Grand oral de Abdelilah Benkirane Bonne gouvernance économique et mesures sociales au menu du gouvernement Lier la responsabilité à la reddition des comptes C'était le grand oral, jeudi matin, de M. Abdellilah Benkirane, chef du gouvernement, 16 jours après la constitution de son équipe gouvernementale, face aux membres des deux chambres du parlement réunis, pour la présentation du programme gouvernemental, un moment très attendu par tous les Marocains. Peu de chiffres si ce ne sont ceux déjà publiés par la presse, mais un fort engagement pour la mise en œuvre d'une politique social ambitieuse et une réelle volonté d'assainir l'économie nationale et de stimuler sa compétitivité. Et un leitmotive qui a jalonné l'ensemble du discours du chef du gouvernement, «lier la responsabilité à la reddition des comptes». Cinq axes principaux autour desquels s'articule la déclaration gouvernementale ; le raffermissement de l'identité nationale et l'ouverture sur les autres cultures et civilisations en premier lieu, ensuite la consolidation de l'Etat de droit, de la régionalisation avancée, des droits et des libertés. Le troisème axe est relatif à l'édification d'une économie nationale compétitive et diversifiée, créatrice d'emploi et réductrice des inégalités, le quatrième aux programmes sociaux et à l'accès aux services sociaux de base et enfin une meilleure adaptation à l'environnement régional et international. La préservation de l'intégrité territoriale demeure la première priorité nationale, a affirmé M. Benkirane, qui a précisé que l'actuelle législature serait consacrée à la mise en oeuvre des dispositions de la nouvelle Constitution. Par ailleurs, un Conseil supérieur des langues devrait être crée afin de promouvoir les deux langues nationales, l'arabe et l'amazigh et un accent particulier serait mis sur la réforme de la justice. Quand à l'engagement du chef du gouvernement à promouvoir la parité homme-femme, il a été quelque peu remis en cause juste au début de la séance au parlement, les femmes députés ayant acueilli M. Benkirane avec des pancartes où elles se demandaient «Qu'en est-il de l'article 19 de la Constitution ? Qu'en est-il de la parité ?». Pendant que des associations féminines manifestaient pour les mêmes raisons devant le Parlement. Sur les plan économique et financier, l'instauration d'une bonne gouvernance est l'objectif premier affiché du gouvernement. De la lutte contre l'économie de rente, la spéculation, la corruption et les monopoles, à l'amélioration du climat des affaires et de la compétitivité, en passant par une plus grande transparence pour une meilleure conccurence dans l'accès aux marchés publics, le chef du gouvernement a également promis de garder la maîtrise des équilibres macro-économiques et d'améliorer le taux d'épargne, ainsi qu'une fiscalité plus adaptée aux PME. Une réforme du système fiscal devant par ailleurs permettre d'améliorer les recettes de l'Etat. Quand à la réduction des charges de l'Etat, le nouveau gouvernement table sur une réforme de la Caisse de compensation, objectif que les gouvernements précédents s'étaient également tracés sans pour autant parvenir à le réaliser. Mais l'avait déjà bien compris le gouvernement de M. Abbas El Fassi, cette réforme passe par un soutien direct aux familles les plus démunies. Le gouvernement oeuvrera pour la création d'un fonds de solidarité appelé «fonds public d'assurance sociale pour les démunis», dans le cadre de la poursuite de la réalisation des projets de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain. Du travail, du travail… La problématique de l'emploi sera indéniablement le grand défi que devra relever le gouvernement Benkirane. Le taux de chômage est actuellement de 9,1% et la déclaration gouvernemenatale promet de le ramener à 8% au bout de cinq ans, en mettant l'accent sur les diplômés chômeurs de longue durée. Mais comme ce taux est de 31% pour les jeunes de moins de 34 ans, la pression sur l'équipe gouvernementale sera énorme à ce sujet. D'ailleurs, pendant que M. Benkirane présentait le programme de son équipe aux députés, la place face au parlement dans l'avenue Mohammed V grouillait de diplômés chômeurs venus manifester leur attente d'une solution «immédiate». Quatre d'entre eux étant même allés jusqu'à s'immoler par le feu. Le gouvernement de M. Benkirane mise sur les programmes de promotion de l'emploi déjà existants «Moukawalati», «Idmaj», «Taahil» et l'auto-emploi pour venir à bout de ce lourd fardeau. D'autre part, pour marquer son intérêt pour la jeunesse, le nouveau gouvernement compte créer un Conseil supérieur de la jeunesse et de l'action associative et de lancer un dialogue national sur ce sujet. Un Conseil consultatif de la famille et de l'enfance serait aussi à mettre sur pied, le gouvernement Benkirane s'étant engagé à réduire les taux de mortalité infantile et maternelle, dans le but d'atteindre les objectifs du millénaire tracés par les Nations Unies d'ici 2016. Ayant placé l'enseignement, la santé et l'habitat en tête des priorités de sa politique sociale, le chef du gouvernement a promis, concernant le secteur de l'enseignement, bonne gouvernance et positionnement de l'enseignant au centre du processus éducatif. L'analphabétisme devra être ramené de 30% à 20% d'ici 2016. Quand à la politique de santé du gouvenement Benkirane, elle sera axée sur l'accès et la qualité des soins et la politique du médicament. Un nouveau produit en matière de logement, au coût de 800.000 Dhs, sera destiné aux couches sociales moyennes, dans le cadre de la vision du nouveau gouvernement en matière d'habitat. L'offre en matière de logement pour les classes sociales défavorisées serait aussi améliorée de manière à ramener le déficit en logements sociaux à 400.000 unités en 2016, contre 840.000 actuellement. D'autre part, la cadence de exécution du programme «Villes sans bidonvilles» serait rehaussée. L'opposition n'a pas attendu longtemps pour dénoncer un programme gouvernementale qui ne serait qu'une longue liste de bonnes intentions. Les Marocains, qui ont porté par leurs votes l'actuelle équipe gouvernemenatale au pouvoir, espérent plutôt que ses efforts soient couronnés de succès. Entre les attentes des uns, les critiques des autres et les contraintes d'un environnement économique et politique régional et international des plus incertains, le mandat du nouveau gouvernement s'avère déjà semé d'embuches. Mais il lui est interdit de décevoir. Ahmed NAJI