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Modèle de développement régional pour les provinces du Sud
La note de cadrage du CESE remise à S.M. le Roi Conjuguer l'ancrage des provinces du Sud dans le référentiel national avec le respect de l'identité de la région
Publié dans L'opinion le 04 - 01 - 2013

La mise en œuvre de la régionalisation avancée dans ces provinces préparera le terrain pour la réussite de l'Initiative marocaine d'autonomie
Sa Majesté le Roi Mohammed VI a reçu mercredi au Palais Royal à Agadir le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), M. Chakib Benmoussa, qui a présenté au Souverain la note de cadrage du modèle de développement économique et social des provinces du Sud, élaborée par le Conseil, indique un communiqué du Cabinet royal.
Cette note de cadrage, précise le communiqué, constitue la première étape dans le processus d'élaboration du nouveau modèle de développement économique et social des provinces du Sud qui sera finalisé par le CESE au mois d'octobre 2013. Ce modèle qui s'inscrira dans le cadre de la régionalisation avancée traitera en profondeur de l'ensemble des thématiques et devra constituer une inflexion majeure conformément aux Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi contenues dans le discours du 6 novembre 2012.
Rappelons que dans ce discours, SM. le Roi avait chargé le CESE de préparer le projet d'un nouveau modèle de développement pour les provinces du Sud et notamment déclaré : « “ Nous réaffirmons notre engagement à mettre en oeuvre la régionalisation avancée, en commençant, en premier lieu, par Nos provinces du Sud, au regard de la possibilité qu'elle offre aux populations de participer à la gestion de leurs affaires locales et de contribuer au développement humain intégré et durable. En plus, elle crée un climat mobilisateur porté par une dynamique sociétale prometteuse favorisant l'émergence de nouvelles élites, notamment parmi les femmes et les jeunes, dans le cadre d'une alternance démocratique ouverte au pouvoir...
“ A cet égard, Nous appelons à l'élaboration d'un modèle de développement régional intégré et rigoureux, s'appliquant à une échelle la plus large possible et visant à créer une synergie et une complémentarité entre les programmes sectoriels. Car il s'agit de relever les différents défis auxquels la région fait face et de favoriser la mise en place d'un système économique régional, qui soit favorable à la croissance et à la création de richesses et générateur d'emplois, notamment au profit des jeunes.
Afin d'assurer les conditions de réussite de ce projet ambitieux, et compte tenu de ce dont dispose le Conseil Economique, Social et Environnemental en termes de compétences, d'attributions et de composition plurielle, il est le plus apte à en assurer la préparation suivant une approche participative permettant la participation des populations concernées et le concours de tous les acteurs nationaux “.
Le Conseil avait mis en place, dans les jours qui ont suivi le discours de Sa Majesté Le Roi, une commission ad hoc et pluridisciplinaire dédiée à l'élaboration du nouveau modèle de développement économique et social des provinces du Sud.
M. Benmoussa a rappelé à cette occasion que le modèle en cours d'élaboration visera l'éclosion d'un système qui favorise un développement économique, social, culturel et environnemental au bénéfice et au service des populations locales concernées.
Le président du Conseil a, par ailleurs, confirmé la détermination du Conseil à faire de ce chantier un exemple abouti en termes d'implication effective des populations concernées et de concertation avec l'ensemble des acteurs, conformément aux Directives Royales.
A l'issue de cette audience, le Président du Conseil a remis à Sa Majesté le Roi, que Dieu l'assiste, un exemplaire de la note de cadrage.
L'audience royale s'est déroulée en présence du chef du gouvernement, M. Abdelilah Benkirane, des Conseillers de SM le Roi, M. Omar Azziman, Mme Zoulikha Nasri, M. Fouad Ali Al Himma et M. Abdellatif Menouni, ainsi que du ministre de l'Intérieur, M. Mohand Laenser.
Insuffler une nouvelle dynamique à la région
La note de cadrage rappelle notamment, en ce qui concerne le mandat du CESE que partant des orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette institution devra préparer une plateforme pour un modèle de développement régional intégré et durable pour les provinces du sud. Ce modèle doit être apte à insuffler une nouvelle dynamique à la région et capable de relever les défis auxquels elle fait face tant sur le plan économique que sur le plan social.
