Le Forum de la culture à Casablanca (ex. Cathédrale Sacré Cœur) abrite jusqu'au 31 mars 2013 la deuxième édition du Salon National d'art Contemporain. Placée sous le signe : « fête de la création », cette manifestation créative est initiée par l'Association Nationale des Arts Plastiques et organisée par Sud Events avec le soutien de la Wilaya du Grand Casablanca et en partenariat avec le ministère de la culture, le Conseil de la Ville, la Région du Casablanca et d'autres partenaires publics et privés. Cet événement de grande ampleur au Maroc a accordé une priorité au dialogue des artistes plasticiens de talent, toute tendance artistique confondue : figuration et nouvelle figuration, sculpture, installation, abstraction, art brut, expressionnisme, art conceptuel... Par rapport à la sculpture moderne et à l'installation post moderne, les artistes exposants (Abdellatif Zine, Khalid Atlas, Khalid Bayi, Abdeljalil Benlassal, Saad Bouhmala, Moustafa Boumazzough, Aziz Jaouad, Hafid Taqouraite et Oumar Youssoufi) se soucient davantage de créer de nouvelles structures visuelles pour communiquer leurs histoires, réelles ou imaginaires, comme leurs expériences. Le point de départ n'est plus la matière et la technique de l'installation ou de la sculpture, mais un concept, une idée ou une histoire qui sera ensuite matérialisée. Jusqu'à un certain point, on peut même dire que l'originalité du geste artistique est portée par l'originalité des constructions hybrides qui peuvent impliquer des matériaux et des organisations spatiales très divers. Conscient que le monde est fait d'histoires et qu'un événement artistique digne de ce nom doit surtout témoigner de son temps, Abdellatif Zine, président de l'Association Nationale des Arts Plastiques et du Salon, nous fait voir les grands tournants de sa carrière artistique. Considéré comme faisant partie des précurseurs, Zine a tout au long de sa carrière défendu l'authenticité et la marocanité de son œuvre. Certes, il a connu plusieurs styles et tendances notamment lors de son passage à Paris dans les années 60, mais il s'est toujours refusé à verser dans le côté folklorique des choses et dans les vagues qui vantaient des styles tout à fait étrangers à notre culture et notre civilisation. Une mise en scène des traces de l'expérience Trans'art( événement artistique de portée mondiale) ou les sons de la musique gnaouie en peinture à partir de l'inspiration de l'instant. C'était, en quelque sorte, une écriture picturale de la partition gnaouie. Cette expérience a connu énormément de succès et a été très médiatisée aussi bien au Maroc qu'à l'étranger. Commentant « Trans'art », Pierre Restany, célèbre critique d'art français disait : « Ce qui m'a beaucoup frappé dans la démarche de Zine, c'est ces rituels de la transe, ces rituels de l'empreinte humaine sont en quelque sorte immémoriaux (...) et en même temps, ils viennent se greffer sur des recherches extrêmement modernes. Et c'est en cela que l'on peut parler, plus encore de la modernité, de la « post-modernité » de Zine. Sur ce même registre, Zine a tenté une autre expérience avec la musique de jazz dans « Colors of jazz ». Il consistait, comme pour Gnaouas, à transcrire en peinture les sons des instruments. Concernant « Color of jazz », Jean-Marie Tasset écrivait dans Le Figaro, reprenant des propos de Zine : « Les sonorités m'inspirent les couleurs. Je pars du son brut pour donner une calligraphie jazzy (...) les signes que je trace sur le tableau n'ont aucun sens. Ils sont indéchiffrables mais possèdent une charge émotionnelle ». Le Salon nous donne l'occasion également pour apprécier le rendu plastique de l'expérience du sport avec « Sport'art » qui consistait à donner vie à des empreintes et des gestes de sportifs qui ne pouvaient être immortalisés. L'idée était, ainsi, d'immortaliser ces empreintes et ces gestes. Une expérience très réussie avait eu lieu concernant le tennis avec les trois champions marocains, Younès El Aynaoui, Karim Alami et Hicham Arazi. Après, cette expérience a été étendue au vélo et à d'autres disciplines comme le foot et le golf dont la toile baptisée « green de la paix » a été acquise par le Musé d'art moderne de Tokyo Japon. Quant aux artistes Khalid Atlas( vie de la matière brute en œuvre), Khalid Bayi( vie de la lettre sculptée) , Abdeljalil Benlassal( structures insolites), Saad Bouhmala( sculptures conceptuelles défendant la cause de l'environnement), Moustafa Boumazzough( acte qui fait parler le bois), Aziz Jaouad( mise en forme et assemblage), Hafid Taqouraite ( équilibre entre le vide et le plein) et Oumar Youssoufi( sculptures, peintures et sabliers), ils proposent d'explorer les diverses formes de l'art sculptural moderne en mettant l'accent sur leurs compositions originales et en donnant une primauté à la mise en forme de leurs récits visuels et narratifs. Leur acte sculptural n'est pas un acte très codifié et assez fermé. Il fonctionne sur le principe du détournement comme figure rhétorique, en invitant le récepteur à repenser l'œuvre d'art dans sa dimension latente. Dans l'œuvre de ces artistes, la critique relèvera une référence au travail de recherche consistante. Ce qui est valorisé n'est plus l'organisation du visible comme dans l'art classique mais la pulsion, la création et l'action. Les sculpteurs exposants valorisent la fonction créative de l'art par rapport à l'imitation. Ils rendent visible l'activité organisatrice du percevoir et élabore tout un programme métaphorique : le monde transformé par le percevoir. Leur art moderne réagit contre l'imitation qui termine le programme de mise en ordre du visible. Ces talentueux sculpteurs animent le théâtre de la sculpture. Ils renoncent à la théâtralité classique fondée sur la mise en scène perspective et le sujet. Ils cherchent une théâtralité fondée seulement sur la sculpture. D'après une critique comparative, ils cherchent à faire des sculptures qui se contentent de se présenter au spectateur, de les regarder. Ils s'efforcent de faire en sorte que chaque portion de la surface regarde le spectateur en face. C'est ce que les théoriciens appellent le face à face de la sculpture et de ses spectateurs. Cette recherche trouve un support particulièrement adapté dans la sculpture contemporaine. Parce que cette sculpture suppose un objet de regard pour un public avisé. C'est toute la surface qui regarde le spectateur en face : champs interactif reposant sur l'articulation entre la surface et la profondeur. Ils animent la profondeur sur la surface. C'est toute la sculpture qui nous fait face. Ce n'est pas la position de notre regard qui détermine la structure interne de l'œuvre et notre relation avec elle. Une forme de nouvelle sensibilité est née.