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Liberté d'expression, «droit» au blasphème et sordides provocations
De la primauté du discernement
Publié dans L'opinion le 21 - 09 - 2012

Combien de victimes à travers le monde musulman a déjà causé le navet «L'innocence des Musulmans» ? 31 morts jusqu'à présent, la moitié d'entre eux étant des musulmans, compte non tenu du nombre très élevé de blessés. Et avec la publication mercredi de caricatures du prophète Sidna Mohammed (Que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) par l'hebdomadaire satyrique français «Charlie Hebdo», il est fort à parier que le décompte macabre est loin d'être terminé.
Ce film anti-Islam américain, dont personne n'a vu plus des 13 minutes de la bande annonce diffusée sur Youtube, s'est avéré en fin de compte une arme efficace et les caricatures publiées par «Charlie Hebdo» risquent d'être non moins meurtrières.
Mis à part les quatre diplomates américains tués en Libye, dont l'ambassadeur des Etats-Unis à Tripoli, les deux soldats américains et les douze personnes, dont neuf sud-africains, tués en Afghanistan, tous victimes de jihadistes islamistes, les autres victimes du film sont des musulmans tués par d'autres musulmans, des manifestants passés de vie à trépas sous les coups d'agents des forces de l'ordre déployés pour protéger des bâtiments diplomatiques américains.
Autant de dérapages perpétrés par les autorités de pays arabo-musulmans, qui ont le devoir de protéger les ambassades et consulats des pays étrangers présents sur leur sol, sachant que selon les lois internationales, les représentations diplomatiques jouissent de l'extra-territorialité, les attaquer revenant à déclarer la guerre à leurs pays. Si ce n'était le tragique de la situation, on pourrait dire que c'est une manœuvre tactique de grand art. Faire tuer des musulmans par d'autres musulmans, tout en restant bien en sécurité chez soi et sans courir le moindre risque de poursuites judiciaires pour meurtres prémédités.
Il est triste de constater que les personnes qui ont visionné la bande d'annonce du film et réagi en conséquence ne se sont pas rendus compte que cette bande d'annonce avait été déjà diffusée sur Youtube quelques mois auparavant, mais sans le sous-titrage en arabe. Comme personne n'y avait fait attention, le sous-titrage en arabe a été par la suite ajouté et les problèmes ont commencé…
Autre point suscitant la suspicion, l'assaut mené contre le consulat des Etats-Unis à Benghazi, premier acte de l'agitation de la rue arabo-musulmane contre ledit film, a eu lieu le 11 septembre, date anniversaire des horribles attentats de New-York en 2001. Al Qaïda a revendiqué cette attaque au fusil d'assaut et à la lance roquette en tant qu'acte de vengeance, suite à l'exécution de l'un de ses leaders au Yémen.
Enfin, il y a ce mystère, pas vraiment dissipé, sur l'identité du producteur du film. Au début, il était question d'un américano-israélien, puis, d'un copte égyptien, qui s'est fait aussitôt renié par la communauté copte d'Egypte. Ayant des antécédents judiciaires, il s'est fait interrogé par les autorités américaines, mais sans se faire arrêter.
La manœuvre a été bien calculée. Impossible de voir les autorités américaines interdire ce film, aussi blasphématoire soit-il, autant d'ailleurs qu'il est mauvais. Le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis, plus connu sous l'appellation «Déclaration des Droits», garanti à la fois la liberté d'expression et de religion. Et le «droit au blasphème» est considéré comme découlant de cette liberté d'expression.
Selon cette conception des choses, on ne peut demander à la collectivité (l'Etat) d'assumer la responsabilité des propos, écrits, ou œuvres artistiques blasphématoires d'un individu, qui n'ont pas besoin d'être autorisés, ni ne peuvent être interdits, car cela reviendrait à brider la liberté d'expression. Ainsi en est-il également en France, pays ou viennent d'être publiés, à nouveau, des caricatures du prophète de l'Islam.
En Russie, le film «L'innocence des Musulmans» a été interdit de diffusion. D'ailleurs, dans ce dernier pays, l'affaire du groupe de musique Punk «Pussy Riot», dont trois membres ont été jugés et condamnés à deux ans de détention carcérale, suite à une plainte de l'Eglise orthodoxe, pour avoir profané une cathédrale à Moscou, est encore dans tous les esprits. Elle a même suscité toute une campagne de soutien aux condamnés en Occident.
Par contre, la presse occidentale s'est faite beaucoup plus discrète à propos de l'expulsion manu militari par la police d'un autre groupe Punk d'une cathédrale à Cologne, la loi en Allemagne prévoyant une peine de prison pouvant aller jusqu'à trois ans pour ce genre d'actes. Pas plus d'ailleurs qu'il n'a été question de la chanteuse pop poursuivie dernièrement en justice pour des paroles jugées blasphématoires dans la très catholique Pologne.
Les manifestations devant les représentations diplomatiques des Etats-Unis sont, en fin de compte, totalement vaines, le gouvernement américain ne pouvant littéralement rien faire pour empêcher la diffusion de ce film, pas plus qu'il ne peut être jugé responsable de sa production. Par contre, ces manifestations creusent encore plus le fossé d'incompréhension entre les peuples musulmans et ceux d'Occident, car si pour les premiers, le sacré a encore un sens, pour les seconds, il n'en a plus du tout. Le film américain «La dernière tentation du Christ», blasphématoire aussi, avait suscité un véritable tollé chez les croyants chrétiens lors de sa sortie en 1988, mais il n'en pas été pour autant interdit.
L'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) tente depuis treize ans d'introduire le «délit de blasphème» dans le Droit international, sans résultat jusqu'à présent. C'est comme si les tenants du «Choc des civilisations» s'évertuaient à donner consistance à cette théorie prônant le chaos, sachant quand, comment et sur quel corde sensible jouer pour pousser les croyants des différentes religions monothéistes dans la fureur meurtrière et les voir aussi se jeter les uns sur les autres pour s'entretuer.
Un musulman ne peut taire toute offense faite à Dieu ou à ses prophètes, tous, sans exception. Il est dans l'obligation de la dénoncer, faute de quoi il tombe dans l'apostasie. Mais il se doit également de faire preuve de discernement (Al Furqane), comme Dieu le lui a enseigné dans son saint Coran, d'avoir des réactions mûrement réfléchies et d'éviter à tout prix de céder maladroitement aux sordides provocations, ce qui reviendrait à jouer le jeu des impies. Le musulman se doit surtout de garder en mémoire le trente deuxième verset de la sourate «Ar-Ra'd» (Le tonnerre): «On s'est certes moqué des messagers avant toi, j'ai accordé un répit aux mécréants, puis je les ai saisis. Et quel fut mon châtiment !»


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