Il doit mettre les citoyennes et les citoyens des provinces du Sud au centre des préoccupations en les impliquant dans les phases de conception et de mise en oeuvre de ce projet. La finalité est de libérer davantage l'esprit d'initiative et les énergies créatives des citoyens pour permettre de tirer profit des atouts du territoire en faveur des populations de la région.
Il doit favoriser la mise en place d'un système économique régional porteur de croissance, créateur de richesse et générateur d'emplois notamment au profit des jeunes et ce en mobilisant toutes les composantes de la société des provinces du sud, en favorisant leur épanouissement et leur bien-être et en favorisant l'intégration dans le respect des particularités culturelles.
Ce modèle concernera les populations résidentes des provinces récupérées mais aussi des autres provinces de la région de Guelmim du fait des liens historiques, des liens sociaux et de la continuité géographique qui en fait une zone de transition. C'est donc les régions administratives de Laâyoune-Boujdour-Sakia Al Hamra, de Oued Eddahab-Lagouira ainsi que celle de Guelmim-Es Smara qui seront considérées parfois toutes ensemble, parfois séparément lorsque les spécificités de chaque région le justifient.
Le travail qui sera mené dans ce cadre se focalisera sur les domaines de compétence du CESE ; à savoir, l'économique, le social, l'environnemental et le culturel, même s'il se permettra d'aborder les autres volets quand il considérera qu'ils sont en relation étroite avec les centres d'intérêt du CESE.
Pour gérer les inflexions majeures, tout en tenant compte des attentes pressantes des populations locales, le CESE propose de travailler sur une vision temporelle réaliste se situant entre 10 et 15 ans.
Les travaux du CESE s'inscriront dans le cadre du projet de régionalisation avancée ; ils contribueront à donner corps sur les plans économique, social, environnemental et culturel à ce projet, dont les contours sont par ailleurs en train d'être définis à l'échelle nationale. En facilitant la concrétisation et la mise en oeuvre de la régionalisation avancée, en premier lieu dans les provinces du Sud, ces travaux pourraient préparer par la même occasion le terrain pour la réussite de l'initiative marocaine d'autonomie, une fois négociée dans le cadre des Nations Unies, rappelle le CESE dans sa note de cadrage.
Les travaux du CESE n'ont pas vocation à se substituer aux acteurs institutionnels en charge de la planification et du développement territorial: Etat/Région/élus locaux/société civile/partenaires sociaux. L'ambition du CESE est de proposer une plateforme qui peut faciliter la mobilisation des acteurs autour d'un projet fédérateur.
Le CESE constituera ainsi une force active de propositions tenant compte de l'opinion des différentes composantes de la population locale et de ses forces vives, de manière objective et indépendante et veillera à la convergence des positions autour des inflexions et des réformes à opérer dans les provinces du Sud.
Un bilan économique et social paradoxal
Le diagnostic préliminaire est le résultat de l'étude documentaire, des premières auditions du CESE et des débats internes à la commission ad' hoc
Depuis 1975, date de la réintégration des provinces du Sud au Royaume, les territoires récupérés ont bénéficié d'un effort national très important d'investissement pour les doter en équipements et infrastructures, pour sécuriser les citoyens qui y résident et leur assurer les services sociaux de base.
Ces efforts se sont articulés autour de trois axes principaux avec l'objectif de concourir à la promotion et au développement des provinces du Sud : Equipements et infrastructures, développement économique, développement social.
Les résultats semblent cependant contrastés et le bilan paradoxal : des infrastructures et des équipements avancés comparativement aux provinces du nord, des niveaux d'accès des populations aux services de base et des indicateurs sociaux qui se situent dans la tranche supérieure de la moyenne nationale mais de réels problèmes de décollage économique et de création de valeurs locales, des problèmes persistants de chômage particulièrement au niveau des jeunes et des femmes, des difficultés de cohésion sociale et d'intégration alimentées par le sentiment d'iniquité qui se traduisent par des tensions sociales.
L'Etat demeure le premier investisseur et employeur dans les provinces du Sud. L'investissement privé et les initiatives individuelles restent insuffisants et ne traduisent pas l'ampleur des efforts consentis par les pouvoirs publics pour leur promotion et leur développement. Malgré le recours à différents dispositifs d'aide au niveau social, les résultats restent en deçà des attentes.
