LE 31 août 2012, la Fondation Ro- bert F. Kennedy pour la justice et les droits de l'Homme (RFK) a conclu une visite de quelques jours au Sahara marocain et à Tindouf afin, officiellement, d'y évaluer la situation des droits de l'Homme. Le 3 septembre 2012, RFK a publié sur son site Internet, des observations préliminaires a priori défavorables au Maroc. Ces observa- tions, comme le déroulé de la visite, ont fait couler beaucoup d'encre dans la presse ma- rocaine, algérienne ainsi que dans les outils de communication séparatistes. Néanmoins, au-delà de cette agitation médiatique, recher- chée au demeurant par les séparatistes, la visite de RFK amène à appréhender la place accordée par l'Algérie et son protégé polisa- rien à ce type d'institution dans leur stratégie d'influence. Une stratégie de victimisation et de désinformation Une stratégie de victimisation La stratégie des séparatistes et d'Alger a toujours fait de la question des droits de l'Homme une arme d'influence auprès des pays étrangers, visant tout particulièrement leur société civile, à travers l'organisation de multiples conférences, avec l'appui financier et logistique de la diplomatie algérienne. L'autre vecteur d'influence utilisé est celui des think tanks et autres centres de recherches, dans le but d'apporter une légitimité scientifique aux arguments développés par les séparatistes et Alger. Le dernier exemple en date, qui a connu également une certaine médiatisation, est celui du rapport établi par l'association du barreau de New York. Une fois de plus, le rapport de RFK tente de victimiser les populations vivant dans la partie saharienne du Maroc, ainsi que ceux vivant dans les camps de Tindouf. Mais la réelle interrogation porte sur la place de la question des droits de l'Homme dans la stratégie séparatiste. En effet, devant le large usage public de cette question par Alger et ses affidés, nous pouvons nous interroger sur son absence des rounds de pourparlers informels, menés sous l'égide de l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies. La réalité est que cette question a été à l'ordre du jour des pourparlers informels, et lorsque le Maroc s'est présenté avec la ferme volonté de s'y pencher, tant au Sahara que dans les camps de Tindouf, les séparatistes ont clairement refusé de l'aborder, avant que l'émissaire onusien ne décide de la retirer de l'ordre du jour desdits pourparlers. Ce qui soulève, du reste, la question du positionnement de Christopher Ross dans le dossier. Cela dit, la question des droits de l'Homme est un outil médiatique d'influence, développé par Alger et les séparatistes en appui de leur stratégie d'enlisement du différend. Une stratégie de désinformation Le rapport préliminaire de RFK reprend en large partie les arguments entretenus par les séparatistes. Ce qui démontre soit son parti pris flagrant, soit le degré de pénétration de la fondation par les manœuvres séparatistes. Dans les deux cas, il est question d'une stratégie de désinformation. Ainsi, parler d'occupation, comme le fait le titre du rapport préliminaire de RFK, est complètement en porte-à-faux avec la réalité juridique et politique du conflit. Faut-il rappeler qu'aucune résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ne vient qualifier le Maroc de puissance occupante. De ce fait, le parallèle entre l'affaire dite du Sahara et la question palestinienne est aberrant, puisque dans le cas de la Palestine, celle-ci dispose du statut juridique de territoire occupé et les textes onusiens décrivant ce statut, ainsi que les obligations d'Israël comme puissance occupante en attestent amplement. Un autre exemple de la désinformation juridique utilisée par les séparatistes, et présent également dans le rapport préliminaire de RFK, est celui de l'interprétation de l'Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice de 1975. Pour les séparatistes, la Cour n'a pas reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara et a appelé à l'exercice d'un référendum. Or, la lettre de cet Avis stipule que des « (...) liens d'allégeance ont été établis entre les tribus du Sahara et le Sultan du Maroc mais que cela n'empêchait pas l'exercice du Droit à l'autodétermination ». Deux points importants sont à relever pour les fins connaisseurs du droit international. Tout d'abord, la reconnaissance de l'allégeance entre le Sultan et les tribus du Sahara est une reconnaissance de la souveraineté nationale marocaine au sens politique du terme. En effet, les mécanismes de formation de ce lien personnel qu'est celui de l'allégeance, sont en tout point identiques à ceux de la souveraineté tels que formulés par Rousseau dans le modèle latin, ainsi que par Hobbes et Locke, dans le modèle anglo-saxon. Le deuxième point important est que l'exercice du droit à l'autodétermination ne signifie en aucun cas l'organisation d'un référendum. Le peuple français ne s'autodétermine-t-il pas tous les cinq ans par le biais des élections présidentielles et législatives ? Le peuple américain n'en fait- il pas autant tous les quatre ans ? Le peuple marocain l'a aussi régulièrement fait, y compris dans le Sahara, et les derniers exemples en date sont le référendum constitutionnel du 1er juillet 2011, ainsi que les élections législatives du 25 novembre 2011, qui ont connu un taux de participation significatif dans les provinces sahariennes, et dont la validité et la transparence ont été internationalement attestées. Peut-on renier aux populations de ces provinces leur participation à ces deux échéances qui ont configuré la vie politique marocaine pour les années à venir ? Un objectif de