L'arrivée au pouvoir de François Hollande amorce un début de rééquilibrage en faveur de la gauche en Europe et de la priorité donnée à la croissance face à l'Allemagne d'Angela Merkel, qui entend toutefois veiller au grain sur la discipline budgétaire. Après les défaites de Gordon Brown en Grande-Bretagne, de José Luis Zapatero en Espagne, de José Socrates au Portugal et l'éviction de Georges Papandréou en Grèce, dont le parti a été étrillé dimanche lors des élections législatives, la victoire de François Hollande met un peu de baume au coeur de la gauche européenne. Sur les vingt-sept pays du bloc, tout juste une dizaine comptent des socialistes au pouvoir. Et parfois seulement en coalition. Les responsables socialistes en Europe n'ont pas perdu de temps, sitôt le résultat de l'élection présidentielle française connue, pour appeler à un changement de cap dans la politique économique du continent, tel le Premier ministre belge, Elio Di Rupo, qui a demandé «une stratégie ambitieuse de relance». Le président élu français peut se targuer d'une première victoire: la question de la croissance, occultée jusqu'alors par les programmes de rigueur budgétaire imposés par la crise de la dette, s'est imposée au centre du débat. Une initiative européenne en ce sens, déjà dans les tuyaux et financée par des fonds de l'UE, est en préparation en vue d'un sommet européen de fin juin. La campagne de Hollande a permis de débloquer les dossiers en suspens et l'Allemagne y est prête. Cela suffira-t-il toutefois à François Hollande pour accepter de ratifier le pacte de discipline budgétaire renforcée exigé par la chancelière allemande? Ou voudra-t-il ouvrir d'autres chantiers tabous à Berlin comme le statut de la Banque centrale européenne ou les euro-obligations? Le chef du gouvernement italien Mario Monti a déjà proposé ses services pour jouer les bons offices. «L'Italie occupe une bonne position pour aider la France et l'Allemagne à trouver un nouvel équilibre si la question se pose», vient-il de promettre. M. Monti joue de fait un rôle pivot. Il est loué d'une part par Angela Merkel pour avoir mis en place une difficile politique de réformes dans son pays. Mais de l'autre il plaide pour une lecture plus souple des règles européennes de discipline budgétaire, qui sied à François Hollande. M. Hollande est attendu en Europe sur un autre dossier urgent, le montant et le contenu du futur budget pluri-annuel de l'Union européenne (2014-20) qui doit être décidé en principe cette année, avec de premières discussions sérieuses fin juin. Le socialiste s'est montré peu disert sur le sujet. Reprendra-t-il à son compte la ligne dure de son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui exigeait un gel du budget et de la contribution française, tout en refusant qu'on touche aux subventions agricoles? Ou se montrera-t-il plus souple? Les partenaires de la France sont également impatients de savoir si le futur chef de l'Etat marquera une rupture de méthode sur les dossiers européens. Là où Nicolas Sarkozy avait opté pour une gestion inter-gouvernementale offensive de l'Europe, résumée au couple «Merkozy», François Hollande a laissé entendre au cours de la campagne qu'il entendait se montrer plus respectueux du rôle des institutions européennes. Il a aussi repris à son compte de nombreuses propositions de l'exécutif européen sur la croissance, comme les grands emprunts. «François Hollande est un héritier de Jacques Delors et un allié objectif de la Commission. Pour cette raison on peut s'attendre à ce que la Commission ne cherche pas l'affrontement immédiat avec lui, y compris sur les questions budgétaires», pronostique un diplomate de haut rang. De fait, l'exécutif européen a adressé des signaux conciliants à François Hollande en promettant ce week-end que le pacte de stabilité ne serait pas appliqué de manière «stupide» ou en en promettant d'œuvrer avec le futur chef de l'Etat sur la croissance.