Le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, célébré en grande pompe en France, touche le Maroc. La troupe « L'autre rive » a donné une lecture publique de textes qui témoignent de l'actualité d'un écrivain visionnaire. Le 26 février 1802, naissait à Besançon l'une des grandes figures de la littérature française. Deux cents ans après, le 26 février 2002 marque le début officiel de la célébration du bicentenaire de cette naissance. Victor Hugo, gigantesque, prolifique, romancier, poète, dramaturge, essayiste et sénateur, s'est engagé dans les principaux combats politiques de son siècle. Il souffre malheureusement du poids de son génie et de quelques litanies fatigantes sur son œuvre. L'œuvre de Hugo garde pourtant indemne sa jeunesse parce qu'elle ne cesse de mettre en perspective des événements politiques et sociaux qui agitent encore notre époque. En atteste la lecture de ses textes le 4 et 5 avril à l'IF de Casablanca par la troupe « L'autre rive ». Constituée de Mohamed Nadif, Rachid Mountasar, Asmae Hdrami et Nourredine Zioual, cette troupe a opté pour des textes qui surprennent par leur actualité. Il n'a pas été question du Hugo écrivain, mais du Hugo qui utilise tour à tour sa notoriété d'écrivain et son statut d'homme politique pour mettre son art au service des causes qui lui tiennent à cœur. Les textes lus par cette troupe témoignent du caractère visionnaire d'un écrivain, dont les propos téméraires laissaient à la traîne plusieurs politiques et penseurs des XIXe et XXe siècles. Hugo était de tous les combats. Il était un fervent défenseur du suffrage universel, il a su mobiliser sa rhétorique pour énoncer ses convictions sans demi-mesure. «Le suffrage universel dit à tous, et je ne sais pas de plus admirable formule de la paix publique : soyez tranquilles, vous êtes souverains». En prose comme en vers, il s'est élevé contre le travail des enfants, l'exploitation des ouvriers, l'ignorance qui engendre la misère : «Je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère », a-t-il écrit. Hugo a milité pour l'abolition de la peine de mort. Il a été marqué à vie par le spectacle d'un condamné conduit à l'échafaud sur une place de Burgos. L'image de cet homme donné en spectacle à une foule accourant de toute part pour assister à son exécution a poursuivi l'écrivain tout au long de sa vie. Utilisant tour à tour sa notoriété d'écrivain et son statut d'homme politique, il a milité en faveur de cette cause, à travers romans, poèmes, témoignages devant les tribunaux, plaidoiries, discours et votes à la Chambre des Pairs, à l'Assemblée puis au Sénat. L'ouvrage qui regroupe les écrits et discours relatifs à cette question vient d'être publié aux éditions Textuel. Robert Badinter, ancien garde des sceaux et initiateur de l'abolition de la peine de mort en France, en a écrit la préface. Hugo avait prononcé cette phrase, à peu près un siècle avant Badinter devant le Sénat : « Je vote l'abolition pure, simple et définitive de la peine de mort ». Dans ce même Sénat, où il a siégé à partir de 1876, il a réclamé l'amnistie complète pour les communards qu'il obtiendra en 1880. D'autres questions d'actualité ont préoccupé Hugo, l'enseignement laïc par exemple : «Messieurs, toute question a son idéal. Pour moi, l'idéal de cette question de l'enseignement, le voici : l'instruction gratuite et obligatoire. Obligatoire au premier degré seulement, gratuite à tous les degrés». La femme évidemment : «Il est douloureux de le dire : dans la civilisation actuelle, il y a une esclave. La loi a des euphémismes ; ce que j'appelle une esclave, elle l'appelle mineure ; cette mineure selon la loi, cet esclave selon la réalité, c'est la femme». Et puis la guerre : «Que les spectres s'en aillent ! Que les méduses se dissipent ! Non, même pendant le canon d'une bataille, nous ne croyons pas à la guerre». Hugo était un antimilitariste convaincu. Il savait que les armes n'assujettissaient jamais les hommes. Un message auxquels sont malheureusement encore sourds les fous qui peuplent cette planète!