Ce premier constat questionne, sans en préjuger à ce stade, la pertinence, l'efficacité, l'efficience et l'impact des politiques publiques ainsi que les moyens et les voies de leur amélioration.
Le territoire des provinces du Sud est étendu (416 500 km2) ; il représente 59% du territoire national, mais concentre uniquement 3% de la population nationale (946 000 hab.) avec un taux d'urbanisation moyen de 74% atteignant 95% dans les régions Sud. Les contraintes d'ordre climatique sont très présentes. En effet, ce territoire figure parmi les déserts les plus arides de la planète, avec des ressources naturelles limitées (eau, terres arables, ...) et une densité de population faible concentrée sur quelques villes. Ces contraintes influencent le modèle de développement de la région.
Le Maroc saharien est caractérisé aussi par une complémentarité vitale entre nomadisme et monde oasien et une unité culturelle très forte. Il y a lieu de constater une prévalence de la logique tribale dans les territoires, amplifiée par le processus d'identification des populations dans le cadre de la résolution du problème politique et l'absence d'une mixité socio-ethnique inclusive équilibrée.
Sur le plan économique, les régions du Sud ont connu une action publique importante pour le développement du territoire, accélérée par la création de l'Agence de développement des provinces du Sud. En effet, les investissements publics dans ces régions sont très importants et sont classés en troisième position en termes d'investissements par habitant. Le territoire est également classé parmi les trois premiers en termes d'infrastructures et d'équipement.
Le PIB régional (PIBR) est de l'ordre de 20 milliards de dirhams soit un PIBR par habitant de 21 400 MAD contre 19 800 MAD au niveau national, se classant ainsi à la quatrième place.
Néanmoins, il y a lieu de noter l'absence d'un véritable décollage économique. En effet, l'économie de la région est peu diversifiée et reste fortement dépendante de deux secteurs à savoir l'administration publique qui contribue à 36% du PIBR et 27% des emplois posant une question de soutenabilité budgétaire à terme et d'équité territoriale, et la pêche avec 17% du PIBR et 35% des emplois.
Par ailleurs, les entreprises bénéficient, de fait, de l'exonération fiscale de l'IS, de la TVA (sauf sur les intrants) et de taxes locales. Ces dispositions incitatives mises en place pour encourager les investissements n'ont pas atteint leurs objectifs et induisent parfois des comportements contre-productifs.
Le territoire dispose d'indicateurs sociaux parmi les meilleurs du Royaume, en témoigne l'indice régional de développement humain estimé à 0,729 contre 0,672 au niveau national, le taux d'alphabétisation de 63% contre 57% au niveau national et le taux de pauvreté de 6,5% contre 10% au niveau national. De même, les taux d'accès des populations à l'électricité (84% vs 70% nat), l'eau potable (69% vs 55% nat) ou l'assainissement sont parmi les plus élevés du Maroc.
Toutefois, le chômage est au coeur de la problématique de développement des régions du Sud et demeure le principal facteur de tension sociale. En effet, le taux moyen de chômage avoisine les 17%. Il touche inégalement certains segments de la population locale, particulièrement les jeunes sahraouis (29%) et les femmes, notamment ceux avec des niveaux de formation moyens et élevés.
Cette situation est le résultat des aides directes et indirectes dédiées au territoire qui représentent près de 4,6 milliards de dirhams (Promotion Nationale, aide alimentaire, double solde, subventions alimentaires et hydrocarbures, exonérations d'impôts...). Ce dispositif, en l'absence d'un système de filets sociaux, couvre l'ensemble des besoins du territoire et ne cible pas nécessairement les plus nécessiteux.
Insuffisance au niveau de la prise de décision
et de la reddition des comptes
Les trois régions des provinces du Sud couvrent 10 provinces, 87 communes dont 17 sont urbaines.
A l'instar du reste du pays, le processus de décentralisation avance, mais sa traduction dans la réalité se heurte à une série de contraintes et de difficultés qui entravent sa mise en place réelle. Parmi elles: l'insuffisance de compétences qualifiées ; le faible niveau d'encadrement et de capacité de gestion des collectivités locales ; la faiblesse des ressources financières des collectivités territoriales, le manque d'articulation entre les différents niveaux de planification (locale, régionale, nationale) et d'aménagement du territoire ; le degré insuffisant de clarté du processus de décision et de reddition des comptes.
