Metteur en scène, réalisateur, comédien, auteur de théâtre, enseignant et chroniqueur journalistique, Nabyl Lahlou, de son véritable nom Abdenbi Lahlou, est né le 1er janvier 1945 à Fès. Il fréquenta le lycée Moulay Driss dans sa ville natale mais très tôt, se découvre une passion pour le théatre dans les années 50 et dut faire partie dès lors de plusieurs troupes dont notamment "Houat Al Masrah" (Les amateurs du théâtre), "Masrah Addahik" (Le théâtre souriant) puis "Al Masrah Talii" (Le théâtre d'avant-garde). Ses premiers compagnons furent Mohamed Kaghat, Brahim Damnati, Mohamed Timoud, Zaki Alaoui, Ahmed Azami et bien d'autres. En 1963, il part en France pour passer le concours de la Rue Blanche qu'il rata de si peu. Il s'inscivit à l'école Charles Dullin du Théâtre National Populaire (T.N.P.) pour suivre des cours du soir, une pépinière pour les auteurs français. Retrouvé sans bourse, il exerça tous les métiers: conducteur de camion, de voiture, éboueur, manutentionnaire, enseignant de langue arabe, moniteur de colonies de vacances, nettoyeur de caves, veilleur de nuit, doubleur dans les films hindous sous la direction de Brahim Sayeh. En 1965, il retourne à Fès et commence par mettre en scène une pièce écrite par son ami Mohamed Timoud: "Assa3a" (L'heure). Deux ans plutard, il mit en scène la pièce de Robert Pinget pour le compte de l'institut français de Stockholm: "Architruc". Sa première création en tant qu'auteur remonte à 1968 à Paris: "Les milliardaires". Rentré au Maroc en 1969, il écrit et met en scène "Ophélie n'est pas morte", dont le prétexte est un accident de la circulation. Dans les années 70, il réalisa pour le compte de la R.T.M. plusieurs oeuvres dramatiques dont "L'accident", " Le journal d'un fou" et "Les morts". Au début de la même décennie, il part en Algérie pour enseigner le théâtre à l'école Borj El Kiffane où il est resté deux ans durant lesquels il a mis en scène la pièce : "Le grand moussem" en collaboration avec le Théâtre National Algérien. Après le téléfilm qu'il réalisa pour le compte de la R.T.M., "Les morts", tiré de l'oeuvre d'Abdeljabar Shaimi: "Le possible de l'impossible", il tenta une première expérience au cinéma avec le long métrage "Al Kanfoudi" avec lequel il entama une longue et tumultueuse carrière. Temoignages *Driss El Goutay Ahmadi (Libération - 424 - Vendredi 5/2/1991) Nabyl (Schrismatury) postillonne, donne du fouet, distribue des injures. Il s'étripe pour nous faire plaisir et nous en donner pour notre argent. Mais moi je le soupçonne de vouloir se faire plaisir à lui même et avant tout. En cela, il applique merveilleusement l'adage qui dit: charité bien ordonnée commence par soi-même. Par moment, il nous donne l'impression de nous mener en sa compagnie vers des cimes de gravité et de méditation mais tout de suite nous laisse choir dans la platitude du réel morose en procédant par digression et collages gratuits comme un enfant. (Honni soit qui mal y pense!) sans doute pour faire plaisir à ces adultes qui avaient un certain courage en commun avec lui ce soir-là: lui et Sophia de jouer devant un parterre de quatorze personnes et eux le courage d'être venus les voir. *Mohamed Jibril (Lamalif - 156 - Mai/juin1984) Tous ceux qui ont pu apprécier les films de Nabyl Lahlou et "Zeft" de Tayeb Saddiki vous parleront, invariablement, des personnages, des figures extravagantes, de la fantaisie débridée des situations, des gestes, des dialogues. Il y a là comme un défoulement de l'imaginaire (qui, bien sur, attend encore sa maîtrise véritable) dans un cinéma qu'il ne visite guère ou presque. Mais les ennuis commencent là, car l'effet de surprise passé on est bien forcé de constater que le renouveau n'est pas encore au rendez-vous. Au mieux, on a affaire à des fragments de scènes théâtrales, atomisées par un découpage qui brise leur espace et leur unité propres sans créer une nouvelle unité proprement cinématographique. Car il est vrai que ces metteurs en scène sont surtout préoccupés au cinéma par la création de personnages et de situations volontairement outrés, l'accent étant mis sur la satire, le grotesque, le trait forcé. *Abdellatif Mansour (Maroc Hebdo - 554 - Vendredi 18/04/2003) Peut-on présenter Nabyl Lahlou? Impossible. Il ne vous laisserait pas le temps de le faire. Il est sa propre carte de visite ambulante et parlante. Sur les planches, derrière la caméra, comme dans le tumulte quotidien qu'il s'arrange à rendre encore plus tumultueux. Nabyl Lahlou, l'inarrable; Nabyl Lahlou, l'indécrottable; Nabyl Lahlou, l'inoxydable; Nabyl Lahlou, l'incompris. Il est partout et nulle part. Il existe par ses créations au théâtre et au cinéma, tout en étant le réfractaire irréductible des structures d'encadrement de l'un et de l'autre. Il existe aussi, et même un peu trop, par ses polémiques aussi régulières qu'homériques avec tous ceux qui sont, ou que lui croit être ses empêcheurs de faire tourner en rond son théâtre et son cinéma . Les télévisions hésitent à l'inviter par crainte de ses écarts langagiers ou, tout simplement, de le voir quitter le plateau, avec fracas, avant la fin de l'émission. Paranoïa, complexe de persécution? Nabyl Lahlou s'en défend, avec la même verve, bec et ongles dehors. Est-i pour autant infréquentable et insortable? Pas du tout. Quand on a la patience de connaître la personne, au-delà du personnage et de ses frasques excentriques, on se rend compte que tout cela n'est qu'apparence un peu ludique, un peu caractérielle. *Mohamed Ferhat (Al Bayane - 7254- Mercredi 3/6/1998) On peut aimer ou détester Nabyl. On peut l'admirer ou le honnir. Il est pourtant là avec ses extraordinaires et ses immenses colères. Il déroute, il dérange tout simplement parce qu'il ne tolère pas l'usure, parce que créateur il se débat en d'impossibles déséquilibres, parce que élitiste il rejette l'absurde et la bêtise, la présomption et l'imposture. Cinéaste et comédien, écrivain et metteur en scène, auteur et réalisateur, Nabyl Lahlou est un cas. Il devance son siècle dans la sphère qu'il veut dépoussiérer, purifier. Les prises de position de cet homme de nulle part et de partout laissent en effet rarement indifférent tant elles sont personnelles,vont dans le bon sens à l'encontre de bien des idées reçues et communément admises. Nabyl ne se contente pas de créer des personnages pour la scène et l'écran, de les interpréter, il veut leur donner vie, car ils sont porteurs de messages. C'est un touche-à-tout mais génial et d'un courage sans égal qui fait fi du carriérisme, de la notoriété de façade.