L'assemblée constituante égyptienne dominée par les islamistes a adopté vendredi matin un projet de nouvelle constitution qui devait être présenté vendredi au président Mohamed Morsi pour sa ratification, avant d'être soumis à référendum. Mais des militants anti-Morsi s'apprêtaient à manifester vendredi en Egypte, après l'adoption à marche forcée de la Constitution, accentuant la tension entre le président et son opposition. L'ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa devait mener selon son porte-parole un défilé jusqu'à la place Tahrir dans le centre du Caire, où des manifestants se mobilisaient contre les pouvoirs élargis que le président s'est attribués le 22 novembre. Le chef de l'Etat espère que le mouvement de contestation auquel il fait face depuis une semaine s'éteindra de lui-même une fois promulgué le nouveau texte fondamental, préalable indispensable à de nouvelles élections l'an prochain. Dans une allocution télévisée jeudi soir, Mohamed Morsi a déclaré que son décret, qui protège ses décisions de tout recours en justice, ne s'appliquerait que pour une période «exceptionnelle». «Cela se terminera dès que le peuple aura voté sur une constitution (...). Il n'y a pas de place pour la dictature», a-t-il ajouté. L'assemblée constituante, dont la domination islamiste est contestée par le camp laïque, a fini de voter vendredi aux premières heures sur le projet de texte fondamental qui reflète selon les islamistes les nouvelles libertés conquises depuis le renversement d'Hosni Moubarak en février 2011. Le texte, qui compte 234 articles, maintient les «principes de la charia», la loi islamique, comme source principale de la législation, ce qui était déjà le cas sous Moubarak mais que le camp laïque voulait abroger. «Nous avons achevé notre travail sur la constitution de l'Egypte. Nous appellerons aujourd'hui le président à une heure raisonnable pour l'informer que l'assemblée a terminé son travail et que le projet de constitution est achevé», a déclaré Hossam el Gheriani, le président de la constituante, au terme d'une séance qui aura duré 19 heures. Un référendum doit intervenir dans les quinze jours après la ratification du texte fondamental par le chef de l'Etat. Les Frères musulmans, qui ont remporté tous les scrutins depuis la chute d'Hosni Moubarak, font le pari qu'ils pourront mobiliser suffisamment d'électeurs pour remporter le référendum et que les querelles sur le texte ou sur la composition de la constituante, qui a entamé ses travaux il y a six mois, seront vite oubliées. «C'est une constitution révolutionnaire», a assuré Gheriani, qui a exhorté les membres de la constituante à sillonner le pays pour «expliquer à la nation cette constitution». L'hymne national a ensuite été joué pour clore cette séance retransmise à la télévision. Hossam el Gheriani a précisé que l'assemblée se chargerait administrativement de préparer le référendum que Morsi devrait convoquer après avoir ratifié le document. Les adversaires du chef de l'Etat critiquent cette précipitation dans l'adoption d'une constitution qu'ils jugent prise en otage par les Frères musulmans et leurs alliés. L'opposition réinvestit « Al maydane » L'opposition qui dénonce une dérive autoritariste du président issu des Frères musulmans depuis qu'il a publié un décret lui octroyant des pouvoirs exceptionnels jusqu'à l'élection d'un nouveau parlement, s'apprêtait à manifester ce vendredi en Egypte. L'opposant et ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa mènera selon son porte-parole un défilé jusqu'à la place Tahrir dans le centre du Caire, où des manifestants se mobilisent contre les pouvoirs élargis que le président Mohamed Morsi s'est attribués le 22 novembre. Plusieurs autres groupes ont prévu leur propre cortège, avant un rassemblement massif prévu samedi, pour répondre aux partisans du président Morsi qui ont également prévu de manifester ce jour-là au Caire. Jeudi, une coalition de dirigeants de l'opposition ont prévenu M. Morsi que l'actuelle grève des juges pourrait s'étendre et entraîner un mouvement de désobéissance civile à grande échelle, ainsi que de nouvelles manifestations. Mardi, des dizaines de milliers de manifestants s'étaient déjà rassemblés sur la place Tahrir, qui avait été l'épicentre de la révolution pro-démocratie ayant provoqué la chute du président Hosni Moubarak en février 2011. Il s'agissait de la plus importante mobilisation contre M. Morsi élu en juin. Depuis une semaine, des dizaines de personnes campent toujours la place, déterminées à y rester jusqu'à ce que le président retire le décret par lequel il s'est octroyé des pouvoirs élargis, plaçant en particulier ses décisions à l'abri d'un recours en justice. Onze journaux égyptiens comptent ne pas paraître mardi pour protester contre le décret Morsi. Trois chaînes privées de télévision par satellite n'émettront pas mercredi en signe de protestation elles aussi, a déclaré le journal Al Masry al Youm. «Nous voulions que les Egyptiens aient plus de libertés et que le président ait moins de pouvoirs... A cet égard, nous ne pouvons qu'être insatisfaits», a dit Edward Ghaleb, représentant de l'Eglise copte au sein de l'assemblée constituante.