Les Etats-Unis ont annoncé jeudi une aide supplémentaire de 60 millions de dollars à l'opposition politique syrienne et, pour la première fois, des aides directes non létales à la rébellion, sans franchir le pas de la livraison d'armes. Peu après, la Coalition nationale de l'opposition a annoncé le report sine die de sa réunion prévue samedi à Istanbul pour désigner un «Premier ministre» pour le futur gouvernement en territoire rebelle, tandis que les rebelles se sont emparés d'une célèbre mosquée dans le centre d'Alep (nord). «Les Etats-Unis vont fournir 60 millions de dollars d'aide non létale pour soutenir les besoins opérationnels» de la Coalition, a déclaré à la presse le secrétaire d'Etat américain John Kerry, en marge d'une conférence internationale à Rome, au côté du chef de la Coalition Ahmed Moaz al-Khatib. «La Coalition de l'opposition peut réussir à mener une transition pacifique, mais elle ne peut pas le faire seule, elle a besoin de davantage d'appui», a plaidé le ministre américain, précisant que l'aide était principalement destinée à administrer les zones récemment libérées en Syrie. Par ailleurs, et pour la première fois, le secrétaire d'Etat a annoncé «qu'il y aura(it) une aide directe, mais non létale, au Conseil suprême militaire» syrien (CSM), qui chapeaute les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) sous forme d'»aide médicale et de nourriture». Il s'agit concrètement de «rations militaires alimentaires et d'aides médicales», selon des diplomates américains. Washington fournissait déjà depuis des mois une aide non létale d'une valeur de 50 millions de dollars (équipements de communication, aide médicale, formations), mais cette assistance était acheminée via l'opposition politique syrienne et des ONG, à l'extérieur du pays. «Nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser ce pays, au coeur du Moyen-Orient, être détruit par des autocrates brutaux ou détourné par des extrémistes», a expliqué M. Kerry. En soutenant la Coalition et l'ASL, «nous rejetons ces deux choix, et nous plaçons aux côtés de ces Syriens qui se battent pour le droit de choisir la dignité, la démocratie et la justice». «Longueur des barbes» M. Khatib a pour sa part rappelé que la rébellion avait besoin d'armes et jugé irrecevable l'arguement de la présence de jihadistes pour les refuser: «Beaucoup de gens, et surtout les médias, font plus attention à la longueur des barbes des combattants qu'à l'effusion du sang des enfants et aux bombardements du régime». Les Etats-Unis ont également débloqué au total depuis près de deux ans 385 millions de dollars d'aide humanitaire pour les Syriens déplacés dans leur pays ou réfugiés dans les pays frontaliers, via les agences internationales et l'ONU. Auparavant, les onze pays de la conférence des «Amis du peuple syrien» avaient promis «plus de soutien politique et matériel à la Coalition (...) et plus d'aide concrète à l'intérieur de la Syrie». A Bruxelles, l'Union européenne a ensuite formellement reconduit pour trois mois le régime de sanctions contre la Syrie et autorisé la fourniture d'équipements non létaux et d'une aide technique à l'opposition pour assurer la protection des civils. A Moscou, le président français François Hollande a évoqué l'hypothèse d'un médiateur «qui pourrait avoir la confiance du régime et de l'opposition syrienne» et a estimé que la France et la Russie avaient «progressé» sur le dossier syrien, même si des divergences subsistaient. Dans l'après-midi, la Coalition a annoncé le report sine die de la réunion prévue en Turquie pour décider de la formation d'un gouvernement chargé d'administrer les zones rebelles. Samir Nachar, membre de la Coalition, a évoqué «une tentative américano-russe pour ouvrir un dialogue entre le régime syrien et la coalition, dont le résultat sera un gouvernement de transition et ceci s'oppose à l'idée de former un gouvernement temporaire de la part de la coalition». Sur le terrain, les violences se sont poursuivies, faisant au moins 82 morts -- 31 civils, 26 soldats et 25 rebelles -- jeudi selon un bilan provisoire de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui s'appuie sur un réseau de militants et de sources médicales. A Alep, les rebelles se sont emparés à l'aube de la mosquée des Omeyyades, joyau historique et hautement symbolique dans le centre de la ville, et à Damas, 12 civils, dont quatre membres d'une même famille, sont morts sous la torture en prison après leur arrestation, selon la même source. A Homs (centre), un attentat à la voiture piégée a fait un mort et 24 blessés dans un quartier alaouite, a rapporté l'agence officielle Sana.