Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a finalement renoncé à se présenter à la magistrature suprême au profit de son bras droit, le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül. C'est finalement Abdullah Gül, l'actuel ministre des Affaires étrangères et non le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui a été désigné par le Parti de la justice et du développement (AKP) pour briguer le poste suprême. «Mon frère, avec lequel nous avons créé ce mouvement, est apparu comme le candidat de notre parti pour devenir le 11e président de la République de Turquie à l'issue de nos consultations», a annoncé, mardi 24 avril, Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours devant son groupe parlementaire. M. Erdogan, dont les milieux laïcs se sont opposés à ce qu'il brigue la magistrature suprême, craignant il n'islamise le pays une fois à la tête de l'Etat, a ainsi mis fin à des semaines de conjectures sur ses propres ambitions présidentielles. Abdullah Gül, âgé de 56 ans, est un diplomate qui a été brièvement à la tête du gouvernement en 2003 alors que M. Erdogan, accusé de sédition islamiste, avait dû se retirer provisoirement de la politique. Il est l'architecte des négociations d'adhésion ouvertes avec l'Union européenne et prône la compatibilité entre Islam et démocratie en Turquie. Tout comme M. Erdogan, ses opposants lui reprochent d'avoir fréquenté des partis islamistes interdits depuis, des accusations que M. Gül rejette en bloc. L'élection du futur président turc, élu au suffrage indirect par le Parlement, aura lieu vendredi prochain. Une majorité des deux tiers du Parlement, soit 367 voix, est nécessaire pour accéder à la présidence de l'Etat. Détenant la majorité au Parlement, l'AKP est ainsi en mesure d'imposer ses choix. Si le régime parlementaire en vigueur en Turquie accorde plus de pouvoir au Premier ministre, le président dispose de prérogatives essentielles telles qu'un droit de veto des lois et un pouvoir de nomination (notamment dans la magistrature). Contraint à l'impartialité par la Constitution, il incarne, en outre, un fort magistère moral. Les milieux laïcs ont multiplié les pressions, ces dernières semaines, pour la nomination d'un candidat de compromis sans lien avec la mouvance religieuse. Les partisans de la laïcité se déclarent alarmés par les efforts du Parti au pouvoir pour islamiser le pays. En Turquie, la laïcité est soutenue par une élite à laquelle appartiennent de hauts gradés militaires mais aussi plusieurs magistrats. La puissante armée turque a fait connaître clairement son souhait qu'Erdogan renonce à se présenter et des centaines de milliers de personnes - plus d'un million selon les organisateurs - ont défilé samedi dans les rues d'Ankara pour exprimer leur refus de le voir accéder à la présidence. Le chef de l'état-major, le général Yasar Buyukanit a souligné la semaine dernière que le futur président turc devrait maintenir l'héritage du père de la Turquie moderne. Interrompu plusieurs fois par les ovations des députés et des spectateurs, proches de l'AKP, M. Erdogan a assuré que M. Gül serait un président "impartial" et respectueux des principes concernant la modernisation de la Turquie, établis par le père fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk.