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L'antagonisme laïco-islamiste ressurgit sur la scène politique en Turquie : Les manifestants réinvestissent Taksim, la police intervient dans un autre quartier istambouliote au 5ème jour des manifs
Le Parti turc de la Justice et de Développement (AKP) fait face depuis cinq jours à un mouvement de protestation sans précédent mené notamment par des jeunes qui considèrent les politiques du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan et de son gouvernement comme une atteinte à la laïcité de l'Etat, une des constantes de la Turquie moderne. Tout a commencé par un petit sit-in d'une poignée de militants associatifs, qui protestaient contre l'abattage d'arbres d'un parc de la place Taksim, en plein centre d'Istanbul, dans le cadre d'un projet urbanistique, prévoyant notamment la construction d'un centre commercial, qui a dégénéré, suite à une intervention musclée des forces de l'ordre, en un mouvement de contestation général contre le gouvernement et ses politiques jugées trop conservatrices et menaçant les valeurs de la laïcité partagées par la société turque. Les Laïcs voient dans ce projet la poursuite des politiques d'Erdogan visant à «islamiser» la société turque. Les nombreux acquis réalisés par le gouvernement de l'AKP, depuis son arrivée au pouvoir en 2002, notamment sur les plans économique et social, n'étaient pas suffisants pour permettre au Parti d'Erdogan d'imposer son modèle de gouvernement. En effet, depuis l'avènement de l'AKP, le Produit intérieur brut (PIB) de la Turquie est passé de 200 milliards de dollars à environ 800 milliards, et le revenu annuel par habitant a plus que triplé passant de 3.000 dollars à plus de 10.000 dollars, entrainant une amélioration du niveau de vie des Turcs. Mohamed Darif, professeur des sciences politiques et spécialistes des mouvements islamistes, a indiqué qu'''il y a un sentiment que la réussite économique de la Turquie va permettre la consécration de la légitimité des islamistes pour imposer leurs choix et leur culture''. Le mouvement de protestation en cours en Turquie a une apparence politique, bien qu'il s'agisse dans le fond d'un problème culturel, a souligné dans une déclaration à la MAP, Mohamed Darif, qui a fait état de l'existence en Turquie d'une classe sociale moderniste qui défend âprement les acquis laïcs et craint que l'AKP n'exploite sa suprématie pour imposer ses choix au peuple turc. L'expert marocain n'a pas écarté, par ailleurs, le possible lien entre ce qui se passe en Turquie actuellement et les mouvements sociaux qui ont traversé la région lors des deux dernières années, précisant qu'il est difficile de dissocier les manifestations en Turquie de la situation en Syrie voisine, dans la mesure où il y a des interactions ethniques et de courants entre certains composantes en Syrie et en Turquie, notamment les alévis qui ont un prolongement en Turquie. La région, a-t-il noté, connait une lutte entre les symboles chiites et sunnites, précisant que la Turquie s'est proposée comme défenseur des sunnites, allusion faite à la possibilité de l'intervention de certains pays étrangers pour raviver les tensions en Turquie. Entre ceux qui expliquent les manifestations en Turquie par des facteurs internes et d'autres qui privilégient les causes régionales, il y a une troisième voie qui laisse croire que ces manifestations, dont fait face le parti d'Erdogan, est un indice sur l'échec du modèle islamique au pouvoir, que l'AKP a voulu réussir. Cet ‘'échec'' pourrait ouvrir la voie à de nouvelles vagues de protestation dans le monde arabe, notamment dans les pays où le printemps arabe a porté au pouvoir des gouvernements islamistes, a estimé Darif. Manar Selimi, professeur en sciences politiques, partage ce point de vue et estime que les protestations en cours en Turquie est «le début d'un nouveau printemps contre les partis islamistes». Il a précisé que les Turcs sont maintenant conscients que malgré le progrès et la prospérité économique, réalisé par l'AKP, il y a un sentiment de régression sur le plan des droits de l'homme et des libertés. «Le modèle AKP en Turquie a atteint ses limites, dans la mesure où il n'a pas pu concilier entre l'action politique et sa référence islamiste, ce qui l'a fait entrer en friction avec les défenseurs des libertés et les jeunes turcs, et ce malgré la théorie du complot du Parti républicain du peuple (CHP), principale formation de l'opposition, prêchée par le Premier ministre turc», a dit Manar Selimi. Le modèle turc qui propose le progrès économique contre un minimum de liberté a fait entrer l'AKP dans un conflit avec l'histoire, les libertés et les jeunes qui ont d'autres griefs, a-t-il ajouté. Rappelons que la Turquie vit depuis quelques jours au rythme de manifestations suivies d'interventions musclés des forces de l'ordre qui ont fait des centaines de blessés à Istanbul et Ankara notamment, selon les organisations de défense des droits de l'Homme et les syndicats de médecins. Les autorités de leur part ont fait état de 58 civils et 115 policiers blessés pendant les 235 manifestations recensées entre mardi dernier et dimanche dans 67 villes. Les manifestants turcs ont investi à nouveau par milliers la place mythique de Taksim au centre d'Istanbul, au cinquième jour d'un mouvement de protestation général sans précédent contre le gouvernement turc, alors que les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser une manifestation à Besiktas, un autre quartier chaud de la mégalopole turque. Les forces de l'ordre se sont retirées samedi dernier de la place Taksim sous la pression de la rue, laissant la voie libre aux protestants qui viennent, munis de drapeaux et de sifflets, manifester leur colère contre le gouvernement, conduit depuis 2002 par le Parti de la Justice et de Développement (AKP), de tendance islamiste. En même temps, les forces de police sont intervenues lundi soir pour disperser la foule dans l'autre quartier chaud d'Istanbul, Besiktas, qui abrite les bureaux du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Les forces de police ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser de centaines de manifestants qui s'approchaient des bureaux du chef du gouvernement, selon des images télévisées. La situation reste également vive dans la Capitale Ankara où les forces de police ont violemment dispersé ce lundi des manifestants, qui ont investi la place Kizilay dans le centre-ville, à coup de gaz lacrymogène et de canons à eau.