Par ailleurs, la déconcentration reste inaboutie. Les responsables des services extérieurs manquent souvent de motivation (leur affectation au sud est parfois considérée comme une sanction) et de connaissance du contexte particulier des provinces du sud. Ces responsables manquent d'autonomie de gestion et de décision et sont souvent cloisonnés dans des approches sectorielles au détriment d'une approche coordonnée de développement territorial ; ce qui entraîne des surcoûts administratifs et une lenteur dans les prises de décision et dans les délais d'exécution. La gestion locale reste dominée par des considérations d'urgence plutôt que par une vision à moyen et long terme.
Si la création de l'Agence de développement des provinces du sud en 2002 a permis de soutenir l'action de planification territoriale (programme quinquennal 2004-2008 : 7 milliards de dirhams), le renforcement des partenariats entre les acteurs institutionnels (Etat/ région/ province/ commune) et la convergence des efforts de développement de proximité, il n'en reste pas moins que les problèmes de gouvernance demeurent souvent à l'origine de difficultés dans l'exécution de certains projets et dans la faiblesse du développement économique et social.
La société civile connaît un foisonnement mais reste tributaire de l'appui de l'Etat. Elle connaît des expériences intéressantes mais a besoin de soutien et d'un cadre garantissant le respect de son autonomie (régularisation, financement, développement de capacités...) pour la libérer des approches opportunistes ou des manipulations extérieures. Plus indépendante, plus crédible, la société civile pourrait jouer un rôle dans l'émergence d'une élite locale en mesure de favoriser la réussite d'un développement endogène des provinces du sud.
Le contexte géopolitique et la gouvernance des provinces du sud n'ont pas favorisé l'émergence d'une culture partagée du développement de la région ni une implication forte des acteurs concernés ou une cohérence des politiques publiques mises en oeuvre.
Développement des secteurs productifs
Pour ce qui est des produits de la mer : Avec 1500 km de côtes, le littoral du Sud est riche de ressources halieutiques variées et abondantes, assurant 80% des captures nationales et contribuant à 15% du PIBR et 30% d'emplois. La valorisation des produits de la mer, orientée principalement vers la congélation et la farine de poissons et le manque de capacités de transformation sur place, limite les retombées locales. De même, la question de la gestion des licences de pêche hauturière est un sujet récurrent de tension. Par ailleurs, les programmes de pêche côtière destinés aux jeunes et le programme de villages de pêche rencontrent de nombreuses difficultés.
Dans le secteur agricole, le territoire dispose de potentialités réelles (oasis, maraîchage à haute valeur ajoutée, élevage camelin). La superficie agricole utile (SAU) représente 1,20% de la superficie totale des provinces du Sud ; elle se situe en grande partie dans la région de Guelmim-Es-Smara. Malgré une production diversifiée, la contribution du secteur agricole au PIBR ne dépasse pas 2% et ne contribue qu'à hauteur de 5 à 10% à l'emploi. Le défi de la mobilisation des ressources en eau (connaissance des nappes, déssalement) constitue le principal facteur limitant. L'élevage est une activité prédominante dans les provinces du sud. Cette activité concerne aussi bien les camelins et les caprins que les ovins et, dans une moindre mesure, les bovins destinés à l'emploi des jeunes dans la région ; il se trouve confronté à l'absence d'un cadre de valorisation de l'ensemble de la chaine de valeur (aménagement des parcours pastoraux, structuration du tissu d'éleveurs, l'encouragement d'agrégateurs structurés en aval, la modernisation et la création de produits dérivés ainsi que l'adaptation des circuits de distribution et de commercialisation).
Pour ce qui est du tourisme : Les provinces du Sud sont dotées d'un riche patrimoine naturel et culturel important. Le poids économique du tourisme reste encore faible, ne dépassant pas 1,5% du PIBR et 2% d'emplois. Ceci s'explique par plusieurs contraintes notamment la faible promotion, l'insuffisance des dessertes aériennes, leurs coûts jugés élevés et la timidité des entrepreneurs privés dans le développement de produits de niche, dédiés au tourisme saharien / oasien en mettant en valeur les aspects culturels locaux.
