A moins de deux mois du lancement de la vingt-huitième édition du Marathon des Sables, la course à pieds la plus mythique au monde, les pronostics sont plus ouverts que jamais et la course sera certainement l'une des plus palpitantes de ces quinze dernières années... En effet, durant quatorze ans, les frères Ahansal ont exercé leur dominance sur cette épreuve extrême. Lahcen, l'aîné, l'a gagnée dix fois, méritant amplement son titre de Roi du désert. Mohamad, le frère cadet, l'a remporté quatre fois. Il y a deux ans, Rachid El Morabity, un jeune coureur de Zagora, remporta l'épreuve à la surprise générale. Cet étonnant athlète n'était autre que le « Poulain » de Mohamad, et son lieutenant sur la course. L'élève qui dépasse le maître ! Une belle histoire qui malheureusement ne s'est pas répétée en 2012. Rachid, leader incontesté avec une très large avance sur ses poursuivants, fut malheureusement victime d'une fracture du fémur, à 800 mètres de la ligne d'arrivée de la longue étape de 82 kilomètres. Ce dramatique accident permit au coureur Jordanien, Salameh Al Aqra, de prendre la tête de la course et de la garder jusqu'à la ligne d'arrivée finale à Merzouga. Ce fut la première fois en quinze ans qu'un coureur non Marocain gagne l'épreuve. En 2013, c'est la grande inconnue ! Salameh, ayant goûté à la victoire, s'est entraîné spécifiquement pour tenter de réitérer son exploit et s'adjuger une seconde victoire, confirmant ainsi la première. Rachid de son côté s'est bien remis de sa blessure. Il a repris la course, pour se tester, lors de l'Ultra-Trail Atlas Toubkal, en octobre dernier et à remporté l'épreuve du semi-marathon (21 kilomètres). Depuis, il ne cesse de peaufiner son entrainement et surtout son mental et ses stratégies de course. Mohamad Ahansal va peut-être réagir et dire « ça suffit ! », le Marathon des Sables est une affaire de famille ! D'autres coureurs sont en embuscade, tel Aziz Al Akhad, d'Agadir. Cet athlète est un habitué des places d'honneur, il a terminé plusieurs fois second ou troisième. Il attend sans doute son tour, discrètement, sans rien dire... 2013 verra aussi le retour de Samir Akhdar, habitué lui aussi aux places d'honneur, privé de Marathon des Sables en 2012 par manque de sponsor. Impossible donc de faire un pronostic, tant les candidats à la victoire sont nombreux ! Et il est toujours possible que sur les quelques 850 participants, de plus de quinze pays, un nouveau champion se présente au départ et bluffe tout le monde. Quoi que cette course tellement particulière demande une préparation spécifique et une parfaite connaissance du terrain. Les stratégies de course, la préparation du sac, la spécificité de l'autonomie alimentaire, ne se gèrent pas à la légère et sont le fruit d'un long apprentissage. Pour rappel, le Marathon des Sables se déroule dans le Grand Sud Marocain, en plein Sahara. L'épreuve de 250 kilomètres se court en 7 jours, en autonomie alimentaire. Cela veut dire que les coureurs doivent emporter leur nourriture, leurs vêtements de rechange, leur sac de couchage et tout ce dont ils ont besoin pour vivre 7 jours dans le désert. Ils portent tout ce matériel dans leur sac à dos. L'organisation ne fournit que l'eau, matin et soir et à chaque point de contrôle sur la course. Tout ravitaillement en route est totalement prescrit et lourdement sanctionné. Au milieu de la course, une longue étape de 80 kilomètres se déroule sur deux jours. Les plus rapides la finissant en une journée, ils bénéficient donc d'un jour de repos. Alors que les plus lents mettent jusque 36 heures pour couvrir la distance, avec des arrêts repos. Le Marathon des Sables est une course particulière aussi, dans le sens qu'elle se déroule sans spectateurs, ou presque ! En effet, les espaces désertiques traversés ne permettent que très peu de croiser des