendant jusqu'au Bosphore, tirant épisodiquement des fusées d'artifice. «Nous allons poursuivre nos actions de manière inlassable, que ce soit le jour ou la nuit, jusqu'à ce que les éléments marginaux soient chassés et que la place soit rouverte au peuple», a prévenu le gouverneur d'Istanbul, Huseyin Avni Mutlu, lors d'une brève déclaration télévisée en début de soirée. Les forces de l'ordre sont également intervenues dans la capitale Ankara au moyen de canons à eau. Les autorités disent qu'elles ne s'en prendront pas pour l'heure aux manifestants «légitimes» qui campent dans le parc Gezi pour protester contre un vaste projet immobilier défendu par le gouvernement. S'estimant légitimé par les trois victoires successives de l'AKP dans les urnes en 2002, 2007 et 2011, le Premier ministre islamo-conservateur, à qui les manifestants reprochent une dérive autoritaire, juge le mouvement manipulé par des vandales, des terroristes et des «forces étrangères». Ces troubles ternissent l'image d'une Turquie démocratique et ouverte à l'économie de marché que l'AKP s'emploie à donner au monde depuis une décennie. La Bourse d'Istanbul a perdu plus de 11% depuis les premières manifestations. Les Etats-Unis se sont dits préoccupés par les risques d'atteinte à la liberté d'expression, appelant au dialogue entre gouvernement et manifestants. L'association médicale de Turquie dit avoir comptabilisé, à la date de lundi soir, depuis le début des troubles près de 5.000 blessés dans les hôpitaux et dispensaires pour des coupures, des brûlures, des problèmes respiratoires dus à l'inhalation de gaz lacrymogène. Trois personnes sont décédées, un manifestant renversé par un taxi, un autre tué par balle à Antakya, près de la frontière syrienne, et un policier qui a chuté d'un pont en pourchassant des protestataires.