Les phosphates demeurent un secteur fortement contributeur à la croissance (6% du PIBR) et à l'emploi (3500 emplois). En dehors des phosphates, les perspectives d'extraction minière paraissent potentiellement intéressantes mais ont besoin d'un plus grand effort de prospection et de connaissance des sous-sols de la région aussi bien de l'Etat que d'acteurs privés (conditionné par une clarification du cadre institutionnel).
Les énergies renouvelables (d'origine éolienne et solaire) constituent une ressource d'avenir. Les questions de financement, de raccordement au réseau national, de qualification des sites potentiels et de formation de ressources humaines qualifiées sont à traiter.
Le commerce a connu une croissance soutenue grâce l'aménagement de nombreuses infrastructures. Il constitue aujourd'hui un secteur majeur de l'économie du territoire en contribuant à 32% du PIBR et 20% d'emplois. Ce secteur reste peu structuré, dominé par l'informel et souffre d'un manque de services logistiques modernes. De même, le manque de visibilité dans l'environnement des affaires, particulièrement en ce qui concerne le foncier et le statut fiscal ainsi que la lourdeur de certaines procédures freinent l'installation d'acteurs nationaux modernes.
En matière d'artisanat : Dans les trois régions du Sud, la richesse des traditions nourrit un artisanat varié à forte composante identitaire et culturelle (tissage, tapisserie, maroquinerie, bijouterie...). Toutefois, des retards persistent encore et sont attribués à l'insuffisance de la formation et de l'accompagnement des artisans, au manque de promotion et d'adaptation aux besoins du marché et de circuits de commercialisation.
Développement des infrastructures
et des secteurs sociaux
En matière d'infrastructures de transport : Les investissements massifs de l'Etat ont permis d'atteindre un niveau d'infrastructure de transport supérieur à la moyenne nationale (même s'il demeure quelques goulots d'étranglement comme la route nationale 1 au niveau de Guelmim ou le projet de port atlantique de Dakhla). Le transport aérien reste toutefois largement insuffisant et constitue un handicap pour la région et son développement.
S'agissant de la politique de l'Eau : Le territoire connait une situation de stress hydrique majeure combinée à des ressources en eau très restreintes ; ces ressources limitées (180 mm3 par an) sont fortement dédiées à l'eau potable (ex. : 63% de la consommation totale dans le bassin saharien vs. 4 à 9% ailleurs). Cette situation entraîne une limitation du potentiel agricole à Dakhla et à Guelmim pour préserver la nappe phréatique profonde en sur-pompage. La résolution de cette situation rencontre des difficultés liées à l'insuffisance du budget dédié à la prospection, au coût élevé de financement des barrages à Guelmim, aux contraintes liées à l'installation d'une station de dessalement.
Le secteur de l'aménagement du territoire et de l'habitat a connu un effort d'investissement massif (3 milliards de dirhams entre 2008 et 2011 consacrés à l'habitat), ayant permis un large mouvement d'urbanisation, principalement dans les villes le long du littoral et la résorption d'une grande partie de l'habitat insalubre (3 villes déclarées sans bidonvilles). Cependant, plusieurs défis subsistent, liés à l'assainissement du foncier, à la politique d'aide pour l'accès au logement et à la mixité des quartiers et à l'existence de plan d'aménagement des villes qui respectent les spécificités culturelles.
Le territoire a bénéficié d'investissements importants en infrastructures de santé (11,4 lits pour 10 000 hab. contre 9,8 au niveau national.). Cela dit, le secteur manque de ressources humaines médicales (4 médecins pour 10 000 habitants contre 6,1 au niveau national) avec un manque de couverture médicale spécialisée ce qui se répercute sur la qualité de services requis et entraîne une dégradation des indicateurs de santé de base.
Le territoire est globalement bien équipé en écoles et en centres de formation professionnelle entraînant une amélioration du taux d'achèvement de la scolarité (56% contre 21% au niveau national).Toutefois, plusieurs facteurs entravent l'efficacité du secteur, à savoir :
- La qualité insuffisante de l'enseignement préscolaire et secondaire due au manque de ressources humaines adaptées et aux problèmes d'orientation des élèves ;
- Le manque d'offre d'enseignement supérieur de qualité limitant l'accès aux études supérieures ;
- L'inadaptation de la formation professionnelle au marché de l'emploi.
