L'Association Marocaine de Sciences Économiques (AMSE) a organisé le jeudi 26 janvier 2012 au Centre d'accueil et de conférence de la Fondation Mohammed VI, une rencontre pour débattre du rapport sur la réforme du système de compensation, mené depuis 2008 sous le direction de Noureddine el Aoufi, professeur d'économie à l'université Mohamed V Rabat Agdal. Le rapport s'inscrit dans le cadre d'une assistance scientifique demandée par le gouvernement précédent à une pléthore d'académiciens et experts marocains appelés à fournir leurs apports afin d'asseoir une vision d'ensemble qui balisera la piste à la réforme du système de compensation dans son ensemble. «La réforme du système de compensation n'est plus une option parmi d'autres, mais un impératif et une urgence. Elle doit viser loin et au-delà du seul objectif de préservation du pouvoir d'achat, à savoir la réduction des inégalités sociales, et l'éradication de la pauvreté», dira M. Nizar Baraka dans la préface du rapport. Le nouveau système devra impérativement cibler les populations les plus vulnérables, sans négliger le fait de porter son attention particulière à une classe moyenne émergente qui ne cesse de se consolider. L'un des moyens pour accomplir ce vŒu légitime est de faire de l'intervention publique le cheval de bataille pour, à la fois cibler adroitement les populations vulnérables situées au seuil et sous le seuil de la pauvreté d'une part, et rompre promptement le cycle intergénérationnel de la pauvreté d'autre part. Ces deux objectifs doivent être menés de concert avec les objectifs du Millénaire et ceux du pacte social rénové. Il s'agit là d'un nouveau contrat social qui permet à chaque citoyen de trouver - dans l'épanouissement total et complet - les moyens et la voie vers son ascension sociale. Le projet articule deux perspectives complémentaires: définir un objectif de cohésion sociale qui place la réforme considérée dans le cadre d'une reformulation de la politique de protection sociale, et réactiver le principe de solidarité et le traduire en processeur de moyens et de dispositifs au service du bien être social. La solidarité est consubstantielle à la société marocaine. Elle est fondatrice de l'identité nationale et, à travers l'histoire, l'équilibre social de notre pays a toujours trouvé ses points d'appui. En effet, le principe de solidarité structure un double lien organique : un lien horizontal entre les individus et les groupes, et un lien vertical entre la société civile et l'Etat. L'émergence, sous le nouveau règne, des valeurs de citoyenneté, de droits et libertés, et surtout l'ouverture de la sphère publique en direction de la société civile, sont autant d'apports qui raffermissent les rapports entre la base et le sommet. Les deux rapports, l'un sur le cinquantenaire et l'autre sur l'instance équité et réconciliation, ont tous deux défini une nouvelle convention de confiance articulant dans la même mouvance la dette réciproque de l'Etat vis-à-vis de la société, et de celle-ci vis-à-vis des pouvoirs publics. Selon la perspective de ces deux rapports, l'Etat doit, en sa qualité de stratège et de régulateur, assurer aux citoyens les libertés, les capacités et les sécurités conséquentes. Et en retour, la société civile doit s'acquitter de la double exigence de participation et de responsabilisation. Le plaidoyer en faveur de cette approche de réforme s'appuie sur la relation étroite entre l'investissement social et les gains espérés en termes de dépenses publiques de soutien. Il s'agit d'infléchir la politique de compensation et de répartition sociale en vigueur et de lui substituer une stratégie préventive d'investissement social et de préparation des capacités des populations pauvres menées de concert avec l'INDH. Le second plaidoyer concerne le double effet prix/revenu lié au mécanisme de la compensation par rapport à une grande partie de la population composée notamment de populations vulnérables et des franges inférieures de la classe moyenne. Une éclipse brutale du rôle de redistribution des subventions risque d'être perçu comme une politique anti-populaire et comme un coût fatal à l'encontre du pouvoir d'achat des populations vulnérables. L'objectif du rapport est d'abord de faire une évaluation approfondie des orientations de réforme du système de compensation, l'examen analytique et critique de l'existant en termes d'exploration et de décryptage des points faibles du système actuel ; une analyse qui va chercher à établir une hiérarchie dans la configuration des causalités, des facteurs de détermination systémique, et des enjeux et impacts liés à la réforme proposée. Le projet «Maroc solidaire» se décline en une matrice de propositions allant des objectifs ambitieux aux actions les plus concrètes, en passant par les options stratégiques : la démarche se décline elle aussi en matrice d'ambitions, d'options et d'actions. Les ambitions au nombre de cinq sont : 1/ briser le cercle vicieux de la compensation ; 2/ préparer au lieu de réparer ; 3/ conjuguer ciblage industriel et couverture des besoins ; 4/ refonder la solidarité collective ; 5/ conduire la réforme au plus près. Chaque ambition est répartie en options et les options en actions. Par exemple pour les options de la première ambition, il s'agira d'enrayer la spirale des subventions (option 1) et d'engager un processus de résilience sociale (option 2). Pour la seconde ambition, il s'agira d'élaborer l'action sociale de l'Etat sur une base préventive (option 3) et de redéployer la protection sociale (option 4). Pour la troisième ambition, il s'agira d'optimiser la chaîne de valeur et réguler le marché (option 5) et améliorer la coopération des intervenants (option 6). Pour la quatrième ambition, il s'agira de réduire les inégalités (option 7), de développer l'emploi salarié et le travail décent (option 8), de supprimer les positions de rente en favorisant la concurrence (option 9) et promouvoir les classes moyennes en améliorant l'offre publique d'infrastructures socioprofessionnelles et culturelles (option 10). Pour la cinquième et dernière ambition, il s'agira de reconfigurer le dispositif institutionnel (option 11), piloter globalement et coordonner localement (option 12) et enfin impliquer les acteurs et anticiper les changements (option 13). En tout, cinq ambitions et 13 options qui seront concrétisés par 43 actions. Quant aux actions, les lecteurs intéressés peuvent les consulter dans le livre qui vient d'être publié dans la collection «Economie critique», intitulé: « Le Maroc solidaire. Projet pour une société de confiance».