La Fondation du Groupe Crédit Agricole du Maroc pour les Arts et le Patrimoine Rural abrite les œuvres récentes de Leila Cherkaoui (peintures, sculptures, stèles et installations) du 27septembre au 20 octobre. Portant sur le thème « Mémoire du lieu », cette exposition se présente comme une plate-forme qui repense notre rapport avec le lieu au pluriel dans ses connotations et ses métaphores : « C'est ce que je garde et ce qui me reste en mémoire après avoir visité et revisité un lieu... Dans mes œuvres, j'essaye de capter l'essentiel qui émane de ses endroits. Ainsi, je suis submergée par des émotions et des impressions inspirées par le coté mystique et spirituel. Mon souci est d'interpréter selon ma vision personnelle toutes les images et les fragments retenus », confie l'artiste. A travers un parcours d'une grande richesse ponctué d'expositions individuelles et collectives au Maroc et à l'étranger, loin des fioritures et des apparences, Leila Cherkaoui s'impose en tant qu'artiste plasticienne majeure dont l'œuvre est appelée à durer dans le lieu et dans le temps. L'artiste, selon le regard de Maurice Arama, historien d'art de renom, « sait dans sa poétique des ruines comment le vrai enlace les fidélités picturales, conduit la forme vers l'harmonie tonale, ouvre aux masses l'équilibre des dialogues intimes, porte vers son élan unitaire la composition que la maîtrise gestuelle de l'artiste écarte des étiquettes de la mode ». Cette peinture, ajoute Maurice Arama, est encore « une prise de conscience qu'agencent la force du travail et l'authenticité de l'inspiration ». Il poursuit, lui-même inspiré par le travail puissant de l'artiste : « Des forces s'unissent à des particules de lumière et irradient chaque œuvre de manière contrôlée. Ici, les espaces s'enlacent au temps. Les gestes venus de la grammaire visuelle de l'artiste, les tours, voûtes, fortins, murs et éminences prétentieuses que l'histoire universelle arase, retrouvent la berge du fleuve le long duquel l'homme est invité à sonder sa capacité de toujours détruire l'œuvre de ses mains. Sans être une narration abstraite, cette peinture retient les flux tendus dans lesquels nous semblons englués ». De son coté, Jean Miot, écrivain et journaliste, scrutant l'univers passionnant de celle qu'il qualifie de « merveilleuse peintre-poétesse » écrit : « Qu'elle manie le pinceau ou la plume, cette Femme majuscule n'est que flamme, à peine vacillante, jetant en même temps la lumière et l'ombre. Elle éclaire et assombrit à la fois, et de son noir et blanc jaillit soudain une polychromie qui « fascine » au sens étymologique latin du terme : qui ensorcèle. Leïla Cherkaoui ne peint pas : elle fait naître la couleur, tel son bleu qui est à l'évidence la couleur de l'infini. C'est elle qui nous l'a fait découvrir ». Avisé, il poursuit son interprétation de cette oeuvre singulière : « Parfois, comme sorti de la brume d'un rêve, transparaît un paysage avec des silhouettes fantomatiques, des voûtes de Médina, des portes innombrables, barrées parfois, entrebâillées le plus souvent, ouvrant toujours sur une éblouissante lumière vers laquelle le visiteur se jette comme l'insecte aimanté par la lampe allumée. Et quand elles n'ouvrent pas sur l'infini, ses fenêtres nous donnent l'éblouissante et brûlante chaleur Marocaine. ».