Le territoire se trouve au croisement de deux importantes cultures (amazigh et hassanya) ; il dispose d'une identité culturelle forte et unique au Maroc, fruit d'influences africaine, amazigh et arabe. Cependant, les traditions culturelles du territoire sont menacées par la perte des savoir-faire ancestraux et le manque de valorisation du patrimoine culturel vivant (patrimoine oral et immatériel, artisanat, art culinaire) ; la dégradation du patrimoine architectural et archéologique ou le peu de place accordé à la dimension cultuelle dans les projets de développement.
Principes et objectifs fondamentaux
du modèle de développement
Il ressort des premières réflexions de sa Commission ad-hoc, que le CESE pourrait préconiser une réforme progressive mais profonde à la fois des conceptions et des méthodes consacrées au développement des provinces du Sud. Il s'agira de conjuguer l'ancrage de ces provinces dans le référentiel national avec le respect de l'identité de la région. L'objectif serait de faire éclore une économie locale viable et attractive, au moyen d'une gouvernance pleinement respectueuse des droits fondamentaux de ses habitants, garante de leurs libertés individuelles et collectives, et au service de leurs intérêts légitimes.
Les principes fondamentaux affirmés par la Constitution du 1er juillet 2011 constituent un cadre normatif dont la bonne concrétisation représente, en soi, un levier structurant pour une refonte réussie et durable des politiques de développement des régions du Sud. Le rapport du CESE mettra en exergue la signification et formulera des recommandations opérationnalisant les principes constitutionnels ci-après :
- Le Respect et la Promotion des droits humains fondamentaux dans le cadre d'une responsabilité citoyenne (faire de la garantie des Droits de l'homme au sens large un principe fondamental de gouvernance économique et social) dans le cadre d'une responsabilité citoyenne ;
- Le choix de l'économie sociale de marché (un Etat régulateur et stratège, garant du respect des règles du marché et favorisant le développement de l'initiative privée, promotion de la responsabilité sociale des entreprises et des investisseurs en faveur de projets de long terme, et développement des activités de l'économie sociale et solidaire) ;
- Régionalisation élargie, déconcentration, solidarités interrégionales et subsidiarité (responsabiliser les échelons locaux dans la conception et le déploiement des projets de développement, territorialiser les politiques sociales de développement) ;
- Gouvernance : démocratie participative, transparence, reddition des comptes ;
- Développement durable (ériger en levier stratégique de développement la protection du milieu naturel, l'exploitation raisonnée des ressources hydriques et halieutiques, et le développement des énergies éoliennes et solaires).
Le CESE a adopté en novembre 2011 une Charte sociale définissant les fondements d'un nouveau pacte de cohésion sociale et de croissance économique, en appui sur un référentiel de principes et d'objectifs tirés des normes publiques universelles (cette importante réalisation résulte des Hautes instructions que SM le Roi a adressées au CESE le 21 février 2011). Ce référentiel comporte 94 objectifs précis et réalistes, assortis de 250 indicateurs permettant d'en mesurer la matérialité et les progrès. La concrétisation durable de ces objectifs devrait permettre à la fois de dynamiser le développement des Provinces du Sud et d'en conformer les processus et les bénéfices pour les habitants avec les normes publiques universelles relatives aux Droits humains fondamentaux. Le rapport du CESE mettra en exergue la signification opérationnelle de cette Charte pour les provinces du Sud, et formulera des recommandations précises ordonnées autour des six champs d'action suivants :
- Garantir l'accès aux droits et aux services essentiels, et promouvoir le bien-être social ;
- Développer les savoirs, la formation et la culture ;
- Prévenir la marginalité et promouvoir l'inclusion et les solidarités ;
- Améliorer le dialogue social, le dialogue civil et les partenariats pour le progrès ;
- Protéger l'environnement et impulser l'économie verte ;
- Consolider la gouvernance responsable, la sécurité économique, encourager l'initiative privée et consacrer la démocratie sociale.
