La cour administrative du Caire a «suspendu l'application» mardi d'une décision autorisant l'armée à procéder à des arrestations de civils, en attendant que le tribunal administratif du Caire tranche le 7 juillet prochain sur la légalité de la dissolution, le 14 juin dernier, du Parlement égyptien. Cela dit, il semble que l'armée égyptienne et les Frères musulmans semblent avoir rapproché leurs positions sur l'étendue des pouvoirs du chef de l'Etat et sur le sort réservé au Parlement dissous il y a dix jours. Par ailleurs, on apprend qu'une femme et un chrétien pourraient être nommés à la vice présidence. Après la victoire de Mohamed Morsi à l'élection présidentielle, l'armée égyptienne et les Frères musulmans semblent avoir rapproché leurs positions sur l'étendue des pouvoirs du chef de l'Etat et sur le sort réservé au Parlement dissous il y a dix jours. Ainsi, il est probable que seules les candidatures individuelles au Parlement invalidées par la Haute Cour constitutionnelle feront l'objet d'un nouveau scrutin, ce qui évitera de repartir de zéro et de devoir réélire la totalité de l'Assemblée, y compris les élus au scrutin de liste, a-t-on appris mardi auprès des Frères musulmans. Mohamed Morsi, qui a promis d'être «le président de tous les Egyptiens», nommera dans ce but six vice-présidents, dont une femme et un chrétien, a dit un de ses proches, Sameh Essaoui. «Nous tentons de parvenir à un compromis (avec les militaires) sur plusieurs sujets afin d'être en mesure de travailler ensemble», a déclaré pour sa part Essam Haddad, responsable des Frères musulmans et conseiller de Morsi. Les discussions portent notamment sur les pouvoirs du président, fortement rognés par un décret adopté à la mi-juin, alors que se déroulait le second tour de l'élection, par le Conseil supérieur des forces armées (CSFA) qui dirige le pays depuis la chute d'Hosni Moubarak en février 2011. Face à la dissolution du Parlement et à la réduction des prérogatives présidentielles, les Frères musulmans avaient dénoncé un «coup d'Etat». «Nous ne pouvons accepter d'avoir un président sans aucun pouvoir. Il s'agit de revenir sur les restrictions (imposées par les militaires) afin que le président Morsi soit en mesure de tenir les promesses qu'il a faites au peuple», a ajouté Essam Haddad. Les généraux lâcheraient du lest ? Selon lui, l'armée devrait conserver le contrôle de son budget et de son administration interne mais n'aura pas à se mêler de la rédaction de la nouvelle Constitution. Dans les décisions annoncées le 16 juin, les militaires se réservaient un droit de veto sur les articles de la nouvelle loi fondamentale qui leur déplairaient. Les négociations portent aussi sur la nécessité pour l'assemblée constituante de cent membres «de pouvoir travailler sans subir les ingérences des généraux», a souligné Haddad. Un autre responsable des Frères musulmans, qui a requis l'anonymat, a précisé que les militaires avaient accepté de renoncer à leur droit de veto sur la composition de l'assemblée constituante à condition qu'une dizaine de ses membres islamistes soient remplacés par des ‘technocrates' appuyés par l'armée. Les négociateurs des Frères musulmans et les généraux se seraient également mis d'accord sur la répartition des portefeuilles dans le prochain gouvernement, a-t-il précisé. «Les ministères des Finances et des Affaires étrangères iront aux Frères musulmans à condition que ceux-ci renoncent à ceux de la Défense, de l'Intérieur et de la Justice.» C'est un général qui sera chargé des affaires financières à la présidence. Mardi, le président a rencontré les chefs des services de sécurité à l'école de police. Abrogations de prérogatives assimilables à une loi martiale La cour administrative du Caire a «suspendu l'application» mardi d'une décision autorisant l'armée à procéder à des arrestations de civils, a-t-on appris de source judiciaire. Le ministre de la Justice, Adel Abdelhamid, avait rendu le 13 juin dernier à la police militaire et aux officiers des renseignements de l'armée le pouvoir d'arrêter des civils, une prérogative dont ils ne disposaient plus depuis l'expiration fin mai de l'état d'urgence. La cour administrative a pris sa décision après examen de recours déposés par 17 organisations de défense des droits civiques, qui estimaient que ces prérogatives accordées à l'armée étaient assimilables à une forme de loi martiale. La possibilité donnée aux militaires de procéder à des arrestations de civils était intervenue entre les deux tours de l'élection présidentielle. La loi sur l'état d'urgence, instaurant des dispositions policières et judiciaires d'exception, a été en vigueur sans interruption tout au long des trois décennies au pouvoir de M. Moubarak. Elle n'a pas été renouvelée fin mai alors qu'elle arrivait à expiration. La dissolution du Parlement examine le 7 juillet Le tribunal administratif du Caire a reporté mardi au 7 juillet son jugement sur la légalité de la dissolution du Parlement égyptien, le 14 juin Le recours formé par plusieurs députés devait initialement être examiné mardi. Le tribunal administratif a également reporté, au 1er septembre, sa décision concernant le démantèlement de la commission de 100 membres nommés par le Parlement pour rédiger une nouvelle Constitution. Après la dissolution du Parlement par la Cour constitutionnelle, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) à la tête de l'Egypte depuis la démission de Hosni Moubarak en février 2011 a repris le pouvoir législatif et le contrôle du budget. Les militaires se sont également donnés les moyens de rédiger à leur avantage la future Constitution, afin d'encadrer strictement les pouvoirs du nouveau président, l'islamiste Mohammed Morsi. Amendée au soir du second tour de l'élection présidentielle le 17 juin, la nouvelle déclaration constitutionnelle par intérim confère par exemple à l'armée le pouvoir de nommer le ministre de la Défense et la prééminence sur les questions militaires, de sécurité et des affaires étrangères. En l'absence de Parlement, l'investiture de Mohammed Morsi doit avoir lieu devant la Cour constitutionnelle -l'instance même qui a dissous le Parlement à majorité islamiste, issu des élections législatives organisées par étapes fin 2011 et début 2012. Les Frères musulmans avaient remporté près de la moitié des sièges de députés et le parti salafiste Al-Nour un quart. D'après Yasser Ali, porte-parole de Mohammed Morsi, des consultations sont en cours pour résoudre le dilemme et lui éviter d'avoir à prêter serment devant la Cour constitutionnelle.