habitants locaux. Quelques nomades sont aperçus au bord de la piste. Quelques villages sont traversés en début et en fin de parcours. En d'autres temps, mis à part les quelques 400 personnes de l'organisation, peu de monde acclame les coureurs le long du parcours ou sur la ligne d'arrivée des étapes. Un team de quelques 80 journalistes, vidéastes, photographes et autres, de l'organisation ou représentant les grands médias, relayent les infos de course et les images dans le monde entier. Une cinquantaine de médecins, d'infirmières et autre personnel médical veillent à la bonne santé des participants et soignent des milliers d'ampoules aux pieds des coureurs. Quelque fois, il arrive que les pieds soient trop abîmés ou que les organismes aient trop souffert des conditions extrêmes du désert. Déshydratation, épuisement,... L'abandon est alors inéluctable, soit sur ordre des médecins, soit du propre chef du participant. L'année dernière, seuls une cinquantaine de coureurs ont abandonnés. Preuve que ceux qui viennent sur le Marathon des Sables savent ce qu'ils font. Cette course est souvent l'objectif d'une vie d'un coureur d'Ultra-Trail. En tout cas, cette épreuve ne laisse pas indifférent. Derrière tout cela, une grosse organisation, dirigée de main de maître par l'emblématique et le charismatique Patrick Bauer, organisateur et Directeur de course. L'instigateur de cette épreuve en a fait, au bout de 28 ans, un modèle du genre. Une organisation sans faille, qui permet aux participants de partir en toute confiance. Fort de ses soutiens et des liens qu'il a tissés au fil des ans avec les Marocains, le Marathon des Sables bénéficie du Haut Patronage de Sa Majesté Mohamed VI le Roi du Maroc. Un gage de sérénité et de sécurité pour les quelques 1500 personnes qui se retrouvent dans le désert pour une semaine. Le Marathon des Sables c'est aussi la solidarité. Au fil des ans, les aides ses sont faites de plus en plus précises et ce sont structurées. Ainsi, l'Association Solidarité Marathon des Sables gère des projets de développement dans les régions reculées du Grand Sud. Construction d'écoles, adduction d'eau dans des villages reculés, etc,... Sont financés par des donateurs et une partie des recettes générées par le Marathon des Sables. Depuis quelques années, une maison des enfants à été crée à Ouarzazate, permettant aux jeunes défavorisés de pratiquer une activité sportive, sous la conduite de moniteurs de sports. Une section a aussi été mise en place pour l'alphabétisation des femmes. Car une femme éduquée et sachant lire s'occupe mieux ensuite de l'éducation de ses enfants. L'une des monitrices du centre n'est autre que Didi Touda, deux fois vainqueur féminine du Marathon des Sables. Reste un dernier point important, la protection de l'environnement. Tout est fait au niveau de l'organisation pour limiter au maximum l'empreinte écologique du Marathon des Sables et des quelques 1500 personnes qui traversent le désert. Après le démontage du bivouac, aucune trace n'est visible de ce passage. Une équipe spécialisée veille au ramassage de tous les déchets et le moindre papier est collecté. Les bouteilles d'eau, et même les bouchons des bouteilles, portent le numéro de dossard du coureur à qui elle a été donnée. Si une bouteille ou un bouchon est retrouvé dans le désert, le coureur reçoit une pénalité. Les membres de l'organisation reçoivent un cendrier portable, afin de ne pas jeter les mégots dans le désert. L'organisation emmène un four incinérateur à auto combustion, de plus de huit tonnes, monté sur un camion. Tous les déchets sont incinérés et aucune trace ne demeure. Quelques 25000€ sont versés à titre de compensation carbone. Une magnifique épreuve, dont la 28ème édition se déroulera du 5 au 15 Avril Prochain. Rendez-vous dans le désert ! Texte et photos : Marc d'Haenen