Impliquer les populations locales dans le cadrage du modèlede développement
Le CESE poursuivra l'audition des acteurs économiques et sociaux, et recueillera leurs points de vue, de même qu'il passera en revue les travaux experts consacrés à l'économie des provinces du Sud et à la problématique de leur développement. Il formulera des préconisations sur les équilibres à construire entre les exigences que requiert un modèle de développement appuyé, d'une part, sur des ressources et des dynamiques endogènes et, d'autre part, sur le concours de la puissance publique, ainsi que l'articulation avec les autres provinces du Royaume comme, à terme, avec le sous-ensemble régional du grand Nord-Ouest Africain. L'ambition légitime du pays pouvant être de faire de ses provinces du Sud, en conformité avec leur Histoire, un trait d'union avec l'Afrique et un pôle régional de coopération, de prospérité et de paix.
Le cadrage du modèle de développement doit refléter les choix essentiels des acteurs concernés et l'équilibre à trouver entre des approches et des ambitions différentes. Parmi les paramètres de cadrage identifiés, le CESE cite :
- l'intégration nationale forte au niveau des stratégies sectorielles ou application des règles de subsidiarité pour tenir compte d'un développement plus adapté aux besoins de la région.
- la normalisation des règles de gouvernance (statut fiscal, aides sociales, incitations économiques) ou approche régionalisée qui tient compte de l'histoire et du contexte géopolitique de la région.
- le développement tiré par l'économie sociale et solidaire ou par les grands projets et l'investissement extérieur. L'intensité du développement économique souhaité (objectifs de croissance, nature des secteurs à impulser, contenu des emplois à créer) a des implications sur le modèle de société et l'émergence de nouvelles élites. La place de l'humain (éducation, formation et savoir) et du culturel doit dans tous les cas être au coeur de ces choix.
- les places respectives de l'Etat, la Région décentralisée et la Région déconcentrée, le privé et la société civile.
- les res ressources propres de la Région par rapport aux ressources de péréquation nationale.
L'évaluation future de la réussite du modèle de développement projeté suppose de définir dès la phase de conception les indicateurs de suivi. Dans ce sens, une attention particulière sera consacrée à la définition de ces grands indicateurs en liaison avec les finalités du modèle en termes de respect des droits de l'homme, de type de croissance envisagée, d'emplois créés, de protection sociale, ainsi que les partis pris en faveur des principes de durabilité (soutenabilité environnementale et acceptabilité sociétale, réduction des inégalités, équilibres macroéconomiques et financiers, nécessité de règles garantissant la résilience du modèle, gestion durable des ressources naturelles).
Les défis du changement :
Des inflexions majeures à opérer
Les premiers éléments de diagnostic semblent indiquer la nécessité d'une inflexion majeure du modèle de développement appliqué jusque-là dans la région ; modèle qui semble avoir atteint ses limites et ne parait plus en mesure de répondre à l'ambition de développement exposé ci-dessus. Réussir le changement suppose d'identifier les questions structurantes qui handicapent le développement actuel et aussi celles qui libère l'énergie et suscite la mobilisation. Le travail du CESE n'abordera pas directement les questions liées au projet de Régionalisation Avancée, actuellement en cours d'élaboration. Cependant, des questions liées à la future gouvernance locale dans ses mécanismes de représentation des populations, dans ses compétences et pouvoirs décentralisés ainsi que dans son mode de fonctionnement et ses ressources financières propres sont étroitement liées à la conception et la mise en oeuvre du modèle de développement régional.
En traitant ces questions, le CESE vise à créer les conditions d'une plus grande convergence et une plus forte adhésion et à faciliter l'émergence de relais pour l'implémentation du modèle de développement. Les thématiques critiques qu'il convient d'adresser peuvent être regroupées autour de 5 volets :
- Volet économique
Comment prolonger l'effort de l'Etat et des collectivités territoriales en faveur du développement économique et social par une implication renforcée et proactive du privé régional/ national/ international ? (Privé productif et créateur de richesses par opposition au privé de rente). Quels prérequis et quelles mesures pour encourager l'émergence et la pérennité d'un secteur privé dynamique (qualité des services administratifs et autorisations, cadre fiscal, zones franches, foncier...). ? Quels financements publics et privés à mobiliser?
