Des experts américains et internationaux réunis dans le cadre d'une conférence, mercredi à Washington, ont souligné la collusion existant entre des éléments du «polisario» et Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), groupe terroriste qui s'appuie sur une base de militants et de recrues pour mettre en œuvre ses visées déstabilisatrices dans la région sahélo-saharienne, devenue un «arc d'instabilité». Cette conférence, organisée au siège du Think-Tank américain «Carnegie Endowment for International Peace», a été marquée par la présentation du nouvel ouvrage intitulé «Perilous Desert : Insecurity in the Sahara» (Désert périlleux: instabilité au Sahara), édité par ce prestigieux centre de réflexion et cosigné par Frederic Wehrey et Anouar Boukhars, deux experts de l'Afrique du Nord et des questions de sécurité. Intervenant à cette occasion, Christophe Boutin, expert français et professeur agrégé à l'Université de Caen, a fait observer que de nombreux médias français et internationaux ont récemment évoqué l'implication de combattants du «polisario» dans le conflit armé au Mali, où ces éléments séparatistes sont allés prêter main forte aux groupes rebelles islamistes liés à Al-Qaida, qui occupaient le nord du Mali. M. Boutin a également relevé l'implication d'éléments du «polisario» dans les trafics de tout genre dans le No Man's Land sahélo-saharien, en soulignant que les camps de Tindouf, qui n'offrent aucune perspective d'un avenir meilleur pour la jeunesse Sahraouie, constituent ainsi un terrain fertile pour les recruteurs islamistes d'Al-Qaida. Et de rappeler, à cet égard, les inquiétudes formulées par le groupe des amis du Sahara et le Secrétaire général des Nations-Unies concernant les répercussions de la crise au Mali sur la situation sécuritaire dans la région et l'infiltration des camps de Tindouf par les groupes terroristes, au risque de menacer la sécurité des membres de la Minurso. «Par conséquent, on ne peut qu'être d'accord avec le Secrétaire général de l'ONU, pour qui la montée de l'instabilité dans la région nous interpelle quant à la résolution rapide du conflit du Sahara», a souligné Christophe Boutin, qui a aussi mis en avant la «place centrale» du Maroc et son leadership dans le maintien de la paix et la stabilité régionale. De son côté, Rudolph Atallah, membre éminent du Centre Michael Ansari pour l'Afrique relevant du Think-Tank américain «Atlantic Council», a également fait état de l'implication d'éléments du «polisario» dans les affrontements armés au Mali, notamment dans la prise et le contrôle de Tombouctou par les groupes islamistes, dont celui d'Ansar Edine, responsable de la destruction de sites du patrimoine culturel et religieux maliens dans cette ville mythique. M. Atallah avait mis en garde, lors d'une audition mardi devant les sous comités de la commission des Affaires étrangères de la chambre basse du Congrès américain, contre la collusion de plus en plus avérée entre le «polisario» et les organisations criminelles s'activant dans un triangle géographique comprenant l'Algérie, la Mauritanie et le Mali. Il a aussi souligné que dans une région de plus en plus volatile sous l'effet de la menace terroriste aux implications néfastes pour la sécurité de la communauté internationale, le Maroc se distingue en tant que «modèle de réformes, de progrès et de lutte anti-terroriste». Dans l'ouvrage présenté par «Carnegie Endowment for International Peace», Frederic Wehrey et Anouar Boukhars pointent du doigt «l'implication à grande échelle» d'AQMI et ses alliés dans les activités terroristes et le trafic de tout genre dans la région sahélo-saharienne y compris en Libye, Mali, Mauritanie et dans les camps de Tindouf, au sud-ouest de l'Algérie, qualifiés de «poudrière prête à exploser». Les auteurs de ce livre notent qu'»au moment où l'attention de la communauté internationale était focalisée sur les événements de grande ampleur qui secouaient la Tunisie, l'Egypte et la Libye dans le sillage du Printemps arabe, les Etats de la sous-région subissaient des transformations aux implications capitales sur la sécurité internationale». Bien que largement «ignorés» par les décideurs et les prescripteurs d'opinion, les Etats de la région sahélo-saharienne ont fait les frais d'un «désastre parfait» né d'une gouvernance défaillante, d'une corruption et d'une pauvreté endémiques le tout dans un contexte de clivage ethnique et social, qui a fait le lit, dans une géographie inaccessible, au crime transnational et au militantisme islamiste, soulignent-ils. L'ouvrage fait observer que les attaques terroristes hyper-médiatisées y compris celle ayant pris pour cible l'ambassadeur des Etats Unis en Libye, Chris Stevens, ainsi que l'intervention militaire française au Mali, suivie de l'opération de prise d'otages dans le complexe gazier d'In Amenas, au sud de l'Algérie, renseignent sur «l'ouverture d'un nouveau front de lutte contre Al-Qaeda, que certains avaient qualifié «d'arc d'instabilité couvrant un ensemble géographique allant du Sahara à la Somalie en passant par le nord de l'Afrique jusqu'au Sinaï». Les auteurs de cet ouvrage soulignent que la franchise d'Al-Qaeda en Afrique du nord «se nourrit des frustrations et de la désaffection des jeunes des camps de Tindouf, mais aussi au Mali, Libye, Niger, Mauritanie et en Algérie», en estimant qu'il s'agit là de facteurs qui minent la stabilité et la sécurité dans la région. Dans un chapitre actualisé sur la question du Sahara, Anouar Boukhars écrit que «la non résolution de ce conflit aura un impact négatif sur la sécurité transsaharienne, notamment dans les camps de Tindouf, devenus un repaire pour le trafic de drogue, la contrebande et la circulation des armes». «Il existe des preuves irréfutables attestant d'une collusion périlleuse entre les organisations criminelles, AQMI, et les camps de Tindouf», soutient-il, en rappelant «qu'en février dernier, le ministre malien des Affaires étrangères avait confirmé la présence d'éléments du polisario parmi les groupes terroristes ayant fui l'armée française au Mali». En conclusion de cet ouvrage, les deux auteurs notent que «les Etats fragiles en faillite constituent une menace à la sécurité internationale, car ils peuvent être amenés à mettre à disposition des camps d'entrainement et des bases arrières au profit d'Al-Qaeda et des groupes terroristes qui s'en réclament, tout en offrant aux extrémistes violents un environnement générateurs de profits à travers le trafic illicite».