Il y a quatre ans, en 2008, dans ces mêmes colonnes, suite au lancement des médiathèques, un état des lieux avait été fait sur ces institutions de lecture publique mises en place à partir de 2006 grâce au partenariat entre le ministère de la Culture, l'Ambassade de France et le ministère de l'Intérieur, ce dernier représenté par les collectivités locales, municipalités et provinces. Dix médiathèques devaient être mises en places dans des centres urbains avec 60 points de lectures bibliothèques satellites dans les banlieues rurales environ six par médiathèque. Que sont devenus ces projets ? Pour l'ensemble ils ont réussi, du moins pour les dix médiathèques qui fonctionnent aujourd'hui malgré des problèmes comme l'absence d'acquisitions nouvelles pour enrichir le fonds documentaire tournant autour de dix mille livres et documents audiovisuels par médiathèque, absence de budget pour l'animation culturelle... etc. On nous confirme que des médiathèques n'ont pas reçu un seul livre pour les exercices de 2010 et 2011. La Bibliothèque nationale par contre, heureusement, a un budget annuel pour les nouvelles acquisitions, stable, de l'ordre de 6 millions de dirhams comme l'avait annoncé son directeur Driss Khrouz lors de la dernière édition du Salon du livre de Casablanca. Réussite relative donc mais réussite quand même, parce que ces projets ont pu répondre à la demande d'un public souvent et en majorité très jeune et assoiffé dans un environnement démuni de ce genre d'institutions culturelles. Des habitudes commencent à s'ancrer, le besoin pour ces unités dotées de bibliothèques, de salles de projection, de lecture et d'informatique connecté au réseau Internet. Mais on ne peut pas en dire autant des points de lecture situés dans les zones rurales ou banlieues des villes. Souvent aucun suivi n'a été assuré et un certains nombre ne fonctionnent pas. Les locaux sont fermés. Ce sont les autorités locales et municipalités qui ne suivent pas, pour lesquelles ce genre de projet ne figure pas comme priorité. Et dire qu'on pensait généraliser l'expérience à d'autres régions. Salah Tarif est directeur de la médiathèque de Khouribga, avec statut de fonctionnaire dépendant de la municipalité et non de la Culture. A l'origine informaticien, il avait reçu une formation de bibliothécaire dans le cadre du projet du réseau de lecture publique. Selon lui, les médiathèques ont réussi comme projet du fait que le nombre de visiteurs surtout des élèves et étudiants est de plus en plus grand, notamment à Khouribga « de sorte que nous avons du mal à trouver de la place pour tout le monde dans la salle de lecture et nous sommes contraints de placer le surplus des visiteurs dans la salle d'animation. Par contre, il n'y a plus de nouvelles acquisitions en livres. Dans ce sens, nous sommes incapables de satisfaire la demande en matière de nouveautés, nous travaillons toujours avec le fonds initial de dix mille ouvrages en arabe et en français ». Pourtant, la médiathèque de la ville des phosphates aurait dû être la moins démunie, ce qui n'est guère le cas. Qu'à cela ne tienne, à la médiathèque de Khouribga ça bouge, le nombre d'adhérents ne cesse d'augmenter. En 2010 ils étaient 1077 inscrits. En décembre 2011 ils étaient 1670. Le prêt à domicile ça marche comme sur les roulettes. Des habitudes prennent place. « Pour les écoles éloignées, je suis obligé sur demande des directeurs d'écoles, de transporter les livres selon le choix, il faut que le livre arrive vers des lecteurs par n'importe quel moyen.. ». L'école fonctionne donc comme un point de lecture. Par contre le seul point de lecture satellite proprement dit avec lequel la médiathèque de Khouribga est en contact est celui de Boujniba. Salah Tarif dit ne rien connaitre des autres points de lecture « du moment qu'ils ne sollicitent pas la médiathèque ». L'initiative du médiathécaire a des limites. L'association des médiathèques n'a pas réussi à avoir des activités à ce jour, parce que les médiathèques ne sont pas arrivées à s'ériger en réseau de lecture publique comme le projet le stipulait à l'origine pour l'échange, résoudre les problèmes posés et avancer. Il semble que pour toute médiathèque il n'y ait qu'une alternative : une vie d'insularité. Il y a pire quand l'environnement immédiat, autorités locales, élus et société civile ne s'intéressent ni de près ni de loin. Pour Mohamed Bourah, directeur de la médiathèque de Larache (Lire son témoignage ci-contre) c'est un autre son de cloche, puisque là il semble que les nouvelles acquisitions se font chaque année du ministère, de la municipalité et de l'association de la médiathèque assez active. Ce n'est pas de grosses acquisitions, mais le geste et l'intérêt sont là et ça compte pour le moral et l'ambiance générale. Il semble d'après les informations qui circulent, que la médiathèque est mieux gérée quand le directeur ne dépend pas de la municipalité mais du ministère de la Culture. Quand le directeur dépend des collectivités il peut être à la merci du bon vouloir de la bureaucratie. Pour Aziz Rahmi, bien qu'ayant statut de fonctionnaire dépendant de la municipalité formé pour la fonction de médiathécaire, il donne l'impression de jouer son rôle de bibliothécaire sans grands problèmes. Responsable de la médiathèque de Beni Mellal, pour lui tout ce qui compte c'est que le succès était au rendez-vous depuis l'ouverture de la médiathèque. « Nous avions à peine 200 adhérents, actuellement nous en avons 600 avec une moyenne de visites quotidiennes de l'ordre de 200 personnes. « Nous avons de plus en plus de visites en groupes des élèves mais c'est surtout des établissements scolaires privés, ils viennent pour des ateliers de contes notamment » dit Aziz Rahmi. La médiathèque de Beni Mellal est dotée d'un fonds de 13 mille livres dont un tiers pour enfants et un tiers pour jeunes et le reste pour adultes sans compter un millier de CD-Rom. Depuis 2009 il n'y a pas eu de nouvelles acquisitions ni de la Culture ni de la municipalité. En tout état de cause, la médiathèque a fait sa place dans la ville. Grâce à la société civile et des amis de la médiathèque, il y a un programme d'animation. Une quarantaine de rencontres-signatures de livre ont été organisées, des expositions d'art, des ateliers de formation et plusieurs festivals de cinéma, de conte, de rire, sans oublier la semaine de la médiathèque chaque mois de mars. La médiathèque reçoit jusqu'à deux classes d'élèves par jour secteurs privé et public. Sans pouvoir parler d'un état des lieux pour les points de lecture des zones périurbaines et rurales, il semble que ce volet du projet du réseau de lecture publique a été un échec pour une question de manque de suivi de la part des collectivités locales qui sont loin d'y voir une priorité sans parler des carences en compétences d'encadrement. On n'oubliera pas que si les médiathèques ont relativement réussi comme projet c'est grâce à la bonne volonté et savoir-faire des staffs qui les dirigent et au dynamisme de la société civile et des directeurs d'établissements scolaires.