diversion L'usage que font les séparatistes des droits de l'Homme et du droit à l'autodétermination, deux thématiques omniprésentes dans leur stratégie d'influence, et reprises par le rapport préliminaire de RFK, relève en réalité d'une diversion. En saturant le paysage médiatique et académique des contrevérités flagrantes qu'ils véhiculent, ils évitent, ainsi, que les questions de fond ci-après soient évoquées : Le droit à l'autodétermination et la question du « peuple du Sahara » Il s'agit là de questions constamment ressassées par l'Algérie et les séparatistes, mais dont l'examen au fond se révèle en contradiction avec la doctrine que ceux-ci diffusent. En effet, le droit à l'autodétermination, établi par la résolution 1514 de l'Assemblée générale des Nations Unies, en date du 14 décembre 1960, n'est pas absolu. Le paragraphe 6 de la résolution sus citée dispose en effet que « Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies ». Ce point est d'autant plus significatif que l'action du Maroc aux Nations Unies ne s'inscrit pas dans un esprit revendicatif. Il ne s'agit pas d'une dispute pour un territoire, mais bien de l'affirmation de l'identité marocaine du Sahara. En ce sens, l'individualisation des populations marocaines vivant au Sahara, tout comme l'appellation de « peuple sahraoui », sont dépourvues de portée pour le Maroc. En effet, rien ne vient justifier la réalité d'un peuple sahraoui sur un territoire géographiquement limité au Sahara marocain. Feu Sa Majesté le roi Hassan II avait problématisé la question, en posant l'interrogation suivante : pourquoi circonscrire la notion de « peuple du Sahara » au seul Sahara marocain ? Si l'on souhaite parler d'un « peuple sahraoui », alors celui-ci doit prendre en compte l'ensemble de la région saharienne, c'est à dire ses extensions en Algérie, en Mauritanie, au Niger et au Mali. Or, une telle approche remettrait en cause l'unité nationale et l'intégrité territoriale de plusieurs pays. Le fait de se focaliser sur le Sahara marocain, montre bien l'usage politique fait par Alger de la notion d'un pseudo « peuple sahraoui ». La question du rôle de l'Algérie dans la genèse du problème du Sahara L'instrumentalisation des droits de l'Homme par l'Algérie lui permet également d'éluder la question cruciale de son rôle dans la genèse et la persistance du conflit autour du Sahara. Animé du plus haut intérêt pour le statu quo, l'Etat algérien manipule la question des droits de l'Homme pour neutraliser l'action diplomatique et médiatique marocaine et la fixer sur une échelle défensive. Pourtant, la responsabilité d'Alger dans les questions humanitaires liées au dossier du Sahara n'est pas à son honneur. En effet, l'Algérie est responsable d'un cas d'exception en droit international, comme en matière humanitaire. Il s'agit de la situation inédite des camps de Tindouf. Le rapport du Département d'Etat américain sur les droits de l'Homme dans le monde, publié en 2012, a clairement fait mention de cette situation en précisant que l'Algérie accorde tous les avantages liés au statut de réfugiés à la population des camps de Tindouf bien que celle-ci n'ait pas officiellement ce statut, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) n'ayant pas été permis par l'Algérie de mener à bien l'enregistrement des populations vivant dans les camps. Toutefois, les réfugiés maliens et subsahariens, cartes du HCR à l'appui de leur statut, se voient refuser tout droit découlant dudit statut. Cette réalité montre l'usage politique que consacre Alger à la question des réfugiés et explique pourquoi les décideurs algériens refusent que les populations des camps de Tindouf soient recensées par le HCR en toute transparence. Désormais, on sait qu'un éventuel recensement priverait le gouvernement algérien d'un levier politique contre le Maroc et permettrait d'identifier clairement les populations vivant dans les camps de Tindouf et de les différencier ainsi de ceux provenant du Sahara marocain, et de ceux originaires du reste de la région sahélienne. De plus, le recensement suppose la conduite d'un entretien individuel et confidentiel entre le HCR et chaque réfugié afin d'établir la volonté de son devenir qui se résumera en trois options : retourner dans son pays d'origine, le Maroc, et perdre ainsi la qualité de réfugié, se réfugier dans un autre pays d'accueil, ou se maintenir dans les camps de Tindouf. Dans ce cas, Alger ne pourra plus jouer sur le flou du nombre de réfugiés et avancer des chiffres invraisemblables, pas plus qu'elle ne pourra maintenir un voile d'opacité sur la gestion des camps, voile lui permettant un contrôle des plus vigoureux sur les populations ainsi instrumentalisées à leur insu. Ainsi identifiée, la stratégie d'influence exécutée par le tandem algéro-polisarien mise sur des arguments erronés et substantiellement défaillants qui tirent souvent leur efficacité de la méconnaissance des réalités historiques et juridiques du dossier par le public ciblé. Une honnêteté intellectuelle et une curiosité scientifique réelles permettraient de mettre à jour ces défaillances, pourvu que l'on se donne la peine de les rechercher. Spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis d'Amérique Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales* (Endnotes) * Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans le cadre de certaines thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction, ont été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouvel ouvrage collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires ». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.