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L'Exil amer, de Mustapha Bouhaddar
« Plonger au fond de l'inconnu pour chercher du nouveau », tel est le sort de l'exilé (ée) économique, social, politique ou idéologique
Publié dans L'opinion le 16 - 06 - 2012

« Je me suis toujours demandé ce qui pousse un individu
à quitter sa patrie, pour aller vivre ailleurs. Certains, vivant dans des pays avancés, partent souvent sur un coup de tête, pour chercher l'aventure, fuir une histoire d'amour qui a mal tourné ou tout simplement l'envie de changer de vie, découvrir d'autres cultures, d'autres gens, et d'autres
climats. Les exilés qui traversent ce roman, abandonnent leurs pays, pour des raisons économiques et parfois politiques, et aussi, pour survivre, et subvenir aux besoins de leurs familles qui vivent dans la précarité, et qui souvent n'arrivent pas à joindre les deux bouts. D'autres, plus rebelles, passent de l'autre côté du mur ou de l'océan, pour ne pas trahir leurs idéaux, et surtout, pour briser les barrières mentales qui obnubilent leurs esprits, et les empêchent de penser, et de s'exprimer librement. Ceux-là sont des proscrits. ».
Exilée économique mais et avant terme sociale, telle est l'histoire de Malika, racontée par M. Mustapha Bouhaddar, l'un des marocains de France, un passionné des mathématiques et de la littérature.
C'est un recueil de quatre nouvelles qui parlent de l'exil, une porte semi ouverte vers l'inconnu, et qui débouche vers différents tracas, le sentiment d'insécurité et les désillusions. L'histoire « peigne » le parcours peu luisant de quatre exilés, de différents pays, mais qui convergent, après tout, vers une destinée similaire à différents niveaux. Un combat au quotidien, à vie, à la recherche de la sérénité.
Le premier roman relate les péripéties d'une jeune marocaine dont le sort, à sa naissance lui prévoyait toutes les peines du monde. Sa mère qui perdit l'âme en l'accouchant, un père agonisant et de surcroit, être née de sexe féminin, considérée comme tare et source de problèmes dans son monde précaire. Ce destin lui colla à la peau toute sa vie.
Issue d'une famille modeste, elle ne trouva pour seule consolation et refuge que les bras de sa tante Hana qui l'éleva comme sa propre fille. Instruite, ayant pour violon d'Ingres la lecture, Malika a dès son enfance fait voyager son esprit, imbibée d'autre cultures. Atout ou non, elle était d'une beauté à couper le souffle, ce qui parfois pouvait nuire à sa personne. Malika est convoitée par la gent masculine, au point qu'elle en pâtit toute sa vie. Violée par son patron, un riche et veuf sexagénaire à la sortie de l'école, l'adolescente se retrouva du jour au lendemain, perdant tout espoir de vie digne et son statut d'élève brillante. Ainsi l'exil commença, d'abord dans son propre pays, puis en France, une destination qu'elle choisit, à travers la lecture des œuvres, fuyant ainsi les inégalités vers un pays où les femmes ont plus de droits.
C'est ainsi qu'elle décida de s'enfuir, de peur des « représailles » de sa pseudo famille et de la société. Malgré les risques, advient que pourra. Prenant son destin en main, attirée par les droits sociaux de ce pays, c'était sa seule solution pour sortir de l'impasse, un chemin qu'elle prit, avec lucidité et conscience, un acte de libération vers le changement, voulant réaliser le dicton de Baudelaire qui a écrit : « Plonger au fond de l'inconnu pour chercher du nouveau. ».... Seulement, la réalité en est autre, comme a dit Victor Hugo : « L'exil, c'est la nudité du droit. Rien de plus terrible. ».... Une vie nouvelle vie commença, pleine d'embûches et de désarroi.
L'œuvre fait également la réflexion sur certaines injustices, on y parle de filles placées encore jeunes comme domestiques sans « bagage » scolaire ni éducation, de jeunes diplômés issus de milieux pauvres qui, quoique talentueux et intelligents, n'arrivaient pas à trouver un emploi, faute de clientélisme, et par manque d'opportunités face la classe bourgeoise. Traverser la mer, travailler dans d'autres cieux, c'était le rêve, la France, c'est l'eldorado surtout pour ceux qui vivent dans la précarité, l'injustice sociale et économique. Par contre, ne pas réussir socialement et économiquement dans d'autres horizons, vivre malgré tout dans des conditions désastreuses, pousse ces exilés à rester cachés, à l'abri des regards scrutateurs et moqueurs des gens du pays.
« Les personnages du livre ont tous la France comme dénominateur commun, le pays de Victor Hugo. Comme ce dernier, ils ont le sens de la justice et de l'équité, l'envie de s'en sortir, de vivre tout simplement ». Ainsi, l'ouvrage sur l'exil de Victor Hugo, en dit long sur la problématique qui est toujours d'actualité. L'écrivain disait : « Vous exilez un homme. Soit. Et après ? Vous pouvez arracher un arbre de ses racines, vous n'arracherez pas le jour du ciel.
C'est un livre instructif et constructif, parlant des injustices et des malheurs de tous genres qui poussent à l'exil. Toute personne qui le lit s'y retrouve, s'y reconnaît à un moment ou un autre de sa vie, qu'elle soit marocaine, française ou autre. L'auteur, enrichit les lignes de dictons, de citations de grands de la littérature française. C'est une histoire passionnante, que les chroniques littéraires françaises ont appréciée.
Mustapha Bouhaddar est passionné par les mathématiques et la littérature. Il a obtenu un doctorat en mathématiques à Jussieu et un DEA de littérature à l'université Paris VIII. Il est l'auteur de deux mémoires disponibles à l'université de Paris VIII. "L'Ecriture du désastre" dans l'oeuvre de Stéphane Mallarmé et "La Mort" dans l'oeuvre de Villiers de l'Isle Adam.


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