Comment jeter les bases d'une économie sociale et solidaire, à la fois inspirée des meilleurs standards internationaux et appuyée sur les traditions et le savoir-faire local, génératrice d'emplois, de revenus et de protection sociale ?
Quelles modalités transparentes de gestion des ressources naturelles (pêche, mines et hydrocarbures) à même de faciliter le recours aux IDE dans le domaine de l'exploration et de la valorisation des ressources naturelles en prenant en considération, la nature et l'importance des investissements, les délais nécessaires à leur aboutissement et le besoin d'impacter le développement et les conditions de vie des populations locales ? Comment intégrer la gestion de ces ressources dans le cadre d'une solidarité régionale et d'un équilibre national ?
- Volet social et culturel
Comment renforcer la cohésion sociale, et développer les capacités des populations locales, à commencer par les catégories vulnérables (femmes, enfants, personnes âgées, personnes en situation de handicap, chômeurs...) et renforcer les filets sociaux de sécurité ? Comment intensifier la mixité et les liens de coopération et de confiance entre les différents segments de la population et prévenir les tensions sociétales? Quelle transition pour passer d'un modèle d'assistanat à un modèle d'insertion privilégiant l'autonomisation et la dignité des personnes par l'activité productive?
Quelles mesures positives peuvent être envisagées en faveur des populations locales dans les domaines économique et social (préférence/soutien des opérateurs/investisseurs locaux ; mécanismes de stimulation de l'emploi de certains segments de la population touchés par le chômage)?
Quelle politique mettre en oeuvre pour favoriser un retour digne et une intégration réussie des populations sahraouis actuellement dans les camps de Tindouf, dans le respect des règles de justice sociale et d'équité?
Comment valoriser le patrimoine culturel de la région comme composante structurante de son identité et levier de création de richesse?
- Volet développement humain
Quelles priorités accorder aux programmes de santé, d'éducation, de formation de lutte contre la pauvreté, d'exclusion, de marginalisation et de protection sociale pour permettre un développement humain et durable garantissant le bien-être social et la dignité de la population locale ?
- Volet aménagement du territoire
et environnement
Quelle politique de gestion de la ville : entre développement des villes actuelles (en définissant cachet architectural, vocation claire des quartiers, services publics de qualité) et création de villes nouvelles dans une politique d'aménagement du territoire et de maîtrise de l'extension rapide des grandes villes et de liaison avec le développement territorial des activités économiques?
Comment penser la ville durable dans ses fonctionnalités, son aménagement et ses infrastructures ?
Quelle politique de sauvegarde des écosystèmes en péril, des sites naturelles de la région et de valorisation durable des ressources naturelles actuelles (pêche, phosphate, eau) ? Quel plan d'urgence pourrait être mis en place pour protéger en priorité la baie de Dakhla qui est un site unique à l'échelle mondiale et qui est menacée par une exploitation non contrôlée?
- Volet gouvernance et implémentation
Quels mécanismes de mise en oeuvre dans la durée du futur modèle de développement des provinces du sud? Quel portage institutionnel, du pilotage de ce programme pour en assurer la réussite, à la fois sur le plan technique (robustesse des décisions) et sur le plan programmatique (rigueur et énergie dans la durée) ?
Comment assurer la participation effective des populations et la mobilisation des forces vives du terrain et comment veiller à la cohérence d'ensemble des politiques publiques qui concernent les provinces du Sud ? Comment créer et développer la confiance dans les institutions et les acteurs de médiation ? Quelle politique de développement et de soutien aux élites régionales ? Comment donner sens à une conception positive de la notion de subsidiarité, fondée sur la complémentarité des compétences ente le national et le régional ?
Le financement du développement du territoire ne peut s'envisager sans la génération de ressources financières locales pérennes et de schéma de financement innovants en plus des ressources de péréquation nationale. Quel équilibre entre ces types de ressources?
Le passage de la situation actuelle au modèle de développement cible nécessite une approche graduelle de la transition, de manière à asseoir des avancées tangibles. Il conviendra de définir les principes directeurs de gestion de la transition, les approches de conduite du changement pour minimiser les risques et favoriser les quick-wins à fort impact afin de renforcer l'adhésion et le capital confiance.


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