Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté, samedi 14 avril, à Ankara contre une éventuelle candidature à l'élection présidentielle du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. À mesure que l'élection présidentielle, prévue au mois mai, approche, les milieux laïcs turcs multiplient les démonstrations de force pour dissuader le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qu'ils accusent de vouloir islamiser le pays, de se présenter. Pour les organisateurs, ils étaient un million, pour la police, 300.000 à 400.000 personnes. La vérité est comprise entre les deux. Cependant, une chose est sûre : ils étaient nombreux à manifester, samedi 14 avril, à Ankara contre une éventuelle candidature de Recep Tayyip Erdogan à la présidence de la république. «La Turquie est laïque et restera laïque», proclamaient les manifestants en brandissant le portrait d'Atatürk, l'artisan de la laïcisation de la Turquie musulmane en 1923. La division nette entre religion et Etat, voulue par Atatürk, est encore soutenue par une élite à laquelle appartiennent de hauts gradés militaires ainsi que plusieurs magistrats. En Turquie, le chef de l'Etat est élu par le Parlement, où l'AKP, le Parti de la justice et du développement de M. Erdogan jouit d'une confortable majorité. Ce parti est ainsi en mesure d'imposer ses choix, d'où les fortes pressions pour la nomination d'un candidat de compromis sans lien avec la mouvance religieuse. Les partisans de la laïcité se déclarent alarmés par les efforts d' AKP pour réintroduire le foulard pour les femmes, pour libéraliser l'enseignement religieux, pour interdire l'alcool dans certaines municipalités et pour nommer à de nombreux postes des responsables à tendances religieuses. La presse restait dubitative dimanche, même si elle qualifiait en général la manifestation d'historique. «Le réveil national - Le plus grand meeting de l'histoire de la République a eu lieu à Ankara», titrait en «Une» le quotidien Cumhuriyet, proche des milieux prolaïcs. «Ce dernier meeting, les derniers avertissements de notre président (Sezer) seront-ils suffisants pour ceux qui comme RTE (Erdogan) et ses cadres voient et utilisent la démocratie et la nation comme des moyens pour atteindre leurs propres fins ? Nous verrons», écrivait l'éditorialiste du journal. Pour le quotidien à grand tirage Hürriyet, les pressions pourraient s'avérer contre-productives. «Il n'est pas facile pour Tayyip Erdogan après (la manifestation) de renoncer (à la présidence). Parce qu'abandonner Cankaya (le quartier où siège la présidence) sera considéré comme une reddition politique», estimait Hürriyet. M. Erdogan a fait ses classes politiques au sein de la mouvance islamiste, mais se définit comme un «démocrate conservateur» ; une conversion qui n'a pas convaincu les milieux laïcs. Il a réagi à la manifestation de samedi en se félicitant de ce qu'elle n'ait donné lieu à aucun heurt, mais sans révéler ses intentions. Le dépôt officiel des candidatures débute ce lundi. Les élections doivent se tenir au début mai. Recep Tayyip Erdogan n'a pas encore dit s'il allait se présenter ou pas. Toutefois, selon certains sondages, l'actuel Premier ministre jouit actuellement d'une grande popularité.